L’humanisme à l’épreuve des puissances : entre droit International et intérêts géopolitiqued
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Par Hella Ben Youssef
Alors que nous approchons du 27 février, date marquant une intensification des discussions autour de Gaza, et alors que la tenue du sommet arabe d’urgence reste à confirmer, une question se pose : où se situe la politique étrangère tunisienne dans ce moment charnière ?
La Tunisie a longtemps incarné une diplomatie fondée sur la médiation et la défense des causes justes, se positionnant comme une voix respectée sur la scène internationale. Face aux crises actuelles qui redessinent les équilibres mondiaux, ce rôle ne saurait que se confirmer. Pendant ce temps, les puissances internationales, sous couvert de solutions diplomatiques, poursuivent des stratégies visant avant tout la consolidation de leurs propres intérêts, au mépris du droit international et des principes d’humanité.
Le double standard du droit International : L’Ukraine et la Palestine
En ce troisième anniversaire de la guerre totale menée par la Russie contre l’Ukraine, les appels au respect du droit international se sont multipliés, mettant en avant l’article 2(4) de la Charte des Nations Unies, qui interdit l’usage de la force contre l’intégrité territoriale d’un État souverain. Ce même cadre légal, invoqué avec fermeté contre Moscou, semble d’une souplesse déroutante lorsqu’il s’agit d’autres conflits, notamment en Palestine.
Là où la Russie est unanimement dénoncée pour sa violation flagrante du droit international, les mêmes puissances ferment les yeux sur les exactions perpétrées contre les Palestiniens, en violation de la Quatrième Convention de Genève, qui interdit le transfert forcé de populations et la punition collective.
Nous affirmons ainsi notre rejet catégorique de toute négociation qui exclurait l’Ukraine et l’Europe. De même, nous refusons que des discussions sur la Palestine se tiennent "par-dessus de la tête" des premiers concernés, au risque d’accorder des concessions inconsidérées à l’agresseur et de fragiliser la sécurité mondiale. Une paix juste et durable doit être définie avant tout par les peuples directement concernés.
Crimes de guerre et Impunité : Une stratégie de Domination
Que ce soit en Ukraine ou en Palestine, les civils sont les premières victimes de guerres où le droit international humanitaire est continuellement bafoué.
Les attaques indiscriminées sur des zones résidentielles, les bombardements d’infrastructures vitales et les déplacements forcés de populations constituent autant de violations du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI). La mise en œuvre de la justice internationale demeure sélective.
En Palestine, les attaques sur Gaza, les blocus inhumains et la colonisation illégale en Cisjordanie violent clairement les Conventions de Genève et relèvent de la qualification de crime de guerre et d’apartheid. Aucune action concrète n’est menée pour tenir Israël responsable de ces violations.
Face à cette impunité, il est essentiel que la Tunisie intensifie davantage sa position sur la scène internationale. En appui aux initiatives de l'Afrique du Sud, qui a déposé une plainte contre Israël devant la Cour Internationale de Justice, marquant une étape cruciale dans la reconnaissance des crimes commis contre le peuple palestinien, notre soutien sera précieux.
En s’associant à ces démarches, non seulement en soutenant activement les actions judiciaires en cours, mais aussi en rejoignant les efforts du comité nouvellement créé à La Haye, chargé de défendre la cause palestinienne au sein des instances internationales. Un engagement diplomatique clair avec l’Afrique du Sud permettrait de renforcer un front solidaire contre l’impunité et pour la justice.
Vers un nouvel Humanisme Politique
Ce qui se joue aujourd’hui dépasse le cadre d’un simple conflit régional. Nous assistons à une mutation profonde des luttes sociales et politiques, à une remise en question globale des systèmes d’injustice et d’oppression.
Mais au-delà de l’indignation, nous devons structurer ce réveil humaniste en un projet politique concret avec une justice internationale impartiale. Il est temps de réorganiser la coopération Sud-Sud et de redéfinir les relations internationales hors de l’hégémonie occidentale.
La Tunisie, fidèle à son héritage diplomatique, peut et doit être un fer de lance de cette transformation. Mais pour cela, elle doit rompre avec la passivité et revendiquer une politique étrangère audacieuse et visionnaire.
Le monde est à un tournant. Ceux qui restent silencieux aujourd’hui seront complices demain.
Hella Ben Youssef
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