Opinions - 24.08.2011

La Tunisie a besoin d'un véritable modèle de développement

En 1956, à l’indépendance, la Tunisie était pratiquement au même niveau de développement économique que la Corée du Sud. Taïwan et la Malaisie. Voyez où ces pays en sont en 2010 et où nous en sommes. Selon les chiffres du Fonds monétaire international, le Produit intérieur brut (PIB) de la Corée du Sud a été de plus de 986 milliards de dollars US et à la 15ème place mondiale en 2010. Le PIB par habitant de ce pays a été de 20 590 dollars US avec le rang 34. Le PIB de Taïwan a été de 427 milliards de dollars US à la 24ème place et son PIB par habitant de 18 457 dollars US avec le rang 38.

Le PIB de la Malaisie a été de près de 219 milliards de dollars US et à la 38ème place et son PIB par habitant de 8 423 dollars US et le rang 65. Quant à notre pays, son PIB a été de près de 44 milliards de dollars US à la 76ème place et son PIB par habitant de 4 200 dollars US, soit le rang 95, loin derrière Chypre, 29, Bahreïn 35, Malte, 37, la Turquie, 57, Maurice, 68 et même la Jordanie, 89.

Est-ce que les habitants de la Corée du Sud, de Taïwan et de la Malaisie sont plus intelligents, plus industrieux, plus dextres ? Bien sûr que non. Ces pays ont suivi des politiques économiques appropriées : enseignement de grande qualité mettant l’accent sur les sciences et la technologie et formation appropriée de la main-d’oeuvre, investissements intensifs dans les industries à haute valeur ajoutée, ouverture sur l’extérieur, et encouragements aux exportations et forte compétitivité.

Nous avons eu comme ministres de l’Education et de l’Economie des professeurs d’arabe. Nous avons eu un Premier ministre et un Président de la République qui n’ont même pas obtenu le bac. Dans les années soixante, on s’est orienté vers une politique de substitution aux importations tout en négligeant l’agriculture. Dans les années soixante-dix, on a cru trouver la panacée dans la loi 1972 qui a abouti à rendre la Tunisie la maison de sous-traitance des industries françaises et italiennes tout en négligeant l’agriculture. Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, on a creusé encore plus cette dépendance envers l’Europe avec l’accord d’association, tout en négligeant l’agriculture. Au XXIème siècle, nous avons eu heureusement la Révolution.

Le résultat de toute cette évolution c’est que, non seulement nous sommes à la traîne, derrière Chypre, Malte, Maurice et la Jordanie, mais nos jeunes s’exportent par dizaines de milliers en clandestins vers Lampedusa alors que nos terres sont, pour la plupart, restées incultes dans un pays qui était le grenier de Rome dans l’Antiquité.

Les terres arables ne constituent que 17,6 % de l’ensemble des terres. Faute de politique de mise en valeur et d’irrigation, l’exode rural a fait éclater les métropoles urbaines : 1,4 million en 1956, 2,7 millions en 1975, 5,4 millions en 1994, 6,4 millions sur une population totale de 9,9 millions en 2004. Pour juguler l’exode rural, un pays comme l’Inde garantit 100 jours de travail à tout demandeur d’emploi en zones rurales.

Sans parler des déséquilibres choquants entre les régions côtières et l’hinterland. On a même dévié des cours d’eau, comme Nebhana, de l’intérieur vers le Sahel. Sans donner une compensation en termes d’investissements aux régions de l’intérieur. Sans parler des écarts de revenus inacceptables entre une minorité qui a bénéficié de tout, y compris les prêts bancaires sans garanties réelles et en usurpant les dépôts bancaires à leur profit et la majorité des citoyens dont une grande partie est sans emploi.

Même la programmation budgétaire est restée à la traîne depuis les années 60 au cours desquelles un coopérant néerlandais a conçu le budget économique dans lequel s’insère jusqu’à présent le budget annuel de l’Etat. Les autres pays ont évolué en introduisant le budget de performance dans lequel on ne juge pas un ministère sur les crédits qu’il a consommés mais sur les résultats qu’il a obtenus, le tout programmé dans un cadre de dépenses à moyen terme global, glissant et alignant les enveloppes financières aux objectifs stratégiques de la communauté nationale. La Tunisie a besoin d’un véritable modèle de développement.


M.G.

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9 Commentaires
Les Commentaires
Anis Ben Hamida - 24-08-2011 11:59

Ce qu'il faut c'est une révolution des idées et de l'approche. Un Big Bang des mentalités, quel est le risque si l'on part de presque zéro ? Le livre de de Cyril Gislain Karray est très instructif à ce titre (voir itw sur nawaat).

merchaoui - 24-08-2011 17:10

Je me rappelle de vous au collège de Sousse et vous ai suivi quelques années ensuite.

fadhoula - 25-08-2011 02:48

Vous croyez réellement à l'Agriculture ? Donnez-nous un Politique, un Plan, des Marchés... ce n'est pas si évident. c'est un secteur qui ne rapporte rien, et je sais de quoi je parle. L'agriculture m'a ruiné: pb de rentabilité, de productivité, de marché, d'intermédiaires,,,

