Etat d’exception en Tunisie : d’une déclaration pertinente à une consécration démesurée
Par Mondher Rezgui. Chercheur en Sciences Politiques. Tunis, 05 octobre 2021 - Nous nous trouvons désormais au cœur du questionnement relatif à l’état d’exception dans lequel la Tunisie s’est trouvée depuis le début de soirée d’un certain 25 juillet 2021 suite à une déclaration télévisée solennelle adressée aux citoyens par le Président de la République.
Pour une majorité, ce fut un couronnement heureux d’une décennie largement contestée à travers une journée hautement mouvementée sur l’ensemble de la république : émeutes, manifestations, marches scandant le parlement, appelant à sa dissolution, décriant le parti islamiste Nahdha dont beaucoup de locaux régionaux furent ciblés et vandalisés par la foule.
Pour d’autres et notamment ceux appartenant aux sympathisants de la majorité parlementaire, cette déclaration ne fut pas bien accueillie. C’était considéré comme « un geste excessif » du Président de la République et fut immédiatement caractérisé comme « un coup d’état ». Cependant, beaucoup parmi cette constellation n’ont pas manqué d’exposer leur désaveux par rapport à la gestion de la décennie passée, critiquant particulièrement le leadership du parti Nahdha qui a vu ses rangs se dégarnir suite à des démissions de groupe touchant autant les adhérents de base que les cadres du parti.
Depuis cette fameuse journée du 25 juillet 2021 et plus particulièrement après la promulgation du décret Présidentiel du 22 septembre 2021, la scène politique tunisienne bouillonne de débats passionnés, de discussions enflammées, de déclarations élogieuses et d’autres à la limite de la décence, venant de part et d’autre des deux camps en présence.
Dans ce contexte général marqué par un amalgame insidieux : pour les uns on associe le coup d’arrêt d’une décennie de gestion dangereuse des affaires publiques à la stigmatisation de ce coup d’arrêt en le considérant subversif et en le qualifiant de « coup d’état ».
Pour les autres on se réfère à l’article 80 de la constitution qu’on s’engage à respecter tout en la mettant ultérieurement dans un statut inférieur à celui d’un décret Présidentiel.
Au-delà de cet amalgame qu’on relève chez les deux camps qui avaient tous les deux le moyen de l’éviter par honnêteté intellectuelle pour les uns et par un meilleur dosage de sagesse et d’accélération du cours des événements pour les autres, on est tenté de revenir à la source qui alimente cet amalgame, à savoir la nature même de ce fameux état d’exception qui, semble-t-il, n’a pas fait l’objet des éclairages nécessaires.
Ainsi on essaiera ci-après d’aborder en premier lieu sa définition et passer en revue quelques exemples d’application de ce concept dans le cercle des pays démocratiques avant d’examiner en deuxième lieu l’application qui en est faite en Tunisie depuis son déclenchement récent.
Avant d’examiner le concept d’état d’exception il importe de préciser quelques notions souvent associées à ce concept soit par confusion linguistique (coup d’état) soit par synonymie (état d’urgence, état de siège).
En ce qui concerne le terme composé de « coup d’état », on se place de prime abord dans le cadre d’un régime politique autoritaire, voir dictatorial où la passation du pouvoir entre l‘équipe en exercice et la nouvelle équipe ne se fait pas par voie constitutionnelle pacifique sur la base d’une opération électorale libre aux termes d’un mandat électoral accompli donnant lieu à une évaluation sereine par les électeurs.
En se basant sur un ensemble de définitions livrées par des sources encyclopédiques différentes mais relativement concordantes(1) nous pouvons synthétiser cette manœuvre que représente le coup d’état comme étant : une prise du pouvoir, par la manière violente et souvent armée, s’accommodant souvent de la suspension ou l’annulation de la constitution et bénéficiant du soutien d’un groupe restreint qui est souvent militaire. Géographiquement on constate que les coups d’état ont très souvent été opérés dans des pays d’Amérique Latine et d’Afrique dont les régimes étaient très souvent autoritaires. Dans cette perspective le coup d’état n’a rien de commun avec l’état d’exception qui a souvent été opéré dans des Etats considérés comme démocratiques.
Pour l’état de siège et l’état d’urgence Il s’agit de régimes d’exception dont les mesures et les conditions sont prévues par voie constitutionnelle ou législative.
I- l’État d’exception en démocratie: d’une conviction commune à une pratique variable
A- L’état d’exception : une notion largement partagée
« Il a été décidé, sans beaucoup de discussions, que, dans des situations d’exception à forte teneur anxiogène pour la population (terrorisme, épidémie, catastrophe naturelle), il était nécessaire de mettre entre parenthèses le droit commun pour adopter un droit d’exception. »(2)
L’état d’exception correspond à une phase provisoire de la vie d’un Etat pendant laquelle les règles de gestion des affaires publiques peuvent être modifiées à titre temporaire. Cette phase provisoire vient s’insérer entre deux parenthèses ouvertes dans la vie d’un État lors du fonctionnement normal et continu de ses institutions dans le respect des règles de droit de l’Etat en question.
Entre ces deux parenthèse ouvertes les règles de droit de la période normale peuvent être modifiées ou suspendues de manière totale ou partielle sur décision de la partie qui a invoqué l’état d’exception quelle soit exécutive, législative, ou judiciaire.
