Opinions - 02.12.2012

Tunisie: De la vanité de la violence et de l'ardente exigence de consensus

"Un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le cœur des hommes que la violence et la barbarie". (Nicolas Machiavel- Le Prince)

La Tunisie souffre et les citoyens et citoyennes prennent peur.
 
Ces derniers sont les moins favorisés parmi nous : ils sont ceux et celles qui vivent dans les quartiers les plus démunis, les régions en déshérence, les habitations insalubres, les masures et foyers de l’inhumanité, multipliés, par des décennies d’injustices sociale et régionale.
 
Ils sont les plus exposés à la violence de toutes sortes et de toutes origines. Celle envers nos concitoyennes et  les enfants, est insupportable, parce qu’elle s’accompagne de  la lâcheté, de la loi du plus fort.
 
Elle s’ajoute aux comportements crapuleux et incestueux, invisibles, parce que s’exerçant dans des huit clos sordides, qui laissent des traces indélébiles dans des vies désormais "fantomatiques".
 
A cette violence "ordinaire", si ce mot pouvait avoir  un sens, alors qu’il exprime  une réalité exceptionnelle mais banalisée, par le regard de la société qui s’en détourne, vient se greffer  celle de la période post 14 janvier 2011.
 
Toutes ces violences sont d’une vanité cruelle, car elles ne débouchent sur rien si ce n’est sur le néant, dans lequel s’inscrivent les nihilistes de tous bords, les trafiquants de tous acabits, et les  ambitions multiples.
 
Comment rester insensible face à ce théâtre de la désespérance, indigne de la nature pacifique de nos citoyens et cruel pour l’image belle de notre pays,  construite durant  des siècles et désormais défigurée en quelques moi ?
 
Comment rester indifférent,  quand au moment même où était inauguré le Forum du Kram sur l’investissement, supposé attirer des investisseurs dans la "douce Tunisie", tous les médias locaux et étrangers  repassaient en boucle les évènements tragiques de Siliana ?
 
Se lamenter ne résoudra pas le tragique de la situation, qui ne peut être sauvée que par l’effort de tous.
Nous avons atteint un point de non retour pour que le Politique avec un grand P ne  reste pas cantonné dans des schémas éculés.
 
UNE RESPONSABILITE PARTAGEE AU DELA DE LA SPHERE POLITIQUE
 
Néanmoins nos  politiques ne sont pas seuls en cause, nous sommes tous responsables, par l’exemple que nous nous donnons les uns les autres, d’une société dans laquelle règnent  l’anathème et l’injure.
 
La violence verbale est partout,  conséquence d’une parole libérée, elle se permet tous les interdits de la loi,  de la bienséance, et du vivre ensemble. 
 
Elle s’étale partout, sur tous les espaces médiatiques, et "fait la nique" aux parutions écrites qui redoublent d’intensité, dans l’espoir d’attirer le "chaland".
 
Combien de fois avons-nous regretté, le caractère excessif et la violence  des débats parlementaires ?
 
Convaincre n’est pas accabler l’autre, voire le discréditer ou l’humilier.
 
Les interlocuteurs et le public sont plus impressionnés par la force de l’exemple que par l’exemple de la force, et nous partageons cette  affirmation pleine de bon sens du président Clinton, au congrès national des démocrates, réuni pour soutenir la candidature de Barack Obama.
 
Notre espace audio visuel  regorge de professionnels qui souvent recourent ou incitent à la violence verbale, audimat exige.
 
Il fait appel à des avocats, des experts, des magistrats, des artistes, enfin à des têtes couronnées, toutes disciplines confondues,  qui devraient être exemplaires et ne le sont pas toujours.
 
Comment voulez vous, après tout cela que le citoyen lambda ne soit pas enclin à réagir de manière semblable ?
 
L’EXIGENCE ARDENTE D’UN CONSENSUS NATIONAL
 
Si nous voulons que la violence cesse, et qu’elle ne se répande pas comme une trainée de poudre sur tout le territoire, il faudra  que la classe politique toutes tendances confondues, s’exprime sur ce sujet d’une seule voix, celle du dialogue avec les laissés- pour- compte et de fermeté envers les fauteurs de troubles.
 
Ceci a déjà été exprimé par nos dirigeants actuels, mais n’a pas suffi.
 
A situation exceptionnelle, moyens exceptionnels, les partis au pouvoir et ceux de l’opposition s’honoreraient de remettre à l’ouvrage l’initiative de la centrale syndicale, et de  la finaliser par des propositions citoyennes concrètes.
 
Car tout le monde est concerné par la situation actuelle, et si on veut sortir par le haut d’une telle entreprise, il faudra que le débat national débouche sur un consensus sur les questions majeures qui troublent le citoyen.
 
