Opinions - 31.10.2012

Indécences !

La politique  machiavélique  décline ses  variations sur le thème de l’indécence lorsqu’elle s’affranchit de l’éthique, justifiant la fin par tous les moyens, y compris le crime.Quels liens entre les noyés de Lampedusa et les morts du vendredi  14 septembre ? A priori aucun.

Il se profilait derrière l’écran de fumée qui s’envolait au-dessus de l’ambassade américaine et, du mausolée de Saida Mannoubia,   des cris muets des feus-les   « Harragas », le feu qui couve sous le laxisme sécuritaire. Chercher des responsabilités pour distinguer les pompiers des pyromanes exige de se départir définitivement de la théorie du complot,  resservie jusqu’à la nausée.  Il a bon dos ce présumé coupable, tantôt ex « RCDiste», orphelin de Bourguiba ; tantôt laïc francophone d’obédience maçonnique.  Est-il aussi coupable, de pillage, d’incendie, de viol, de torture ayant donné la mort ? Que fait la police ?

Les policiers qui ont violé une femme sous prétexte qu’elle était  en posture attentatoire  aux mœurs n’auraient pas commis cet acte odieux si d’autres interpellations musclées de « couples non légitimes » avaient ému un tant soit peu, le ministre de l’intérieur. Le silence qui  suivit ces exactions  valait encouragement, ils usèrent de  droit de cuissage et en abusèrent: une fille avec un garçon dans un véhicule présuppose sa petite vertu, elle méritait donc d’être traitée comme un « Sabya ». Qu’est-ce qui est  obscène, le viol ou « l’illégitimité » d’un couple ?

Sur une chaine de la télévision, un haut  responsable de la myriade islamiste fit l’éloge de la pédophilie, trouvant des vertus au mariage d’une fille de 13 ans, «  ça répondrait à ses pulsions et apaiserait sa frustration » dit-il. Entre temps, une gamine de 13 ans, est décédée au Yémen d'une hémorragie,  des suites d’un viol  " Charîa compatible », perpétré par un lascar de 24 ans qui convola avec elle en injustes noces. Obscénité.   
Un mort sous la torture, c’est inacceptable. De l’aveu du ministre de l’intérieur lui-même,  lui qui, à son corps défendant, en connait un rayon, compte désormais  sous son autorité le premier mort entre les mains  de  collaborateurs tortionnaires. Diligentons une enquête pour enterrer le mort deux fois !

Alors que les  journaux télévisés européens meublaient « l’info »  par l’échouage du  énième « boat people » repêché avec ses « infortunés  de la mer »  entre fromage et dessert,  d’éminents ministres  d’Ennahdha fêtaient en grande pompe un mariage collectif à la  baqlawa et aux boissons fraiches. Des mères tunisiennes pleuraient leurs fils, des ministres arboraient des sourires satisfaits  sous les youyous dans un happening kitch.    Indécence !

Un  piètre cinéaste, islamophobe nourri à la haine de l’autre, commet une œuvre affligeante de  médiocrité,  réussit à  produire l’émotion qu’il attendait dans des pays  où règnent des dictatures établies ou «  naissantes ». Des Tunisiens se sentant blessés,  décidèrent d’aller protester devant l’ambassade américaine  le vendredi 14 septembre. Ce qu’ont fait «  les frères » libyens  méritait  un écho chez nous, se dirent des dépositaires  auto- proclamés de la défense du prophète. L’image horrible  de l’ambassadeur américain exécuté  par des salafistes libyens fit le tour du monde, elle susciterait le dégoût à n’importe quel être humain normalement constitué. On avait dit : «  Jamais ça chez nous  ». Les autorités tunisiennes étaient donc prévenues. Pourtant, la « Ghazoua »  eut lieu, elle ne rencontra qu’une résistance molle. Un vendredi noir : des morts, police en déroute, pillage, incendies,  lors d’une épopée honteuse où se mêlèrent des salafistes exaltés à d’authentiques voyous qui saisirent l’aubaine pour s’enrichir de butins  « Ghanima ». Une horde d’hurluberlus arrivèrent par centaines, eurent le temps de se rassembler à un jet de pierre de l’ambassade, de donner l’assaut, de monter sur les toits, de hisser  leur drapeau noir  sans que la police ne puisse – ou ne veuille- intervenir. Le ministre de l’intérieur  s’en était défendu : «  on a été surpris, ils  nous ont pris par derrière alors qu’on les attendait devant ». Grossier !
Certains y sont allés de leur interprétation, ce serait un dommage collatéral de la guerre fratricide qui divise désormais les aspirants-émirs d’Ennahdha !  Voilà qu'un « grand frère » de ces «  enfants gâtés »,  Abu Yadh, celui-là-même qui incitait les siens à venger  par le sang l’atteinte à l’image du prophète ;   annonce que les salafistes n’y étaient pour rien. Il est allé  deux jours après aux funérailles d’un de ses disciples sacrifié sur le champ de la Ghazoua. A  l’image du  «  tueur qui marche dans le cortège funèbre de celui qu’il vient d’assassiner » dit  un proverbe tunisien. Impudent.