Cette partie a généralement tendance à concentrer les pouvoirs tout en veillant à réduire sinon à suspendre les droits et les libertés considérés constitutionnellement fondamentaux en temps normal.
L’organisation exceptionnelle des pouvoirs déployée entre les deux parenthèses par rapport au cours normal des événements, tire sa légitimité et sa seule raison d’être : de l’objectif de combattre un danger imminent qui met en péril toute une nation d’où sa temporalité liée à la neutralisation du danger guettant la nation.
Par conséquent, l’état d’exception est bâti sur une idée centrale qui le provoque, lui procure sa raison d’être et décide de sa fin. Cette idée centrale est un péril imminent dont la nature conditionne toute cette configuration spéciale et temporaire mise en place à titre circonstanciel.
Cela fait de l’état d’exception une obligation qui s’impose à la partie qui la déclenche et pour qui la marge de choix est nulle.
De cette manière, l’état d’exception se trouve dans une relation fonctionnelle avec la raison même de son déclenchement à savoir le péril imminent duquel il tire son caractère nécessairement évident : la temporalité.
Au final l’État d’exception peut se résumer à une situation temporaire ou les pouvoirs sont centralisés, les droits et les libertés sont réduits dans l’unique objectif de combattre un péril imminent. L’exception marque ainsi une différence perceptible avec l’état antérieur dont la nature est le fonctionnement dans la continuité.(3)
C’est cette définition qui fait que l’ensemble des pays considérés démocratiques s’accordent à l’admettre pour pouvoir, le cas échéant, réagir efficacement à tout danger pouvant les cibler surtout avec l’émergence de phénomènes nouveaux guettant les Etats et dont notamment le terrorisme, les épidémies sanitaires et les catastrophes naturelles. Ces phénomènes semblent expliquer l’apparition de nouvelles tendances vers la pérennisation de certains aspects de la gestion exceptionnelle chez certains Etats.
Cependant, le concept classique de l’état d’exception tel que présenté ci-haut est toujours largement partagée parmi les pays démocratiques qui y trouvent un refuge minimal de salut public, sans pour autant en faire une voie raccourcie vers une réforme sociopolitique fondamentale.
Mais comme « partager » n’est pas synonyme de « calquer » ou même de « cloner », le balayage de ces Etats permet de découvrir la multiplicité qui caractérise autant les configurations juridiques ou constitutionnelles que la mise en application pratique de ce concept.
B-Une mise en application à géométrie variable(4)
Il apparaît évident que la majeure partie des pays de la sphère démocratique sont sensibles et conscients de la nécessité de prévoir la possibilité d’avoir un jour à faire face a une situation d’exception quoiqu’ils se présentent en rangs dispersés au niveau du mode d’application que chaque Etat fait sien. Cela explique tant l’intérêt porté à la question par la commission de Venise que la classification consacrée par le rapport d’Ergun Özbudun et Mehmet Turhan dont les résultats se présentent essentiellement comme suit :
La catégorie des pays dits « optimistes »: Il s’agit des pays qui ne prévoient pas d’état d’exception partant d’une conviction inébranlable de la nature paisible de leurs peuples respectifs avec laquelle s’estompe tout risque de danger à leur organisation courante qui justifierait la prévision d’un état d’exception. Les constitutions de ces pays ne prévoient pas de suspension des dispositions constitutionnelles. Parmi cette catégorie on retrouve les Etas suivants : Belgique, Luxembourg, Norvège, Danemark, Suède, Autriche, Suisse et Japon.
Cependant certains des pays de cette catégorie avaient quand même recouru à quelques techniques juridiques qui ne s’apparentent pas exactement à l’état d’exception mais qui permettent subsidiairement de faire face à certaines situations considérées extrêmes comme la guerre, le risque de guerre et la crise (ex : Norvège, Luxembourg, Suède et Autriche).
La catégorie des pays qui prévoit constitutionnellement l’état d’exception: Elle couvre la majorité des pays démocratiques. La différenciation entre ces pays se fait essentiellement au niveau des critères retenus par rapport à l’état d’exception. Ces critères se présentent comme suit :
• Le pouvoir de déclarer l’état d’exception: Ce pouvoir est généralement partagé entre l’exécutif pour la proposition et le législatif pour l’approbation. Cependant, il y a des aménagements particuliers pour chaque État.
• La durée de la période d’exception: Cette période est prévue et stipulée dans l’ensemble des Etats considérés. Cependant elle n’est pas la même pour tous. En effet elle varie de 15 jours à six mois et elle est renouvelable au moins une fois.
• Les compétences exercées pendant l’état d’exception: Pour certains de ces pays l’état d’exception n’entraîne pas de changement dans la répartition des compétences entre les organes (ex: Espagne, Portugal). Pour les Etats fédéraux le transfert des fonctions se fait de la périphérie au centre (ex: Allemagne Canada, Russie). La délégation des compétences se fait au profit d’un organe nouvellement créé à la déclaration de l’état d’exception (ex: Hongrie). Le transfert de compétences supplémentaires à l’exécutif (ex: Turquie, Croatie, Chypre). Le transfert de certaines compétences de police aux autorités militaires (ex: Portugal, Grèce, Turquie) ce qui n’est pas admis dans d’autres pays (ex : Allemagne, Finlande, Russie, Pologne, Hongrie, Lettonie, Malte). Le transfert des compétences peut être conditionné (ex : Irlande). Dans cette catégorie la constitution de certains pays ne prévoit pas de modification constitutionnelle (ex : Roumanie, Pologne, Lituanie, Kirghizstan). De même toute suspension de la constitution est interdite (ex : Hongrie).
