Success Story - 19.01.2013

Faouzi Jrad : Il n'est pas toujours facile d'officier en direct

Comment fait-il pour ne pas lasser ses téléspectateurs ? Du lundi au vendredi, Faouzi Jerad est pratiquement tous les soirs en direct sur Hannibal TV,  raflant le prime- time. Il intervient certes en deux formats différents : « Le dossier de l’actualité »,  lundi et jeudi et, « Espace Libre »,  mardi, mercredi et vendredi, mais il s’efforce d’innover sans cesse pour capter l’attention.

A 48 ans, ce Kerkennien au caractère racé qu’on reconnaît au franc parler et à la témérité, compte parmi les interviewers de talent qui officient actuellement dans les messes cathodiques du soir. C’est à lui que Hamadi Jebali avait accordé son interview télévisée au lendemain de l’annulation de la grève de l’UGTT. Et c’est lui aussi qui a interviewé, avec ses confrères de Nessma et Watanya, Moncef Marzouki dans l’une de ses meilleures prestations. Sans compter plusieurs dizaines de figures politiques de tous bords. Rares sont ceux qui n’ont pas défilé sur son plateau, dans les studios de Choutrana, devenu un passage prisé. Moments forts vécus, émouvants, angoissants ou amusants, il nous fait partager témoignages et coulisses.

C’est par un heureux hasard qu’il a fait le choix de Hannibal TV en 2006. Après des études en économie, il s’était engagé dans l’action politique et la société civile et c’est ainsi que l’un de ses amis lui avait proposé de participer en tant qu’invité à l’émission télévisée d’Abderrazak Chebbi, «Sous les projecteurs » (Fi Da’irat Al Dhaw), traitant de questions sociales. Ses interventions étaient si appréciées qu’on lui demanda de revenir la semaine d’après, puis la suivante jusqu’à devenir un invité permanent. Abderrazak devait succéder à son frère Ala dans «Al Moussameh Karim» et c’est Jerad qui fut choisi pour  prendre la relève. «Je ne m’y étais pas préparé, confie-t-il à Leaders, car je n’y avais jamais songé auparavant. J’en suis redevable à Si Larbi Nasra qui m’a accordé sa confiance puisque ce fut  pour moi la première fois d’être en direct  sur antenne. La directrice de la chaîne de l’époque, Najwa Rahoui, m’avait elle aussi beaucoup encouragé et n’a cessé de me coacher. Au moment où je m’apprêtais à entrer au studio, et pour me témoigner de sa confiance, elle m’avait dit qu’elle allait passer les deux heures les plus difficiles de sa vie, ayant parié sur ma réussite. Cela suffisait pour me galvaniser».

«Dès le lendemain matin, poursuit-il, elle m’avait demandé de re-visionner l’émission, de noter les points forts et les points faibles, pour m’exercer à perfectionner ma prestation. Ce fut un excellent conseil.  Cette émission me fera découvrir les arcanes du métier et ses ficelles. Je l’animerai pendant longtemps, avant de céder la place à Salwa Bsaies, y participant parfois en tant que chroniqueur. Avec le déclenchement de la révolution, une nouvelle émission était lancée : «Espace libre» et j’étais chargé d’y participer intensivement, en plus de la première émission « Sous les projecteurs », et d’une troisième, «Le dossier de l’actualité». Parfois, les impératifs de la programmation les enfilaient toutes, les unes après les autres, au cours d’une même soirée et j’ai dû m’arranger pour éviter la saturation,  grâce à la compréhension de M. Nasra,». Rapidement, Hannibal TV a pris son rythme de croisière et les débats animés par Faouzi Jerad se sont distingués par une ligne éditoriale bien nette : donner la parole à tous ceux qui ont quelque chose d’intéressant à dire, dans l’indépendance des partis et appartenance et dans l’équilibre des points de vue exprimés. «Ce choix, qui est en fait celui de toute l’équipe, souligne Faouzi Jerad, est important. Indépendance et équilibre, autant que possible, sont nos maîtres-mots. Je reconnais que ce n’est pas toujours facile et toujours possible, mais nous nous y efforçons. D’ailleurs, c’est ce que réclame le téléspectateur».

