News - 29.11.2011

La télévision nationale sauvée par ses enfants

En 1969, nous sommes  tous les deux entrés dans le journalisme comme on entrait en religion. 42 ans après, me voici dans un bureau truffé d’écrans plats, tous allumés, au quatrième étage d’une  bâtisse de style stalinien qui abrite depuis peu le siège de la télévision tunisienne, ressassant avec mon confrère et non moins ami des souvenirs communs, évoquant avec émotion la mémoire de nos maîtres et surtout son bilan à la présidence de la télévision. Mokhtar Rassaa n’a rien perdu de sa verve, de son doigté aussi. Et il lui en a fallu pour diriger depuis plus de huit mois cette institution.

« C’était le 27 février dernier », se souvient-il. « Je reçois un coup de téléphone. Au bout du fil, le président de la République par intérim : [vous êtes nommé à la tête de la télévision nationale]. Et d’ajouter, comme s'il avait deviné mes hésitations : [c’est un devoir national], avant de raccrocher ». La télévision, il connaît. N’avait-il pas fait toute sa carrière, au journal télévisé de langue française sous la férule de Nabil Ben Khélil et parallèlement couvert les courses hippiques (c'était l'époque de Tayssir et Tric Tric Trac) à Dimanche  Sport alors animé par Raouf Ben Ali. Mokhtar Rassaa n’a  pas besoin de nous rappeler la situation où il avait trouvé la télévision. Des grèves à répétition, des invités qui lancent des appels au meurtre en direct, un PDG qui polémique avec les membres du syndicat sur un plateau en prenant à témoin les téléspectateurs. On n’est pas près d’oublier ces scènes. Dire que l’institution tanguait dangereusement serait un euphémisme. Elle sombrait. Il est accueilli par le personnel comme on le fait avec l'un des siens après une longue absence. Il réussira en peu de temps à remettre un peu d’ordre dans la maison. En déléguant, en intervenant le moins possible, en sévissant quand il le faut, mais toujours en tenant compte du climat général dans le pays et au sein de l'institution, le fameux doigté qui a fait défaut à ses prédécesseurs. Par petites touches, la télévision nationale  s'est mise au diapason de la révolution. Les lignes rouges ont disparu, bien que certains, dressés dans la pensée unique, inexpérimentés et parfois mal encadrés ont du mal à se débarrasser de leurs vieux réflexes. La télévision de papa a vécu.Les révolutions ont ceci de particulier qu’elles rendent possibles des changements drastiques qui, en temps normal, auraient nécessité des dizaines d’années. Cela ne s'est pas fait sans couacs comme le prouvent l'affaire Ben Gamra, le journaliste qui s'est mis à chanter les louages d'Ennahdha au lendemain de sa victoire électorale. En tout état de cause, il ne faut pas oublier que cette télévision revient de loin.

L’organe de propagande au service d'un régime,  l’instrument de crétinisation aussi avec ses feuilletons débiles, ses débats soporifiques et son journal de «désinformation» de 20 heures entièrement dédié à « l’artisan du changement » et à ses réalisations, tout cela cèdera la place à un véritable service public où toutes les opinions auront droit de cité. Ce n’est pas encore la BBC. Mais, ce n’est plus la caisse de résonance qu'on avait avant le 14 janvier. Exit la langue de bois des années Bourguiba et Ben Ali. Place à l’information plurielle, aux débats contradictoires. Un comité de rédaction élu  voit le jour avec  une nouvelle rédactrice en chef, désignée par Mokhtar Rassaa.

Désormais, ce sont les journalistes qui fixent la ligne éditoriale du JT. Résultat : le journal de 20 heures bat tous les records d’audience même si certains journalistes et présentateurs continuent à se comporter en militants. Mon interlocuteur ne partage pas cet avis, mettant certains « dérapages » sur le compte de « l’inexpérience des journalistes ». Pourtant, le Premier ministre s’en est ému publiquement, ne comprenant pas que le gouvernement qui est l’unique pourvoyeur de fonds de l’institution soit «maltraité» par "sa chaîne" et ses activités reléguées en fin de journal quand elles ne sont pas occultées. Mais, Mokhtar Rassaa n’en démord pas : «Nous sommes au service de l’Etat et non du gouvernement. C’est cela le service public».Après des mois de débats non stop, une nouvelle grille est mise en place, faisant certes la part belle aux débats, actualité oblige, mais qui prévoit  aussi des feuilletons, des variétés, une émission culturelle hebdomadaire animée par un vétéran de la télévision, Frej Chouchane et l'émission-culte du week end, "Dimanche Sport".

Malgré le budget dont elle était dotée , la télévision nationale devenue "El Watania" était au bord de la faillite. Depuis, elle s'est refaite une santé avec des finances assainies. Il y a quelques semaines, "El Watania" a surpris  tout le monde en obtenant les droits de retransmission des matches des Ligue 1 et  2 de football (« dans les règles de l’art et sans passe-droit, en présentant la meilleure offre», précise-t-il), alors qu’on la croyait moribonde. C'est peut-être, le principal acquis. Pour le reste les avis sont partagés. Mokhtar Rassaa pouvait-il faire mieux ? Tout dépend du point de vue où l'on se place.