• La nature des mesures d’exception : En règle générale l’état d’exception implique la restriction ou la suspension des droits et libertés fondamentaux. Au-delà de la diversité des régimes d’exception, les Etats membres de l’Union Européenne ont l’obligation de respecter l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme(5) dans les termes suivants :
«Article 15 - Dérogation en cas d’état d’urgence
1. En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international.
2. La disposition précédente n’autorise aucune dérogation à l’article 2, sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.
3. Toute Haute Partie contractante qui exerce ce droit de dérogation tient le Secrétaire général du Conseil de l’Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire général du Conseil de l’Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé d’être en vigueur et les dispositions de la Convention reçoivent de nouveau pleine application.»
Ainsi ces restrictions sont assortie des principes de :
• Proportionnalité, paragraphe 1,
• Non dérogeabilité d’un cercle minimal des droits de l’homme, paragraphe 2,
• Notification, paragraphe 3.
Au-delà de ces restrictions consacrées par un document international les engageant, les Etats se sont liés sur le plan constitutionnel et parfois législatif à aller davantage vers le non dérogeabilité d’autres droits et libertés par les mesures d’exception.
– Le contrôle législatif
Si généralement les Etats concernés confèrent à l’exécutif, pour des raisons d’efficacité évidente, la prérogative de déclarer l’état d’exception cela est conditionné par l’approbation du parlement. De même que l’appréciation de l’opportunité de mettre fin à l’État d’exception est exclusivement accordé au parlement ce qui explique l’absence du recours à la dissolution du parlement pendant la période d’exception.
Par ailleurs l’ensemble des constitutions prévoient, en période d’exception, l’exercice du contrôle de l’action législative de l’exécutif soit par une procédure courante ou bien par une procédure spéciale.
– Le contrôle Juridictionnel
Le contrôle juridictionnel de la déclaration de l’état d’exception n’est pas admis en Turquie, Hongrie, Canada, Suisse, Finlande. Il est applicable en Russie, Malte, Chypre. Ce contrôle demeure une possibilité théorique dans certains Etats (ex : Liechtenstein, Espagne, Allemagne, Portugal, Lituanie, Kyrghystan). Quant aux actes des autorités de l’état d’exception sont généralement soumis au contrôle des tribunaux.
Cet éclairage de l’état d’exception mérite d’être enrichi par le travail de Nicolas Bonbled et Céline Romainville(6) qui avaient soumis cet état au prisme du droit international où il se trouve encadré(7) sur la base d’un ensemble systématisé de principes:
• Le Principe de proclamation,
• Le Principe de notification,
• Le Principe de temporalité,
• Le Principe de proportionnalité,
• Le Principe de compatibilité,
• Le Principe de non-discrimination,
• Le principe d’intangibilité de certains droits.
Ainsi, le panorama de la pratique de l’état d’exception par les Etats considérés montre que la faculté de recourir à ce régime est admise cependant sa mise en œuvre dans tous ses recoins demeure variée et largement soumise aux spécificités et à la vision propre de chaque État.
Cette diversité des modèles juridiques de régulation des situations d'exception n’exprime pas un quelconque écart par rapport au socle commun qui les unit dans cette perspective grâce aux efforts de la Commission de Venise visant la systématisation des règles minimales devant gouverner ces régimes lorsqu’ils sont déclarés et grâce aussi au droit international par la voie de certains instruments internationaux(8).
L’intérêt accru accordée à l’analyse de l’état d’exception surtout dans ces nouvelles tendances peu abordées dans le présent écrit n’as pas manqué de motiver certains auteurs pour songer à un régime intermédiaire entre la normalité et l’exception qui est envisagé sous l’appellation en anglais de : « times of stress »(9).
L’expérience nationale en la matière n’est pas dans cette perspective puisque la Tunisie se trouve en ce moment dans une situation si singulière qu’elle conditionne son recours, sa perception et sa mise en œuvre de l’état d’exception.
II - Expérience tunisienne de l’état d’exception: carence constitutionnelle et démesure applicative
A– Une conception constitutionnelle inachevée
Certes, la constitution tunisienne de 2014 a beaucoup de mérite sur un certain nombre d’aspects qui constituent de réelles raisons de fierté, cependant, cela n’est pas le cas du régime politique qu’elle a instauré et plus précisément de l’article 80(10) qui traite de l’état d’exception objet du présent écrit.
L’inclusion de cet article dans la constitution est à priori fort louable en tant que tel, cependant, lorsqu’il s’agit d’inclure une arme aussi redoutable que la déclaration de l’état d’exception, il fallait prendre la mesure qu’impose l’objet et lui accorder toute l’attention méticuleuse et responsable que cela exige. Or, cet article ne semble pas avoir été rédigé dans des conditions optimales et avoir bénéficié de tous les soins au sens de la réflexion cohérente et pertinente à l’intérêt suprême de l’État dans toutes ses composantes en l’inscrivant dans la durée qui transcende tout.
