Opinions - 06.01.2012

Pourquoi l'Open Gov et pourquoi maintenant ?

Nous sommes aujourd’hui en Tunisie en train de tourner une page de notre Histoire, et d’en écrire ensemble une nouvelle, et c’est en cela que c’est le moment où jamais, sans doute, pour mettre en place de nouveaux mécanismes qui pourront nous donner les moyens, ou du moins la garantie, de ne plus revenir en arrière.

Si nous analysons en profondeur les revendications de la Révolution Tunisienne, nous découvrons que l’accès à l’information et la transparence en font partie : les Tunisiens se sont indignés et se sont mobilisés également par réaction aux médias locaux qui n’ont pas relayé l’immolation de Mohamed Bouazizi et les premières manifestations à Sidi Bouzid, et que le Gouvernement ne communiquait pas les véritables chiffres du chômage et des disparités du développement régional.

Les difficiles relations entre les citoyens et l’Administration, la « petite », « moyenne » ou « grande » corruption au sein même de cette administration sont également à lister parmi les éléments déclencheurs de cette Révolution. La difficulté à dénoncer cette corruption, faute de pouvoir en apporter la preuve, ont nourrit la frustration. Comment prouver, par exemple, les abus et les dépassements des fonctionnaires lorsqu’on n’a pas accès au code de conduite ou à la charte éthique des fonctionnaires publics ?  Comment détecter la fraude et les abus lorsque l’information n’est ni divulguée ni partagée ?

 Il s’agit donc aujourd’hui de mettre en place, au niveau de l’Administration, des procédures claires et des mécanismes de communication ouverts entre les parties prenantes et les citoyens, leur permettant d’avoir accès à un large éventail d’informations, mais aussi de les faire participer à travers un processus de consultations permettant d’enrichir et d’améliorer ces procédures, qui vont de la prévention de la fraude, à sa détection et à sa dénonciation. Ce dispositif  est d’ailleurs indispensable au-delà même du cadre de la lutte contre la corruption, mais il est à généraliser à la grande majorité des domaines touchant aux affaires publiques, voire celles du secteur privé, car il permet de capitaliser sur l’intelligence collective des citoyens et des groupes spécifiques, dans le but d’enrichir, de diffuser et de réutiliser l’information pour  l’exploiter d’une manière efficace, et même optimale.

C’est en ce sens que l’Open Gov, en tant qu’exigence citoyenne pour un gouvernement plus transparent, est motivé par un besoin d’une participation plus active des citoyens aux affaires publiques, afin de rendre les gouvernements (ou les administrations), plus responsables, plus efficaces et plus attentifs, et ce grâce aux nouvelles technologies. L’Open Gov répond ainsi au besoin légitime des citoyens de s’informer, de contrôler, de participer et d’interagir avec leurs gouvernants.

L’information ou la donnée publique étant supposée être un bien commun à l’ensemble des citoyens, il est, en toute logique et en toute légitimité, du devoir et de la responsabilité des gouvernements et de  l’Etat d’en assurer la collecte, la conservation et le libre accès. Les données du gouvernement doivent être ainsi des :

  •  Données publiques
  •  Données complètes
  •  Données exploitables sous format électronique
  •  Données pertinentes
  •  Données opportunes (récentes)
  •  Données accessibles. 

Ces données constituent une ressource clé pour les activités sociales, commerciales, intellectuelles et politiques. Elles sont mêmes souvent indispensables à l’exercice de certaines activités professionnelles. Ainsi, par exemple, accéder aujourd’hui, en phase d’alternance politique, au format détaillé du budget de l’Etat n’est pas automatique. Certains rapports essentiels, pour des consultants, chercheurs ou partis politiques, afin de connaître certains secteurs, ne sont pas encore publics (ex : rapport financier de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie, des Fonds tels que le 26-26 ou le 21-21.... ). Les données, mêmes agrégées de la Centrale des Risques de la Banque Centrale de Tunisie, qui pourraient apporter tellement d’éclairages sur des tendances sectorielles ou des ratios financiers, ne sont pas publiques. Les rapports de la Cour des Comptes, qui auraient pu tirer la sonnette d’alarme et prouvé la corruption dans les entreprises publiques, n’ont été rendus publics qu’après le 14 janvier 2011.

Aujourd’hui donc, à ce moment précis où la réforme de l’Administration sera enfin lancée et où une nouvelle Constitution s’écrit, c’est le moment ou jamais  où la société civile tunisienne doit, au même titre que les partis, s’organiser et faire pression pour une réelle mise en place de l’OpenGov et pour la constitutionnalisation des principes qui le permettent et qui le rendent efficace. Nous énumérons parmi ces principes fondamentaux qui doivent être garantis par la Constitution :

  •  Le droit à l’information et à l’accès à l’information
  •  La protection des sources d’information et des témoins
  •  La liberté d’expression
  •  La liberté d’association
  •  La redevabilité des gouvernants
  •  La transparence de l’administration et sa politique de divulgation de l’information
  •  L’indépendance des institutions (Cour des comptes, Cour Constitutionnelle, Instance Permanente de Lutte contre la Corruption, Conseil Supérieur de l’audiovisuel, Banque Centrale, Conseil du Marché Financier, Institut National de la Statistique…….), et l’indépendance des nominations de leurs responsables.

Le combat pour l'Open Gov et l'Open Data est ainsi le combat de tous, pour une démocratie et une Administration transparentes.

Thouraya Hammami Bekri

 

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4 Commentaires
Les Commentaires
LAHSSINI - 07-01-2012 21:49

Exellente initiative ; mais là ou je ne suit plus c'est lorsque vous évoquez les tristes fonds de solidarité aux larbins , en l'occurrence 26-26 et 21-21.

L'observateur nouveau - 08-01-2012 12:25

Quand on parle de communication, il y a toujours forcément une partie émettrice et une autre réceptrice; Autant je partage votre développement sur le comportement qui doit être celui de la partie émettrice, c'est à dire le Gouvernement, l'administration (vous remarquerez l'initiale en lettre minuscule), et autres directions et entreprises publiques détentrices de l'information, ainsi que sur les dispositions constitutionnelles et légales qui doivent être prises dans ce sens, autant je regrette que vous n'ayez pas développé une réflexion similaire sur le comportement qui devrait être celui des constituants de la partie réceptrice de ces informations et principalement les médias (tous supports) et certains éléments du tissu associatif qui déclarent militer pour la démocratie et les droits de l'homme, et cela pour qu'il en soit fait bon usage dans le sens que vous exposez et sur lequel nous sommes parfaitement d'accord. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions mais, au vu de ce que je vois et ce que je lis depuis la chute de la dictature, comme dérapages verbaux et écrits, règlements de comptes, amalgames et contre vérités de bas étage, dénigrement systématique et autres comportements carrément anti patriotiques et d'incitation à la violence et à la guerre civile, je doute fort que cette partie émettrice soit capable de réagir avec profit à la mise en oeuvre d'un "open government" sans une mise à niveau préalable que les sociétés évoluées ont mis des décennies (et plusieurs guerres mondiales) à acquérir. Mais restons, malgré tout, optimistes.

mohamed Larbi - 10-01-2012 12:41

no comments!

ayaket - 10-01-2012 18:40

Bonne analyse thouraya de la gestion démocratique des institutions et donc des modalités des élections de leurs membres ainsi que de leur intégité et indépendance... Voici ce qui a péché du temps de Zaba et qui devrait trés rapidement etre révisé au niveau constitutionnel.

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