News - 16.01.2013

Faut-il participer au nouveau gouvernement ?

Une personnalité tunisienne ayant été approchée pour faire partie du nouveau gouvernement a décliné et s’en explique auprès d’un ami.

Cher ami,

J’ai été sollicité et tu me demandes pourquoi je n’ai pas accepté de participer au prochain gouvernement. Permets-moi de ne pas te répondre directement et d’explorer plutôt avec toi le sens d’une telle participation et son utilité éventuelle.

Je ne fais pas partie de la majorité et si on m’a contacté, c’est soit au titre de mon appartenance à l’opposition soit à celui de mes compétences réelles ou supposées.

Dans le premier cas, cela n’a de sens que s’il s’agit d’un gouvernement d’union nationale. Toutes les forces, absolument toutes, s’uniraient pour sortir notre cher pays de l’ornière politique dans laquelle le gouvernement actuel l’a mis. Toutes les forces, du Front Populaire (Al Jebha Chaâbia) à l’Appel de la Tunisie (Nida Tounes) sans oublier Ennahdha, ses partenaires de la Troïka, le Parti Républicain (Al Joumhouri) ou El Massar. Je ne pense pas que ce soit vers cette direction que l’on s’oriente. Et si ce n’est effectivement pas le cas, quel est l’objectif de cette ouverture si ce n’est de diviser l’opposition ?

Mais peut-être as-tu raison. Ce n’est pas mon engagement politique qui est recherché mais ma compétence. Ce n’est pas de division qu’il s’agit, mais d’union même si ce n’est pas une union nationale. Appelons-là plutôt union sacrée (sans mauvais jeu de mots) pour imprimer une dynamique nouvelle à notre pays. Peut-être l’objectif n’est-il effectivement pas de sortir de l’ornière politique mais de désembourber notre économie et d’apporter de premières réponses aux attentes sociales et sociétales qui n’ont, à ce jour, reçu que des réponses en termes de charité alors que le peuple réclamait la dignité. Mais si c’est l’objectif recherché, il faudrait alors une équipe gouvernementale resserrée, soudée et d’une cohésion à toute épreuve. Une équipe de choc pour promouvoir un plan d’action globale s’attaquant de front aux sujets économiques, sociaux et sociétaux. Les attaquer tous les trois de front car ils sont intimement liés et  imbriqués. Nous ne sortirons pas notre pays de cette mauvaise passe sans un nouveau contrat social, sans une refonte totale de la politique fiscale pour une meilleure politique de redistribution. Nous n’apporterons aucune ouverture sur le front du chômage si nous ne parvenions ensemble à une adéquation entre éducation, enseignement supérieur, formation professionnelle et emploi. Seule une action énergique et concertée sur ces fronts permettra d’avancer.

Nous avons déjà perdu et du temps et le momentum. Ennahdha avait la légitimité électorale et aurait été encore plus légitime, si elle s’était attelée à établir la justice sociale, mis en place les outils à même de garantir la dignité et renforcé la justice tout court. Et elle aurait pu s’appuyer sur la ferveur d’une population encore toute émue de sa participation à des élections libres, légitimement fière d’avoir insufflé un vent de liberté et une revendication de dignité à travers le monde dont les échos se sont fait sentir jusqu’à Wall Street.

Ce moment historique a été lamentablement manqué par impréparation et par des démarches politiciennes voire revanchardes et auto-centrées selon la sévérité du jugement. Pour l’instant, l’arène politique est loin d’avoir favorisé l’émergence des hommes d’Etat dont notre pays a besoin.

Aujourd’hui, on parle beaucoup d’un gouvernement de compétences. Certes la compétence est une condition nécessaire pour provoquer un sursaut de notre pays. Mais elle est loin d’être suffisante. La somme de compétences individuelles est loin d’être garante d’une compétence collective. Il y faut la cohésion !

Je reviens alors à ta question. Fallait-il accepter ? Oui ! Assurément oui, si je pensais pouvoir agir en cohésion totale avec les autres membres du gouvernement. On ne les connait pas encore ? Et pour cause, les consultations sont en cours ! Nous savons cependant de manière certaine que nombre d’entre eux seront à l’image de ce que le gouvernement actuel nous donne à voir. Fallait-il accepter ? Non, définitivement non, lorsque l’on est porteur d’une vision sociale et sociétale orthogonale à celle d’une partie importante des membres présumés de ce gouvernement. Oui ? Non ? La réponse n’est pas aisée.

Sache en tout cas, qu’il est vain de penser que l’économique pourra être traité de manière isolée, quelle que soit la compétence et la vision en la matière. Et puisque c’est sur le terrain de la compétence que la discussion a convergé, il est vain d’espérer pouvoir imposer ses conditions pour que la cohésion se fasse autour de la vision que je partage avec de nombreux autres. Dans la négociation politique, on ne pèse que du poids des troupes auxquelles on appartient. Et  pour pouvoir compter sur ces dernières, ce n’est pas seulement au titre de ses compétences mais aussi et surtout au titre de son engagement partisan, de son engagement politique, que l’on doit participer. Mais comme nous l’avons vu, cela ne peut être envisagé que dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale seul à même de retrouver ce momentum dont je parlais plus haut.