Un tel article aurait dû être rédigé dans un souci stricte d’éviter que « nos dirigeants exploitent les paniques à venir »(11) et non pas dans l’ambiguïté et le silence qui ouvre de larges perspectives à l’interprétation aussi bien intentionnée soit-elle.
Quant aux imperfections de cet article on essayera de les analyser en s’arrêtant essentiellement sur les points significatifs sans être pour autant restrictifs :
– « En cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics … »
Une telle présentation de la raison qui puisse légitimer le déclenchement de l’état d’exception pèche terriblement par son caractère général, son ambiguïté et son manque manifeste de précisions quant à la nature du « péril imminent » et notamment quant à ses manifestations possibles. La précision et la clarté dans la formulation auraient donné plus de rigueur au recours à cet article.
– « … après consultation du Chef du Gouvernement, du Président de l’Assemblée des représentants du peuple… »
Une telle consultation aurait été déterminante et sécurisante si elle était engageante au niveau des résultats auxquels elle donnerait lieu. Cette légèreté exclut toute portée efficace de cette consultation qui se réduit malheureusement à un effet de remplissage textuel inutile. Par ailleurs, n’ayant spécifié aucun caractère solennel à cette consultation, cet article la prive de tout effet moral. Le contrôle parlementaire de la déclaration de l’état d’exception se trouve ainsi réellement inexistant.
– « … après en avoir informé le Président de la Cour constitutionnelle … »
Cette expression marque une volonté manifeste d’éviter le contrôle juridictionnel à la décision de déclarer l’état d’exception. Cette deuxième voie de contrôle ne semble pas tout au moins susciter l’intérêt des constituants qui ont pris le soin de la contenir dans les limites de l’information qui ne doit provoquer aucune réaction. Ceci ne traduit nullement un souci quelconque des constituants pour la sécurité des citoyens quant au déploiement de cet article, arme constitutionnellement redoutable dont le déploiement doit être accompagné d’un grand sens de la mesure, de la responsabilité et plus particulièrement de la considération prioritaire à l’intérêt suprême de l’État.
– « … Il annonce ces mesures dans un message au peuple… »
Certes il s’agit d’une obligation envers les citoyens. Par contre qu’en est-il de la notification qui devrait être faite sur le plan extérieur relatives aux pays frères, pays amis, organisations régionales, organisations internationales et toutes autres instances internationales avec qui la Tunisie entretient des relations d’intérêt commun ?
– « … Ces mesures doivent avoir pour objectif de garantir, dans les plus brefs délais, le retour au fonctionnement régulier des pouvoirs publics … »
L’objectif en soi semble être aussi clair que légitime à savoir : garantir le retour … à un fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Cependant l’article reste muet sur la voie à emprunter pour l’atteindre. Cela est tout à fait cohérent avec l’ambiguïté originelle entachant d’une part la nature même des raisons inhérentes à l’état d’exception et d’autre part la durée maximale qui ne devrait pas dépasser cette « formule bateau » à savoir : « les plus brefs délais ».
– « … l’Assemblée des représentants du peuple est considérée en état de session permanente … »
Il s’agit d’une disposition qui semble à première vue répondre, à travers un statut de réunion continue, à un besoin de présence physique pour répondre à tout besoin de réaction parlementaire, mais dont l’efficacité d’application demeure peu convaincante en raison de la nature du processus de prise de décision collective qui est généralement long, fastidieux et relativement peu efficace. Il aurait été plus judicieux de réfléchir à garantir la tenue en réunion continue d’un autre organe parlementaire restreint de l’Assemblée mais assurant la représentation de tous les membres comme « le bureau de l’Assemblée» par exemple.
– « … Dans cette situation, le Président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple … »
Cette disposition peut poser problème en étroite liaison avec les raisons précises qui pourraient motiver la décision de déclencher l’état d’exceptions. Cela supposerait, dans le cas où il est clairement démontré, que l’assemblée des représentants du peuple, à travers des preuves évidentes d’un dysfonctionnement, serait à l’origine du danger imminent qui menace l’État. Qu’en adviendrait-il dans ce cas ? Cela pose un vrai problème.
En tout état de cause, cette disposition ne devrait pas exister car elle s’oppose, certes dans des cas rare mais toujours possibles, à l’éventualité de dissoudre le parlement lorsqu’il s’avère être à la source d’un danger imminent pour l’État.
On pourrait contre-argumenter cette orientation en invoquant l’éventualité que le Président de la République pourrait lui aussi constituer la source du danger imminent. A cela la réponse réside dans l’article 88 qui soumet le Président de la République à la destitution par le parlement en raison d’une violation grave de la constitution. Ainsi, à ce niveau, l’équilibre des pouvoirs est assuré(12).
Au final l’article 80 de la constitution traitant de l’état d’exception présente des lacunes qui dépassent l’entendement surtout lorsqu'on a l’évidence que la constituante avait consulté la commission de Venise(13) au sujet du projet de la constitution, et que cette commission n’a pas prodigué à la constituante tunisienne le conseil qui permet une rédaction de l’article 80 plus à même de garantir sa pertinence par rapport à la finalité recherchée.