 

                                                                                                                                                                           H.B

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
6 Commentaires
Les Commentaires
mahmoud Bédoui - 30-11-2011 08:55

Si vous voyez une heureuse mutation et une télévision "sauvé par ses enfants", libre à vous de le croire. On est bien dans la démocratie. Libre à moi aussi de constater que rien, absolument rien n'a changé. C'est même pire ou plus débile qu'avant. Vous vous jetez des fleurs sans...épines et sans saveur. Quant à moi, je ne regardais que les infos de 20heures à la recherche de données et d'information sur le pays uniquement. Mais je n'ai pas cessé d'avoir honte de faire cet effort. Depuis, je reviens à la case départ. Je ne regarde jamais cette chaîne. OUI on est en démocratie ... sans démocratie, sauf qu'à penser qu'on est les meilleurs, ce qui reste à prouver.

CE QUI FRAPPE - 30-11-2011 11:36

Comment adherer à ce discours quand la chaine Wattania s'est empressée de changer de couleur à l'annonce meme des resultats des elections ?? le bleu a vite remplacé le rouge (venu en remplacement du violet). Mais ce bleu ne represente qu'un % de la population (estimé à 20%). De quelle neutralité parle t on et quand allons cesser cette representativité par les couleurs totalement hasbeen.

mac0301 - 30-11-2011 14:01

Vous êtes sérieux là ????? Est ce que vous voulez qu'on énumère le nombre de fautes professionnelles que fait cette chaîne tous les jours. C'est une insulte à tous les journalistes. Il n'y a pas que l'épisode Faouzi Ben Gamra , mais aussi celui ou le journaliste dit que le peuple n'a pas élu ceux qui étaient contre l'Islam propos juste irréaliste et choquant pour un journaliste, pour une personne normale dirais-je même !!! Il ne faut pas aller loin il suffit de prendre l'exemple des dernier plateaux, lorsqu'ils ont eu Khemais Ksila comme invité ils ont trouvé le moyen pour se tromper sur sont statut dans le parti Ettakatol, vraiment hallucinant. BON on cherche encore, la couverture des évènements de Manouba par exemple. Même un aveugle aurait réussi à récupérer plus d'infos que la journaliste sur place, pas un mot sur les personnes non appartenant à la faculté qui étaient là, pas un mot sur les moyens utilisés par ces jeunes pour ramener toutes leurs couette. Sans oublier le fait de na pas avoir appelé le Ministère de l'intérieur pour demander les cause de l'absence des forces de l'ordre.... Demander à un stagiaire en audiovisuel ce qu'il pense du cadrage des cameraman de la chaîne, c'est une vrai insulte Sans oublier l'un des principes de base qui est bafoué tous les soirs , "le droit de réponse". J'invite tous les téléspectateurs à faire attention au nombre d'information qu'on nous balance sur des gens sans droits de réponse. D’ailleurs tous les soirs quasiment ils passent quelqu'un pour lui autoriser à répondre à un ancien truc diffusé précédemment. Comment pouvez vous en tant que journaliste faire l’éloge d'un tel amateurisme ???

hababou inchirah - 30-11-2011 20:15

Pardon mais nous ce qu'on retient de la television tunisienne, SERVICE PUBLIC, qu'il n'y a pas de PUBLIC, beaucoup de parti pris, beaucoup de manque de professionnalisme, pas du tout d'objectivité.... Tout reste à faire!! ils n'ont par ailleurs pas changé de forme de discours comme sous ben ali et maintenant les voilà faire courbette aux usurpateurs du pouvoir!!! alors "sauver par ses enfants permettez que j'en doute enfants peut être sauvetage du tout plutôt mort annoncée!!!! pardon mais la tv n'arrête pas de nous faire du mal , faire mal à la Tunisie!!!

un vétéran - 01-12-2011 00:03

Non Mr H.B on voit bien que vous n'etes pas sérieux lorsque vous faites l'éloge de la télévision tunisienne d'aujourd'hui!!!!!et si vous etes sérieux dans ce que vous dites je vous classerai parmi les journalistes joueurs de tambourins de l'ancien régime.D'ailleurs ce n'est pas dans l'interret de Si Mokhtar d'écrire un tel article ni dans l'interret de la maison car vous prenez les téléspectateurs de la chaine pour des débiles et vous encouragez la médiocrité.Excusez moi monsieur H.B vous avez la mémoire courte vous avez oublié ce que fut la chaine durant les deux premieres decennies de son existence.Malgré le peu de moyens techniques dont elle disposait à cette époque notre chaine nationale avait produit de grandes variétés,des séries et des feuilletos de trés haute qualité et ce ci grace à la compétence et à la rigueur de son personnel et là demanderez à si mokhtar il doit bien s'en souvenir.Je ne vois pas comment la chaine a été sauvée???La maison de loqmène est telle qu'elle comme dit le proverbe et peut etre pire.peut etre les visages ont changé oui mais rien d'autre;le langage est le meme ainsi que les us.

EMDE - 01-12-2011 09:18

Elle ne sera sans doute pas sauvée par le président des sa cellule destourienne

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.