Ces  énergumènes  qui veulent réinventer notre histoire, qui ont fait de la terreur un argument de leur dialectique logorrhéique ne viennent pas de Mars. Ils résident bien dans  ce pays,  on sait les trouver quand on  a besoin d’un «  soutien spontané » au  «  plus fort gouvernement depuis cinquante ans ».  R.Ghannouchi  déplora malgré tout, tant de laxisme face à la violence de ceux qu’il   considère encore comme «  nos enfants, qui ne viennent pas de la lune, il faudra les écouter,  le dialogue est la seule solution ». Allez dialoguer avec ceux qui viennent armés de cocktail Molotov, de sabres.

La république se disloque lorsque l’Etat laisse prospérer à ses côtés  des factions  qui lui disputent le monopole de la violence «  légale », que ces groupes se reconnaissent dans la pègre et/ou dans des sectes théocratiques,   la conséquence est la même : déliquescence. Il règne en Tunisie aujourd’hui bien plus que l’insécurité proprement dite, un sentiment  diffus de peur qui ajoute au mal vivre, une expression d’angoisse. La sécurité est le fondement du contrat social,l’Etat y est  soumis à une  obligation de résultat ; elle est actuellement  plus que menacée par l’impunité dont bénéficient outrageusement  « ses enfants », qui nous promettent un enfer  sur terre pour qu’ils aillent eux, au paradis. Cette terre tunisienne qui respirait la tolérance,  est aujourd’hui en apnée.

Mohedine Bejaoui

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3 Commentaires
Les Commentaires
Citoyenne tunisienne - 01-11-2012 15:13

j'aurais bien voulu lire aussi l'Indécence" des médias tunisiens.Mr Bejaoui, j'espère que vous conviendrez que le citoyen tunisien n'est jamais aussi bien informé que lorsqu'il opte pour boycotter les médias tunisiens.J'écrirai même INDECENCES en Majuscule dans ce cas.Les Indécences citées dans votre chronique sont des Indécences de post révolution, il fallait s'y attendre, mais nous 'humble citoyen tunisien' réclamons de la soit disant "élite tunisienne" de l'honnêteté et surtout de ne pas prendre parti, malheureusement.......et c'est notre drame, cette même élite tunisienne a du mal à accepter et à jouer le jeu démocratique.

Tounsi aimant la littérature. - 01-11-2012 17:40

Je me rends compte de plus en plus que nous avons en Tunisie de véritables artistes de la plume,comme si Mohedine Bejaoui, les lire est un vrai délice, sauf que les sujets traités nous stressent et nous plongent dans une peur sournoise. J'aurais aimé voir ces artistes de l'écriture (agir autrement) pour sortir notre pays de (cette situation).

om sarra - 02-11-2012 17:55

article bien pense; certains tunisiens profitent de cette anarchie de ce laxisme pour donner libre cours a leurs instincts, la tunisie ne peut encore etre gouvernee que par des mains de maitre,.nos inhibitions se sont envolees ,,,et chacun y va de sa CHARIAA :ce sont la plupart du temps des incultes a qui on a pousse des youyous a l oreille;proverbe tunisien; itha aouribat khouribat ,,,,,,,

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