La boucle est bouclée. J’ai comme l’impression de me répéter. J’ai  assumé mes responsabilités ! Je suis sûr que tu comprendras.

 

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8 Commentaires
Les Commentaires
Omar - 17-01-2013 08:25

Je vous félicite pour votre imagination et votre créativité.. Ecrire un article avec une mise en scène pareille pour insinuer à l'impératif dialogue avec Nidaa Tounes, le rassemblement des RCDistes et des opportunistes est une tentative deséspérée, car Ennahdha et ses alliés sont allergiques à l'idée même.. comme ce fut le cas pour les RCDistes qui étaient allergiques aux islamistes... Je vous conseille de régler votre boussole. Le nord a bien changé de cap.

Titanfr - 17-01-2013 10:25

C'est le genre de nouvelle, parler pour ne rien dire! Les Élites ont de l'or dans les têtes, et le peuple dans les mains!!!! Titan.

Béchir - 17-01-2013 10:42

Bravo! Cent fois bravo. Qu'elle leçon donnée à tous les autres qui serviles se précipitent à l'appel du loup! Une fin de non recevoir sans ambiguïté et justifiée. J'en connais peu capables d'en faire autant. Je l'ai dit dans commentaire précédent, que j'ai surtout critiqué, prônant un gouvernement d'union nationale avec les Nahdhaouis. Non, non et non! Tout en eux et chez eux sonne le faux et la traîtrise. Ça fait deux années qu'ils en font la démonstration journalière, à travers leurs brigades salafistes. Nahdha elu majoritairement ? 20% des suffrages n'est pas une majorité, loin s'en faut, surtout après avoir misés en œuvre des méthodes douteuses pour obtenir et remporter des suffrages immérités. Une opposition unie contre Nahdha, oui! Mais là, c'est un autre problème. Il ne manque à la Tunisie qu'un leader charismatique, capable de rassembler sous sa bannière, la majorité des forces vives de la nation. Le salut est dans cette voie et nulle part ailleurs. À défaut de leader, inutile d'escompter le moindre changement. Nahdha sera toujours à la même place dans 10 ans et la Tunisie se sera enfoncée encore plus.

JC - 17-01-2013 11:59

"La somme de compétences individuelles est loin d’être garante d’une compétence collective. Il y faut la cohésion ! ". Bien vu! Le style de cette "lettre à un ami" est implacable. Son auteur est sans doute un de nos chers anciens des grandes écoles françaises. Du moins, il semble s'inscrire dans la lignée directe et de Rousseau et de Descartes!

ayaketfi - 17-01-2013 12:23

Pour répondre au commentaire d'Omar, je dirais que la boussole mondiale de la démocratie n'a pas changé et ne changera pas sous l'influence des gouvernants actuels qui n'ont pas su et ne sauront jamais gérer(voir les nombreuses bévues de cette dernière année) la politique et l'économie de notre Pays d'autant qu'ils pronent l'élimination d'une grande frange de notre population qui ne demande que des initiatives franches pour créé des emplois ainsi qu'une justice transparente qui fait défaut.. Ce n'est pas seulement en occupant un siège de ministre que l'on arrive à persuader les Tunisiens qui ne demandent que des actions sur le terrain et non des agresseurs contre nos valeurs séculaires...

Béchir - 17-01-2013 18:16

Je viens de lire les deux autres commentaires. Nous ne nous connaissons pas et nous avons la même vision de l'association avec Nahdha. Il n'a vraiment pas de chance ce client, tous se sont ligués contre ce discours stérile d'un intellectuel. Mon cher ami, en ces temps de crise, il ne faut pas innover, il faut bâtir du solide et du sérieux et pour cela, il faut de l'expérience. Qui en a ? Certainement pas les Nahdhaouis. Pour faire un mauvais jeu de mot, les Nahdhaouis ? Nahdhanon!

James-tk - 18-01-2013 10:06

Je trouve que ce témoignage est d'une lâcheté qui ne dit pas son nom ? Les questions que je me pose,et certains d'entre vous aussi : Pourquoi se cache-t-il,si ce n'est pour garder la porte entrouverte,et pourquoi pas retourner casaque le moment venu,en catimini? Avait-il peur des médias,qui,tôt ou tard déterreront son passé?Est-il conscient des changements radicaux survenus dans le pays,particulièrement la libre expression? Quel valeur peut-on accorder à ce témoignage anonyme? Aidera-il à faire avancer ne serait-ce que un tantinet le "schmilblick",expression chère à mon philosophe préféré,j'ai nommé Michel Colucci,dit Coluche? PS : Coluche n'est pas un humoriste,et pour s'en convaincre,un petit conseil,ayez dans dans votre bibliothèque l"intégral audio"!

shems - 20-01-2013 12:06

j ai beaucoup apprecie votre analyse bien structuree bien pensee et en tant que sociologue de formation j ajouterai a votre commentaire ";la durete du bronze n est ni dans l etain ni dans le cuivre qui ont servi a le former: et qui sont des corps mous et flexibles elle est dans leur melange".ET NOUS SOMMES PLUS QUE JAMAIS EPARS!

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