La manifestation du 13 août 2012 :oui à l'égalité, non à la complémentarité
La plus réussie des manifestations populaires que Tunis ait connue en ce jour anniversaire de la proclamation du Code du Statut Personnel le 13 août 1956 n’a pas reçu la médiatisation qu’elle méritait. Voudrait-on occulter aujourd’hui ce 13 août, fêté chaque année, jour dénommé « La journée de la Femme » depuis de nombreuses années ? Ce sont les médias français internationaux qui ont retransmis les images de la foule défilant et le rassemblement au sein du Palais des Congrès.
A l’appel de la Coalition pour les Femmes de Tunisie groupant une vingtaine d’associations et de trois partis démocratiques (El Massar, El Jomhouri et Nidaa Tounes) des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants souvent en famille se sont réunis à 20 heures autour de l'horloge de l'avenue Habib Bourguiba. Ils ont démarré une marche qui allait les conduire au Palais des Congrès en passant par l'avenue Mohamed V. Une marche qui s’est déroulée dans la discipline et la joie de fêter l’anniversaire de la libération de la femme et son égalité avec l’homme. Une marée humaine chantait ses acquits de liberté et d’égalité, Le non à la complémentarité figurait sur d’innombrables banderoles. A leur arrivée au Palais des Congrès nombre d’entre eux ne purent accéder à la grande salle du Palais insuffisante à les contenir tous.
Aussitôt remplie, la salle de réunion allait vivre une grande excitation. Des slogans riches de réalisme et de poésie étaient entonnés par tous, entrecoupés par les chansons et l’hymne national.
L’ordonnancement de la séance alternait concerts , video clips et interventions.
Maya Jeribi, secrétaire générale du parti Républicain, dans un exposé tonique a retracé les droits de la femme obtenus depuis plus de cinquante ans et a critiqué le terme « complémentarité » souhaité par certains députés nahdhaouis Et d' ajouter « cette terminologie est ambigüe et erronée, aucun pays, aucun régime ne l’a utilisée ».
Selma Baccar représentante d’Al Massar et Sana Ben Achour sacralisant l’égalité des sexes rejetèrent absolument la complémentarité et l’article 28 du projet de constitution avec arguments à l’appui.
Raja Farhat coiffé d’un fez écarlate, les lunettes glissées en avant sur le nez est arrivé sur la scène entouré de quatre femmes voilées de leur safsari que les femmes portaient avant l’Indépendance. C’est avec un « enlevez- moi ce voile » qu’il a imité Bourguiba dans son plaidoyer en faveur de l’égalité des sexes, de la place de la femme au sein de la famille et dans la société tunisienne. L’art de Bourguiba de convaincre les oulémas de la Zitouna du bien-fondé de sa position est décrit avec talent par l’orateur dont le verbe précis et imagé, enrichi de citations et de versets coraniques, a marqué l’auditoire.
Neila Sillini de la Coalition pour les Femmes de Tunisie, après citation de quelques versets coraniques, a démontré le bien-fondé d’un Islam modéré, et blâmé l’interprétation étriquée des Nahdaouis. Elle a terminé par une blague raillant le désir de polygamie de ces messieurs.
Enfin c’est au tour de Nawal Ben Kraiem cette jeune vocaliste franco -tunisienne d’entrer en scène avec sa guitare. Connue par son riche répertoire musical qui lui a permis de rapprocher les cultures des deux rives de la Méditerranée, elle a charmé la salle en chantant de cette voix éraillée si particulière « ya Tounes » ya hara al sasfsari ». On ne pouvait trouver mieux pour clôturer cette réunion qui aura duré plus de trois heures.
Une réunion réussie, riche de la qualité et de la sincérité de ses intervenants, de ses chants, de ses slogans, dans une véritable ambiance de fête.
S. Zmerli
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