L’architecture, un levier économique sous-estimé

Par Ilyes Bellagha - Dans les débats économiques, l’architecture est souvent reléguée au second plan, perçue comme un simple habillage esthétique des projets de construction. Pourtant, dans un pays comme la Tunisie, où les défis de développement, d’emploi et de croissance sont urgents, l’architecture constitue un vecteur de dynamisation économique majeur, encore trop peu reconnu.
1. Une industrie transversale à haute valeur ajoutée
Chaque projet architectural active une chaîne d’acteurs : bureaux d'études, ingénieurs, artisans, entreprises de bâtiment, fabricants de matériaux, décorateurs, techniciens spécialisés, etc. L’architecture agit comme un catalyseur de l’activité économique locale, en créant des emplois qualifiés et en stimulant des filières entières.
Une étude réalisée dans plusieurs pays du pourtour méditerranéen a montré que chaque dinar investi dans un projet bien conçu génère en moyenne entre 3 et 5 dinars de retombées économiques directes et indirectes, selon la nature du projet. En Tunisie, cette dynamique reste sous-exploitée.
2. Attractivité territoriale et compétitivité
L’architecture de qualité attire les investissements. Villes, zones industrielles, pôles touristiques, équipements publics : partout où l’on investit dans des espaces bien pensés, fonctionnels et durables, on favorise l’attractivité et la compétitivité. Un centre-ville revitalisé, un hôtel bien intégré à son environnement, une université au design contemporain... autant de lieux qui donnent confiance, génèrent des flux et créent de la valeur économique durable.
3. L’innovation comme moteur de croissance
L’architecture contemporaine ne se limite plus au dessin des formes : elle intègre aujourd’hui des enjeux technologiques, climatiques, numériques et sociaux. Cette évolution ouvre la voie à de nouveaux métiers, à la recherche appliquée, à des start-ups spécialisées dans les matériaux durables, la modélisation 3D, les solutions bioclimatiques ou la gestion intelligente des bâtiments.
En stimulant l’innovation locale, l’architecture contribue à faire émerger un tissu économique plus résilient, plus qualifié et plus compétitif à l’export.
4. Réhabilitation et transformation: une mine d’emplois verts
Face à la crise énergétique et à l’obsolescence du parc bâti, la réhabilitation architecturale constitue une opportunité économique majeure. Rénover intelligemment un bâtiment permet non seulement de réduire les coûts à long terme, mais aussi de mobiliser des compétences variées : diagnostics techniques, isolation, matériaux biosourcés, réorganisation des espaces, etc.
Ce secteur en pleine croissance est une source d’emplois verts et durables, encore largement sous-estimée dans les politiques économiques nationales.
Conclusion: investir dans l’architecture, c’est investir dans l’économie réelle
Il est temps de reconnaître l’architecture comme un pilier économique stratégique, capable de générer de la richesse, des emplois et de la croissance. Dans un pays comme le nôtre, où chaque dinar investi doit être porteur d’effets multiples, valoriser l’acte de bâtir, de concevoir, de réhabiliter, est une nécessité économique, pas un luxe.
L’architecture n’est pas un supplément d’âme. C’est un moteur de développement.
Ilyes Bellagha
Ancien président de l’Ordre des Architectes de Tunisie
Président fondateur de l’Association Architectes Citoyens
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