Mieux encore, le rapport de la commission de Venise(14), dans son paragraphe 116 semble totalement satisfait de l’article 79 (article 80 dans la version finale) en soulignant que « cette disposition mérite d’être saluée ». C’est un avis qu’on partage sur le principe d’avoir traité constitutionnellement la question mais pas sur le contenu pour les raisons précédemment invoquées à moins que la commission n’ait examiné une version autre que celle publiée, ce qui n’est pas à écarter.
Cet article 80 de la constitution tunisienne, marqué par les lacunes et les ambiguïtés qu’on vient d’exposer ne pouvait qu’altérer sa propre mise en œuvre le moment venu et quel qu’en soit l’auteur.
B- Une mise en œuvre alternée
La mise en œuvre de l’article 80 a été opérée par le Président de la République le 25 juillet 2021 suite à une journée de manifestations généralisées à l’ensemble du pays. Cette mise en œuvre d’un article constitutionnel manifestement défaillant ne pouvait donner lieu à une application miraculeusement performante par le dépositaire constitutionnellement légitime de la prérogative d’invocation de l’état d’exception. En effet l’interprétation qui en a été faite, dans une première phase, lors de la déclaration de cet état le 25 juillet 2021, a été certes large mais judicieuse puisant dans le fin fond de l’esprit de cet article pour rester dans la conformité constitutionnelle. Cependant, cette interprétation a tellement évolué en l’espace de deux mois pour placer l’ensemble de l’initiative Présidentielle en dehors de la Constitution dès le 22 septembre 2021 à travers le décret Présidentiel.
1–Une interprétation mesurée de l’article 80 le 25 juillet 2021
On doit tout d’abord observer que l’interprétation de l’article 80 en vue de sa mise en œuvre repose fondamentalement sur l’énoncé textuel, l’esprit du texte et la motivation profonde de la partie en charge de la mise en œuvre. Il est par conséquent indéniable que cette interprétation se fasse sur la base de la formulation souhaitée et non pas sur la base de la formulation officiellement publiée surtout si celle-ci pèche par un manque flagrant de précision.
Le 25 juillet 2021 le Président de la République se trouve en face d’une situation politique effervescente menaçant l’éclatement avec un risque réel de perte de tout contrôle de la situation sans le déploiement massif de la puissance publique dont les conséquences pourraient s’avérer néfastes pour le rétablissement de l’ordre public. En effet un si important déploiement aurait pu générer des coûts humains et matériels énormes face à des émeutes généralisées et des citoyens hautement excédés par une gestion catastrophique de la décennie passée et réclamant le départ d’une certaine classe politique considérée défaillante.
Le Président de la République, de par la mission dont il est constitutionnellement investi et dans pareilles circonstances, se trouve devant un article 80 forts handicapant au vu de son objet fondamental : permettre le sauvetage d’une nation face a un péril imminent, tel qu’on l’a précédemment exposé.
Dans ces circonstances le Président de la République, après s’être entretenu avec les hauts responsables de l’armée et de la sécurité nationale, a déclaré aux Tunisiens, dans une allocution télévisée directe, l’instauration de l’état d’exception dans les termes repris dans le communiqué de la Présidence de la République(5) dont voici la version française:
« Suite À la consultation du Chef du Gouvernement et du Président de l’Assemblée des Représentants du Peuple en application de l’article 80 de la constitution, le Président de la République Kais Said a pris en ce jour 25 juillet 2021, les décisions suivantes en vue de sauvegarder la patrie, la sécurité du pays et son indépendance et garantir le fonctionnement normal des rouages de l’État :
- La révocation du Chef du gouvernement,
- Le gel de l’action et des prérogatives de l’assemblée des représentants du peuple pendant 30 jours,
- La levée de l’immunité parlementaire à tous les membres de l’assemblée des représentants du peuple,
- La prise en charge par le Président de la République du pouvoir exécutif avec l’assistance d’un Chef de Gouvernement nommé par le Président de la République.
Dans les heures qui suivent un décret sera publié pour organiser ces mesures exceptionnelles imposées par les circonstances et qui seront levées avec la fin de leurs causes.
En cette occasion la présidence de la République appelle le peuple tunisien à être vigilant et ne pas céder aux appels aux troubles.(16)»
Dans l’attente du décret d’organisation des mesures exceptionnelles dont la publication était annoncée dans les heures qui suivaient, le texte du communiqué de la présidence permettait de dégager les éléments suivants:
1. Le Président de la République a décidé la déclaration de l’état d’exception en application de l’article 80 de la constitution,
2. La déclaration de l’état d’exception était motivée par l’imminence d’un péril menaçant l’Etat,
3. Le respect des formalités de consultation et d’information,
4. La révocation du chef du gouvernement,
5. Le gel de l’action et des prérogatives du parlement,
6. La levée de l’immunité parlementaire à tous les parlementaires,
7. La prise en charge par le Président de la République du pouvoir exécutif avec l’assistance d’un Chef de gouvernement nommé par le Président de la République.
Ces éléments interpellent objectivement les commentaires suivants:
- Elément no 01: L’action entreprise par le Président de la République constitue une déclaration de l’état d’exception. Elle est fondée sur l’article 80 de la constitution avec laquelle elle se déclare et se veut conforme.
- Elément no 02: L’objectif de cette déclaration est parfaitement clair : c’est mettre fin à un péril imminent.
