News - 03.06.2012
Slim Zeghal à Arusha : il faut que le gouvernement gouverne
Unique panéliste tunisien invité aux tables rondes organisées dans le cadre des assises de la BAD à Arusha, Slim Zeghal, PDG d’Altea Packaging et membre fondateur de la CONECT, était suivi avec attention lors de la session consacrée au printemps arabe, un an après. Parce qu’il est chef d’entreprise tunisienne privée implantée dans divers pays de la région et l'un des dirigeants d’une nouvelle centrale patronale. A ses côtés se trouvaient notamment, Idriss Azami Al Idrissi, ministre délégué marocain auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget, Abdellatif Ben Chenou, ministre algérien des finances, Jacob Kolster, directeur régional de la BAD pour la Tunisie, la Libye et l’Egypte et Nono Matondo-Fundani, directeur régional de la BAD pour l’Algérie, la Mauritanie et le Maroc, ainsi que Hakim Ben Hammouda, conseiller spécial auprès de Donald Kaberuka, président de la BAD.
Grand axe des débats, comment renforcer l’intégration économique de l’Afrique du Nord, la région la moins intégrée au monde pour accélérer la relance économique et réussir la transition. Mais, pour bien illustrer les grands principes, il fallait procéder à un état des lieux. Le cas de la Tunisie est pour de nombreux analyste particulièrement instructif, chacun cherchant à mieux comprendre ce qui se passe dans le pays et comment l’entreprise le vit concrètement. D’où l’intérêt de l’intervention de Slim Zeghal. Pour lui, il faut que le gouvernement puisse gouverner loin de toute pression ou considération électorale. Aussi, la Tunisie a grandement besoin de «quick-wins», ces actions qui donnent des résultats immédiats pour de la vraie création d’emplois et de richesses, notamment à travers la passation rapide des marchés publics et l’engagement de grands projets en PPP. Extraits.
Le premier constat, important, est que l’administration a fait preuve d’une grande résilience et que, en dépit des grands changements que la Tunisie a subis, il n’y a pas eu de coupures d’eau, de courant, d’approvisionnement en vivres etc. la vie a continue presque normalement et cela est tout de même important a rappeler…
Nous avons gagné clairement en liberté, liberté d’expression, d’action, parfois même en débordant sur celle des autres, car beaucoup d’entre nous ont oublié que les libertés et les droits viennent aussi avec des devoirs, et qu’il ne faut pas empiéter de ce fait sur la liberté des autres… Cela a donc conduit à une situation où l’on voit bon nombre de débordements, et un non respect de la loi à divers niveaux. Il faut aujourd’hui s’assurer que le pouvoir politique rétablisse l’ordre et fasse respecter la loi par tous. Il faut que le gouvernement gouverne…
Il est vrai que le pays entier n’était pas préparé à ce qui est arrivé, et si l’on peut reprocher au gouvernement un certain manque d’expérience, on peut faire le même reproche aux medias, à la société civile, à tout l’écosystème dans lequel nous vivons. Nous devons retrouver un nouveau point d’équilibre, un nouveau modus vivendi, dans lequel nous pourrons évoluer harmonieusement.
Aujourd’hui, il faut ramener la confiance et la réinstaller entre nous. Nous n’avons plus véritablement de repère, de référence… Aujourd’hui, on voit qu’il n’y a pas de miracle… Mais plus grave, nous sommes un peu « bloqués » dans une phase transitoire. Nous sommes passés d’un premier gouvernement transitoire, à un second tout aussi transitoire, qui semble avoir peur de prendre des décisions impopulaires car son action peut d’une part être perturbée par un agenda politique qui reste chargé et où il y a une échéance électorale, mais aussi, cette action est parfois sans doute handicapée par la crainte de mauvaises interprétations ou de suspicion de corruption etc. dont on a tant souffert sous le règne de Ben Ali…
On voit beaucoup d’instabilité et de mécontentement, mais cela est du au fait que l’on n’a pas bien géré les attentes des gens. La phase électorale que nous avons eue a vu les politiciens promettre beaucoup, et annoncer plein de chiffres et de projets et de « miracles ». La réalité est autre, et les gens sont maintenant déçus car ils voient que la réalité est têtue et qu’on ne peut pas la changer qu’avec de bonnes intentions. Il est difficile de faire changer de cap à un grand paquebot.
Autant, le paquebot a su garder le cap et éviter toute pénurie / disfonctionnement juste après la révolution, autant il est difficile aujourd’hui de lui faire prendre une autre route rapidement! Or, nous avons clairement besoin de «quick-wins». Nous avons besoin d’actions qui donnent des résultats immédiats pour de la vraie création d’emplois et de richesses.
Ces actions consisteront pour le Gouvernement a prendre des mesures beaucoup plus rapides au niveau des marchés publics. Il s’agit de lancer des projets très vites et passer ces marchés selon peut-être des process plus accélérés. Il faudra simplifier, sans toutefois tomber dans le piège du clientélisme, et cela peut se faire en simplifiant les process de passation des marchés, chose ou les bailleurs de fonds comme l’ADB et d’autres peuvent aider.
Par ailleurs, des quick-wins peuvent être obtenus en mettant en place des partenariats public-privé, pour des projets d’infrastructures, créateurs de beaucoup d’emplois à court et moyen terme. Le secteur public est bon pour assurer un environnement règlementaire correct et le secteur privé est bon pour mener à bien des projets efficaces et qui gagnent de l’argent au bout du compte. En ces temps de tensions budgétaires, et de dégradation de la note souveraine, il ne faut pas que l’Etat s’endette plus, mais cela ne doit pas l’empêcher de lancer de grands projets. Cela peut être fait dans une logique PPP avec la bonne allocation de risque au niveau financier, opératoire etc. En cela aussi, les institutions internationales, dont la BAD, peuvent nous aider pour faire évoluer nos institutions et établir le bon cadre pour mener tout cela.
Comme l’a dit Gandhi, on ne connait pas toujours les résultats de son action, mais si l’on n’agit pas, il n’y a pas de résultats !
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