Car comment apaiser les souffrances des "révoltés", leur donner espoir, et surtout les convaincre, par un discours fort,  anti démagogique, et en même temps plein de compassion et de compréhension, si les partis politiques reconnus, ne sont pas en mesure de se mettre d’accord entre eux,  laissant le champ libre aux surenchères des démagogues et des faiseurs de miracles?
 
Il faudra, auparavant,  faire preuve  d’écoute, c’est ce que souhaitent les "révoltés" et les "indignés", qui ne demandent que cela, car ils se sentent, en plus de leurs conditions matérielles insupportables, méprisés et écartés de tout ce qui se décide, pour eux,  en haut lieu.
 
Tout le monde y gagnera : un répit pour les gouvernants, à tous les niveaux de la hiérarchie, les politiques de tous bords qui  seront loués pour leur contribution citoyenne, et le tunisien qui pourra reprendre espoir pour son avenir et celui de ses enfants. 
 
Mourad Guellaty
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30 Commentaires
Les Commentaires
Wassef Walid - 03-12-2012 05:57

Le titre explique tout le contenu du texte : réfléchir dans le sérieux et l’anti démagogique. Rien de plus normal quand on voit quel en est l’auteur. Wassef Walid ( Cairo)

Walid Mahmassani - 03-12-2012 06:00

Une éthique de vie pour la Tunisie, comme la propre vie de Si Mourad traversée de réussites professionnelles, de rigueur et de modestie personnelles. W MAHMASSANI.

Hubert Benora - 03-12-2012 06:12

Il y a dans l’écriture de Mourad Guellaty, le visible et l’invisible d’un discours pluriel. Derrière le talent du verbe, il ya une malice de l’insinuation, qui permet à beaucoup de se reconnaître et à d’autres de les reconnaître. Il est très inquiet Mourad jusqu’à reprendre la phrase devenue célèbre de JC Bourret "La France à peur" Espérons que la Tunisie, ce pays merveilleux de se sortir d’affaires sans trop de casse. Hubert Benora

Claudia Baldini - 03-12-2012 06:20

Il n’y a pas d’autres solutions que celles préconisées par Mr Guellaty. Il faut faire l’union de tout le monde si non vous allez devenir une petite Italie politique et économique, avec des systèmes politiques qui changent tout le temps et la maffia qui se frotte les mains et applaudit Claudia Baldini (Rome)

Selima Hilal - 03-12-2012 06:25

Il s’agit d’un appel à la sagesse perdue des tunisiens. La violence est vaine, sotte et contreproductive. Que Dieu vous écoute ! Mais je crains fort que nos compatriotes ne vous écoutent pas. Sélima Hilal

William Baker - 03-12-2012 08:45

Sage, raisonnable et percutant comme une balle ! Bill Baker

Bentobal Yasmine - 03-12-2012 08:49

Excellent comme d'habitude! Merci de continuer à nous "nourrir" de vos écrits qui sont pour beaucoup de jeunes un motif d’espérer dans l’avenir. Yasmine Bentobal ( Casablanca)

Bentobal Yasmine - 03-12-2012 08:50

Excellent comme d'habitude! Merci de continuer à nous "nourrir" de vos écrits qui sont pour beaucoup de jeunes un motif d’espérer dans l’avenir. Yasmine Bentobal ( Casablanca)

Mustapha Larbi Sannoussi - 03-12-2012 09:24

Un texte brillant et constructif comme sait le faire toujours Si Mourad. Larbi Sannoussi

Faouzi Abdelli - 03-12-2012 10:04

Il est des hommes dont la sagesse explose à chacun de leurs écrits. Si Mourad fait partie de ces gens là, au raisonnement profond et juste. Merci d’élever chaque fois le niveau du débat. Ce qui est la marque d’un grand respect pour vos lecteurs. Faouzi Abdelli

nadia denguezli - 03-12-2012 10:09

Monsieur Guellaty, dans son style sobre et dénué de tout parti pris, nous donne une leçon, en proposant plutôt qu’en critiquant comme tout le monde sait bien le faire. Qu’il écrive plus souvent, car nous le lisons assidument et attentivement ! Nadia Denguezli

Moncef Ben Jaloul - 03-12-2012 10:16

Enfin Si Mourad de retour sur Leaders. Sa plume et ses idées nous manquaient ! M Ben Jaloul

Helle Belkhodja - 03-12-2012 10:44

le simple bon sens, en soutien majeur à la réflexion politique et citoyenne très insuffisante actuellement sur ce sujet capital. Hélé Belkhodja

Abdelwaheb Ladjimi - 03-12-2012 12:50

Sérieux, loin des querelles partisanes, une explication de nos errements et de ce qu’il nous reste à faire. Abdelwahab Ladjimi