- Elément no 03: Le volet formel de cette action telle qu’énoncée par l’article 80 est déclaré être respecté et en mis en conformité avec l’article 80 qui n’exige ni preuve, ni démarche solennelle ou avis concordant.
Jusque-là on est en totale adéquation avec l’énoncé même de l’article 80 de la constitution. Par contre lorsqu’on aborde les éléments 04/05/06 relatifs respectivement à la révocation du chef du gouvernement, au gel de l’action et des prérogatives du parlement, et à la levée de l’immunité parlementaire à tous les parlementaires, on constate qu’on sort de l’énoncé littéral de l’article 80 pour entrer sur un terrain sensible, celui du questionnement de l’esprit de l’article 80 et notamment celui de sa finalité objective.
De la sorte on se place sur un terrain glissant mais fort nécessaire face au mutisme de cet article sur certains aspects. Il s’agit du terrain de l’interprétation.
En effet l’article 80, comme on l’a précédemment observé, est muet quant à la nature du « péril imminent ». S’il avait été explicite il aurait spécifié ce péril dans sa nature, dans ses manifestations et surtout dans ses foyers institutionnels potentiels. De cette manière on aurait été certainement plus à même d’identifier le foyer du péril avec plus de précisions sans passer par le fastidieux et complexe exercice de l’interprétation.
A ce moment, il est vrai que le seul dépositaire constitutionnellement légitime de la fonction de déclarer l’état d’exception (le Président de la République) et seul habilité à considérer la situation, avait estimé, dans une interprétation nécessaire, que le chef du gouvernement dans sa gestion des affaires publiques, constituait avec une partie non encore déterminée de parlementaires, le foyer de ce péril imminent qui guettait l’État d’où sa révocation d’une part et, d’autre part, le gel de l’action de l’assemblée des représentants du peuple et la levée de l’immunité de tous les membres pour permettre à la justice de s’acquitter de sa mission envers eux sans aucune entrave.
C’est de cette interprétation que découle le dernier élément no 07 (La prise en charge par le Président de la République du pouvoir exécutif avec l’assistance d’un chef de gouvernement nommé par le Président de la République).
Cet élément constitue une réponse pratique à la nécessité d’assurer la continuité de l’État et la gestion des affaires publiques pour que le citoyen ne demeure pas l’otage paradoxal d’un état d’exception qui vise son salut.
On considère par voie de conséquences que ce qui a été annoncé le 25 juillet 2021 était conforme, pour une première partie, à la lettre de l’article 80 de la constitution et pour une deuxième partie à son esprit. Il importe également d’observer que la qualité rédactionnelle de cet article a facilité par son mutisme l’interprétation qui en a été faite.
Cependant, est-ce le cas du décret Présidentiel no 2021-117 du 22 septembre 2021 qui a été réalisé dans une configuration totalement différente ?
2–Un décret Présidentiel constitutionnellement démesuré
Après avoir constaté que la déclaration en date du 25 juillet 2021 de l’état d’exception n’est pas entachée d’une quelconque irrégularité constitutionnelle sur la base d’une interprétation qui se base sur la lettre autant que sur l’esprit profond de l’article 80, on se propose à présent d’examiner le décret Présidentiel du 22 septembre 2021(17) dans la perspective de vérifier dans quelle mesure il serait en adéquation avec la déclaration faite dans l’interprétation qu’on a considérée conforme à la lettre et à l’esprit de la constitution.
Pour ce faire on se limitera à questionner le fond sans nécessairement revenir sur les points validant les décisions du 25 juillet 2021.
Certes, on considère que ce décret constitue dans l’absolu, une mine d’enseignements autant dans sa forme que dans son contenu, tous dignes de la plus grande attention des spécialistes. Cependant, en raison de l’objet circonscrit du présent écrit et par obligation de pertinence on se limitera aux points qu’on considère les plus déterminants quant à l’objet et qui sont les suivants :
– « Vu la Constitution, notamment son article 80, »
La référence à la constitution et notamment à son article 80 est une base non seulement de validation de l’ensemble de la démarche mais aussi une source de garantie et d’assurance quant à la suite du décret Présidentiel et sur l’avenir de la gestion de cet épisode exceptionnel.
– « Art. 3 - Il est mis fin à toutes les primes et tous les avantages octroyés au Président et aux membres de l’Assemblée des représentants du peuple. »
Si le gel de l’activité de l’Assemblée des représentants du peuple peut être considéré comme une mesure préventive pour traiter le danger que pourrait représenter une partie des membres du parlement dont l’identification est confiée à la justice, cela ne devrait pas pénaliser la partie des membres qui n’ont rien à se reprocher sauf d’être membres de l’Assemblée au cours de ce mandat, ce qui n’a rien d’un crime.
L’idée de gel des activités du parlement serait défendable si elle est assortie d’un contrôle judiciaire rapide pour identifier les membres, indépendamment de leurs fonctions respectives internes, dont la qualité est entachée d’une quelconque irrégularité afin de procéder légalement à leur révocation définitive du parlement, de déclarer ensuite les sièges vacants constatés et organiser enfin une élection législative partielle pour combler les sièges vacants.
La deuxième alternative serait de convenir avec les membres non incriminés de l’Assemblée d’une auto dissolution collective pour aller vers des élections législatives anticipées. C’est une alternative qui peut être envisagée suite aux déclarations d’un nombre important de ces membres de leur volonté profonde de s’auto dissoudre.