Du coup, les plateaux sont plus élargis, accueillant ensemble des représentants de la Troïka et de l’opposition et lorsque parfois une absence de dernière minute devient irrattrapable, on va jusqu’à laisser le siège vacant et le signaler sur antenne. L’équipe déploie  toute son ingéniosité pour y parer le plus possible. Jerad insiste beaucoup sur le travail effectué par ses coéquipers «Je ne suis que la partie visible de l’iceberg: Ce sont eux qui font presque tout. A leur tête, le directeur de la chaîne, Faouzi Ezzeddine. Ensemble nous passons en revue l’actualité, sélectionnons les thèmes, choisissons les invités, préparons le conducteur avec les principales séquences, les articulations, les  questions-clés, etc. L’équipe technique a, elle aussi, beaucoup de mérite. Déjà, ceux qui partent en reportage pour préparer les différentes séquences à injecter, mais aussi ceux qui sont sur le plateau ; chacun y apporte son talent pour performer l’émission. C’est réellement une œuvre collective».

Les caprices du direct, Jerad en a eu l’expérience. «Il n’y a pas plus délicat que de s’adresser en direct au public, souligne-t-il. Au moindre dérapage, par mégarde, vous êtes sanctionné par l’auditoire. Aucun droit à l’erreur. On ne s’amuse pas avec cet outil et on doit tout prendre au sérieux. Cela exige beaucoup d’exercice et de préparation ainsi qu’une grande présence d’esprit. Parfois, un invité se lâche et il va falloir le rattraper rapidement, le plus finement possible, en surfant. Et ce n’est jamais toujours gagné. La bonne foi est importante, la sincérité aussi. Puis, il y a des relations de confiance et de respect qui se tissent entre nous tous »

Jerad a dû connaître au fil de tous ces mois des moments exceptionnels. «Les plus émouvants sont, confie-t-il, ceux pendant lesquels on a reçu des blessés de la révolution. Ils sont à la fois d’une souffrance poignante et d’une grande dignité. Là, on est dans le vif !» Mais, il doit y avoir aussi des moments amusants ? «Sans doute, dit-il. A travers les vives répliques où l’humour se mélange avec le sérieux, les petites phrases qui sont exprimées au second degré, les messages politiques que les uns  passent aux autres ou encore lorsque la technique ne nous épargne pas ses caprices. Un soir, j’avais à mes côtés Samir Dilou et le représentant d’un parti de l’opposition. Celui-ci s’était lancé dans une diatribe difficile à déchiffrer, lorsque mon téléphone portable glissé au fond de ma poche et que j’avais oublié d’éteindre complètement, l’ayant laissé sur un mode faible sonnerie, se mit à chantonner la fameuse chanson «Je n’ai rien compris». Dilou, qui était tout près de moi, éclata de rire, mais heureusement que la sonnerie était si faible que les téléspectateurs ne s’en étaient pas aperçus ».

Et des moments d’angoisse ?
« Là, c’est plus dur, reconnaît Jerad. Ce fut le cas lorsqu’un invité spécial qui devait être le seul avec moi au plateau m’a fait faux bond à la toute dernière minute. J’avais une heure d’antenne à tenir et comme je n’ai pas un talent de conteur comme Abdelaziz Laroui, vous pouvez alors imaginer mon angoisse. Et c’est là que l’équipe vous sauve. Immédiatement, on a trouvé une solution de rechange,  nous rabattant sur des appels téléphoniques avec des personnalités politiques qu’on avait l’habitude d’inviter au studio, et nous nous sommes alors arrangés pour les interviewer par téléphone. Du coup, pour nous mettre à l’abri des surprises, on a pris la décision d’élargir le nombre d’invités dans cette émission à deux ou trois».

Y a-t-il de bons et de moins bons «clients» sur antenne ? «Pour moi, ils sont tous bons, prend soin de préciser Jerad pour n’offusquer personne. Mais je découvre que d’excellents écrivains sont gagnés par le trac ou n’arrivent pas à bien s’exprimer en direct et que d’autres  s’y prennent habilement, préparant leurs petites phrases, nous réservant des surprises, entretenant l’auditoire avec leur bagout. Avoir de bons débatteurs est un régal. L’essentiel pour nous, c’est que l’émission réussisse, c’est-à-dire que le téléspectateur y trouve du spectacle, de la pensée et de l’information. Pour ma part, j’essaye toujours de cacher mon jeu jusqu’au démarrage de l’émission, sans jamais dévoiler au préalable mes questions et encore moins qu’on m’en impose certaines. Vous savez, la grande règle à respecter dans ce métier, c’est d’être professionnel et indépendant. Et encore!».

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