Youssef Jazouli - 03-12-2012 13:01

Une tribune qui devrait être un programme d’urgence pour les jours à venir. Que faut-il commenter ou ajouter ? Qu’on commence à y travailler. Youssef Jazouli

Anne Dupont de Nemours - 03-12-2012 13:05

Mourad abandonne dans ce texte le côté brillant de son écriture limpide et elliptique. Inconsciemment ou très probablement sciemment, l’austérité de son style met en relief la gravité d’une situation qu’il regrette et dénonce. Il a mal à sa Tunisie et nous fait partager son désarroi, et sa compassion pour les plus faibles Anne Dupont de Nemours.

Mouldi Ben Zineb - 03-12-2012 14:16

mouldibenzineb@gmail.com Sur qui compter pour mettre en œuvre un tel programme ? Il faut de la bonne volonté de tous. L’UGTT a déjà essayé sans succès. Mais il n’est jamais tard defaire les bonnes choses pour le bien de son pays. M Benzineb

Rym Midani - 03-12-2012 14:31

Mourad Guellaty nous invite tous à construire notre avenir, pierre par pierre, en commençant par la première, le consensus national, qui ramènera un peu d’apaisement pour défendre par le concret un pays en chute libre. Rym Midani

Moncef Bellagha - 04-12-2012 07:41

Voici un texte qui propose une solution incontournable et immédiate. C’est rare de nos jours. Moncef Bellagha

Moncef Bellagha - 04-12-2012 10:48

Voici un texte qui propose des solutions immédiates. C’est rare de nos jours. Moncef Bellagha

Hayet Mouelhi - 04-12-2012 10:53

Une tribune rafraichissante d’espoir, pédagogique à souhait et sans le parlé tordu qui sévit de nos jours. Hayet Mouelhi

Kouther Ben Guiza - 04-12-2012 11:08

Excellent, sérieux, compréhensible et applicable par tous à condition qu’ils n’aient pas derrière la tête des calculs politiques. Reconnaissance Monsieur ! Kaouther Ben Guiza

M M De La Gorce - 04-12-2012 11:22

Un remède qui devrait être accepté de tout le monde parce que la situation en Tunisie est délicate me semble t-il. Profond et convaincant comme à son habitude. Marie Madeleine de La Gorce

Antoine ROCHEFORT - 04-12-2012 11:34

Pour ceux qui connaissent la Tunisie et l’aiment, et ils sont nombreux, le diagnostic et la médication prioritaires et préalables à toutes autres mesures, concoctés par cet expert talentueux et ami précieux, sont à la virgule prés ce que dix experts internationaux réunis en conclave recommanderaient, sans rien y ajouter sinon des futilités. Antoine Rochefort

Dhib Ali - 04-12-2012 11:48

Nous voici embarqués dans la violence quotidienne. Plus personne n'est à l'abri. c'est quand même incroyable pour un pays comme la Tunisie. Il faut tordre le coup au mal à sa racine. Ali Dhib

Diego Odino - 04-12-2012 12:35

Tunisia has survived through an important epic, the revolution. The imminent changes that will follow must be the mile stones of the re birth and subsequent growth of the Tunisian population and financial structure. The decisions that will be made in the near future will mark the destiny of all. It is time to leave behind personal goals and make space for a strong, long lasting plan for community wellness. This will give Tunisia the possibility to assume her righteous position........among the leaders of the African continent

Mahfoudh Barouni - 05-12-2012 11:41

Je ne peux qu'adhérer à votre analyse, Cher Si Mourad, et vous féliciter pour votre patriotisme et votre clairvoyance. Puisse Dieu nous guider sur le droit chemain pour protéger notre Patrie.

SELIMA - 05-12-2012 20:33

de la ponderation ,de la sagesse , de la rigueur ,vos paroles sont d or et non d argent.JE VOUS AI ENTENDU PARLER je viens de lire votre ecrit;bravo.

Montassar Hachemi - 09-02-2013 08:26

Un texte prémonitoire, actuel, trop actuel, qu'il convient à mon avis pour Leaders de le faire paraître en première page pour en faire bénéficier tout ceux qui ne l'ont pas lu LORS DE SA PARUTION.Saisissant de vérité et de sagesse.

Mohamed Jerbi - 09-02-2013 09:33

Il faudrait qu'on lise et relise ce que vous ecrivez dans cet article. Hélas les violents, les négligents, les mécréants, les Khobzistes, et ceux qui ne pensent qu'à obtenir ou à maintenir leurs privilèges peuvent ils vous comprendre? Peuvent ils revenir à la raison pour épargner d'autres malheurs à notre pauvre Tunisie?

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