C’est bien là que réside la puissance du droit.
– « Art. 15- Le Président de la République peut soumettre au référendum tout projet de décret-loi. Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet, le Président de la République le promulgue dans un délai maximum de quinze jours à compter de la date de proclamation des résultats du référendum. »
On considère que cet article est contraire à la lettre et à l’esprit de la constitution. Certes le Président de la République est habilité par l’article 113 de la loi électorale(18) à convoquer les électeurs au référendum. Cependant, en matière constitutionnelle, il est tenu, selon l’article 144 de la constitution(19), de passer par le parlement. Or cet article 144 de la constitution n’est pas compatible avec l’article 15 du décret Présidentiel.
- « Art. 20 - Le préambule de la Constitution, ses premier et deuxième chapitres et toutes les dispositions constitutionnelles qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent décret Présidentiel, continuent à être appliquées. »
Cet article consacre la suprématie du décret Présidentiel par rapport à la constitution ce qui constitue une erreur notable en matière d’hiérarchisation des normes de droit. C’est comme si on s’amuserait à stabiliser une pyramide sur sa pointe en gardant sa base en haut. Cela dépasserait l’entendement et sonnerait le glas à la hiérarchisation classique des normes de droit à l’avenir, à moins qu’on assiste à l’émergence d’une nouvelle théorie en la matière ce dont on est en droit de douter.
– « Art. 22 - Le Président de la République élabore les projets de révisions relatives aux réformes politiques avec l’assistance d’une commission dont l’organisation est fixée par décret Présidentiel.»
Des réformes politiques devraient porter fondamentalement sur la constitution et les lois relatives aux élections, aux partis politiques et aux associations. Or la constitution ne peut pas être amendée sans passer par le parlement selon son article 144.(20)
À travers ce bref aperçu du contenu de ce décret Présidentiel avec l’objet unique d’en vérifier la conformité avec la constitution comme initialement annoncé, on relève que l’état d’exception a nettement viré vers une inconstitutionnalité manifeste alors qu’on aurait pu garder le cap constitutionnel.
Ce virage incompréhensible non seulement il consacre la non constitutionnalité de l’état d’exception déclaré en Tunisie mais encore plus : Il sème le doute quant à l’engagement initial solennellement annoncé de respecter la constitution.
Certes, la constitution demeure une œuvre humaine qui n’a rien à voir avec un ouvrage sacro-saint nullement amendable par l’homme. Cette œuvre collective humaine, produit de son époque et des multiples spécificités objectives et subjectives la conditionnant, ne peut jamais à ce titre, atteindre la perfection d’où la nécessité légitime de son amendement, de sa suspension provisoire partielle ou totale et même de sa suppression et remplacement.
Cependant cela est difficilement admissible en période d’exception constitutionnelle. Une telle règle d’or repose sur la logique communément admise suivante: le changement des règles qui régissent l’organisation d’une nation ne s’opère jamais au cours d’un état d’exception dont l’objet exclusif est la levée rapide du péril imminent en vue de la remise en fonctionnement de l’Etat.
Encore aujourd’hui beaucoup de tunisiens parfaitement conscients des séquelles d’une décennie de médiocrité notoire sont profondément favorables à la déclaration de l’état d’exception pour extirper le mal rongeant les institutions tunisiennes à travers une réforme à mener dans le cadre de la constitution, même s’il faudrait l'amender partiellement si nécessaire tout en la respectant comme annoncé le 25 juillet 2021.
Toute entreprise de réforme fondamentale de l’Etat, aussi légitime et aussi populaire soit elle, ne peut se prévaloir de la prééminence du droit dans sa conception la plus noble lorsqu’elle s’emploie à s’en écarter.
Réformer l’Etat dans la mesure où cela sert le mieux les intérêts de la nation demeure une initiative hautement louable mais à la condition de le réaliser en conformité avec les normes juridiques qui fondent l’Etat.
Réformer l’Etat dans le droit est certes une lourde mission adossée à une équation difficile à atteindre mais elle constitue le meilleur gage pour la consécration de l’Etat de droit dans tout projet de réforme fondamentale future.
L’action commune par le Droit et pour le Droit est le salut de tous dans un Etat de droit, beau rêve ayant tant caressé l’esprit des tunisiennes et tunisiennes toutes générations confondues. Serait-on proche de le voir se réaliser ?
Mondher Rezgui
Chercheur en Sciences Politiques
Tunis, 05 octobre 2021
(1) - Encyclopédies : Webster, Britannica, La Toupie, Universalis.
Voir aussi :
- CLAYTON L. THYNE et Jonathan M. Powell, Coup d’Etat or Coup d’Autocracy? How Coups Impact Democratization, 1950–1981, in Foreign Policy Analysis • April 2014.
- Emma Birikorang, Coups d’état in Africa – A Thing of the Past? In POLICY BRIEF 3/ 2013, Kofi Annan International Peacekeeping Training Center.
- Gene Sharp, Bruce Jenkins, L’ANTI-COUP D’ÉTAT, L’Harmattan, Grenoble, 2009.
(2) - Xavier Magnon et Ariane Vidal-Naquet, Grille d’analyse indicative, in L’ÉTAT D’EXCEPTION, NOUVEAU RÉGIME DE DROIT COMMUN DES DROITS ET LIBERTÉS ? DU TERRORISME À L’URGENCE SANITAIRE, TABLE RONDE INTERNATIONALE DE JUSTICE CONSTITUTIONNELLE, AIX-EN-PROVENCE, 11 septembre 2020.
(3) - Cette vision s’identifie à l’acception classique de cette notion par François Saint-Bonnet (L’état d’exception et la qualification juridique, in Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, Presses universitaires de Caen, 31 décembre 2008) face à celle de Giorgio Agamben (L’état d’exception. Homo sacer, Paris, Seuil, 2003).
(4) - Cette partie s’est essentiellement basée sur les données comparatives fournies par le rapport élaboré par M. Ergun Özbudun et Mehmet Turhan, Les pouvoirs d'exception, in Science et technique de la démocratie n° 12, Strasbourg 1998. L’intérêt particulier de ce rapport réside dans le fait qu’il soit Fondé sur des réponses apportées au questionnaire sur les pouvoirs d'exception formulé par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
(5) - Convention européenne des droits de l’homme.
(6) - Bonbled Nicolas, Romainville Céline. États d'exception et crises humaines aiguës : débats récents autour du terrorisme et des nouvelles formes de crise. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 24 2008, 2009. Constitution et famille(s) - Urgence, exception et Constitution. pp. 429-459.
(7) - Grace aux travaux de N. Questiaux et L. Despouy.
(8) - Pour les pays considérés on pense notamment aux : Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Conventions européenne des Droits de l'Homme.
(9) - Michel Rosenfeld, Judicial Balancing in Times of Stress: Comparing diverse Approaches to the War on Terror, Benjamin N. Cardozo School of Law, New York, 2005.
(10) Article 80 de la constitution tunisienne de 2014 :
« En cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures qu’impose l’état d’exception, après consultation du Chef du Gouvernement, du Président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le Président de la Cour constitutionnelle. Il annonce ces mesures dans un message au peuple.
Ces mesures doivent avoir pour objectif de garantir, dans les plus brefs délais, le retour au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Durant cette période, l’Assemblée des représentants du peuple est considérée en état de session permanente. Dans cette situation, le Président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple et il ne peut être présenté de motion de censure contre le Gouvernement.
Trente jours après l’entrée en vigueur de ces mesures, et à tout moment par la suite, la Cour constitutionnelle peut être saisie, à la demande du Président de l’Assemblée des représentants du peuple ou de trente de ses membres, pour statuer sur le maintien de l'état d'exception. La Cour prononce sa décision en audience publique dans un délai n’excédant pas quinze jours.
Ces mesures prennent fin dès la cessation de leurs motifs. Le Président de la République adresse à ce sujet un message au peuple.
(11) - Bruce Ackerman and Nathalie Cunnington, “Les Pouvoirs d’exception à l’âge Du Terrorisme.” Editions Esprit, 2006, pp. 150–64, http://www.jstor.org/stable/24257121.
(12) - Article 88 de la constitution : « L'Assemblée des représentants du peuple peut, à l'initiative de la majorité de ses membres, présenter une motion motivée pour mettre fin au mandat du président de la République en raison d'une violation manifeste de la Constitution. La décision doit être approuvée par les deux tiers des membres de l'Assemblée. Dans ce cas, l'affaire est renvoyée devant la Cour constitutionnelle qui statue sur la question à la majorité des deux tiers. En cas de condamnation, la décision de la Cour constitutionnelle se limite à la révocation, sans exclure d'éventuelles poursuites pénales si nécessaire. La décision de révocation prive le président de la République du droit de se porter candidat à tout autre élection. »
(13) - lettre de M. Mustapha Ben Jaafer, Président de l’Assemblée Nationale Constituante de la Tunisie, en date du 3 juin 2013, adressée à la Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise), demandant son avis sur le projet final de la Constitution de la Tunisie.
(14) - Avis 733 / 2013 de la Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise) en date du 17 juillet 2013, portant Observations sur le projet final de la constitution de la République Tunisienne.
(15) - Texte du communiqué de la présidence de la république en date du 25/07/2021.
(16) - La traduction vers la langue française est réalisée par l’auteur.
(17) Décret Présidentiel n° 2021-117 du 22 septembre 2021, relatif aux mesures exceptionnelles.
(18) - Loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums
Art. 113 - Les électeurs sont convoqués au référendum par décret présidentiel auquel est annexé le projet de texte qui sera soumis au référendum. Le décret et son annexe sont publiés au Journal officiel de la République Tunisienne.
(19) - Constitution tunisienne de 2014 :
Article 144.
Toute proposition de révision de la Constitution est soumise par le président de l'Assemblée des représentants du peuple à la Cour constitutionnelle afin de vérifier qu'elle ne porte pas atteinte aux matières dont la révision est interdite par la Constitution.
L'Assemblée des représentants du peuple examine à son tour la proposition pour approbation du principe de révision, à la majorité absolue.
La révision se fait à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée des représentants du peuple. Le président de la République peut, après l'accord des deux tiers des membres de l'Assemblée, soumettre la révision au référendum, l'adoption se fait dans ce cas à la majorité des votants.
(20) - Op. Cit : Article 144 de la Constitution tunisienne de 2014.
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