Chedly ELLOUMI - 25-08-2011 10:00

Merci Monsieur et cher collegue pour cet article de fond!Le debat sur le modele de developpement est inseparable du projet de societe .Nous ne voyons pas malheureusement souvent des questionnements de ce serieux et de cette valeur;Il y a un bilan des politiques economiques conçues et appliquees apres des consequences plutot malheureuses sur le social depuis l,independance.Il y a un etat des lieux actuel à faire sur les besions reels et les ressources exploitees et potentielles pour repondre sans demagogie à l,attente de notre peuple.La plupart des economistes aux affaires sont formates aux solutions archeo ou neo liberales meme ceux de l,opposition,qui est en panne ou en crise chronique dans ses fiefs et ne nous apportent rien de neuf!Ne s,agit_il pas apres le 14 janvier de changer de grilles de lecture et de criteres pour concevoir un nouveau modele de vie ,de production et de consommation durable?Nous avons besoin d,un nouveau paradigme de developpement adapte aux vrais besions et qui s,integre dans une nouvelle perspective mondialiste equitable ,capable de resister aux fausses solutions faciles de la spirale de l,endettement...Nous avons besion ,de recherche et d,etude ,de nouvelles alliances avec des modeles et experiences positifs crees dans les pays emergents soucieux de sortir de la dependance et du gaspillage!Poursuivons ce debat sans tabous sur la verite et la realite de l,ancien et du nouveau modele economique.C,est un devoir citoyen autant bque la constitution et l,education-culture ,determinant pour la reussite de notre jeune democratie et l, avenir meilleur espere car la deception peut engendrer le pire!

Abdelaziz DAHMANI - 25-08-2011 12:29

On se gargarise de mots ! Quand la dite elite economique et intellectuelle ne se preoccupe meme pas des saletés qui jonchent leurs environnements privés ou professionnels , et dans un pays ou seule l incivilité bat des records , cela donne a reflechir ...J ai connu la Corée du sud plus pauvre que la Tunisie , a l epoque des montages et assemblages des postes de TV japonais ...Puis la Coree est passée premiere puissance asiatique dans la production de contre plaqué en important du boid de Malaisie ..Aujourd hui Samsung peut avaler et digerer toute l economie tunisienne , et nous nous pretendons " plus intelligents " ! . C est la volonté collective qui fait la force des " dragons " asiatiques , Corée , Malaisie et autres , et non les intelligences individuelles . COLLECTIVEMENT , on est archi nuls et chacun , a tous les niveaux , veut imposer ses idees , son style , derniere le vernis de la derniere mode saisonniere de la democratie . Les coreens ont subi pendant des decennies un pouvoir draconnier fait d ordre , de disciple et de sacrifices , puis la democratie est venue comme un aboutissement , dans un pays devenu tres prospére ... Nous , nos dirigeants ne se preoccupaient que de richesses rapides , vivre une enorme dolce vita , la joie de vivre .... Que l on commence , au moins meme , a balayer devant chez soit , debarrasser canettes , sacs et bouteilles en plastiques , meme devant les riches villas des quartiers chics du pays ...Meme durant ce mois de Ramadhan , avant de se preoccuper du " bonheur " des autres ...

Abdelaziz DAHMANI - 25-08-2011 20:58

Ma reaction au papier de M . G . ne vous conviens pas ? Retour aux bons reflexes ... anciens ??? mes amities a Taoufik H . ...

MouvRep - 26-08-2011 09:29

j'aime bien le dernier §. performance et transparence. ce ne sera pas le cas(puisque vous parlez agriculture) tant qu'il y ait au moins une dizaine de directions dans ce ministere, à chaque RCDiste sa direction ou l'une des 26 agences. La médiocrité à l'état brut. ne faut _il pas restructurer les direction autour de missions avec des objectifs bien définis? n'est-il pas plus efficace de reduire le nombre de ces directions à 5 ou 6? et bien définir les respensabilités ... sur le même modéle on peut faire de même pour toutes les autres ministères. n'est-ce pas de la médiocrité et inéficacité que 3 ministères doivent intervenir pour construire une école primaire à un leiu X? efficacité efficience performance transparence ... il faut de tout pour avoir des bases solides pour un pays qui a pataugé dans les sables du désert et qui veut avancer, enfin! Mouvement Républicain!

Houdhoud - 27-08-2011 14:39

Merci pour cet article. Les commentaires suscites sont interessants !! Permettez moi de dire que ce genre de reflexion qui s arrete au constat, au diagnostic est largement insiffisante et parfois contreproductive. Nous avons besoin de solutions ou au moins de pistes et d idees a explorer pour concevoir et formuler UN model de Dev economique et social adapte a la Tunisie. On connais trop bien nos problemes. On veut des propositions de solutions faisables. Merci

khlifi - 28-08-2011 13:44

Ce que vous dites est vrai et pénible à entendre ! Oui, j’ai travaillé, durant les vacances, dans une Société américaine, sous-traitante, chargée de sonder le sous-sol ( extraction de carottes ) destiné à supporter le barrage de Nebhana et à éviter les infiltrations d’eau. On m’avait dit que l’eau du barrage était destinée en totalité au Sahel. Cela m’avait surpris. J’ai pu voir récemment à la TV des citoyens de la région s’abreuvant dans une flaque d’eau alors que l’eau est à deux pas. C’est révoltant ! Même phénomène dans le Nord. L’eau étant une denrée vitale, de plus en plus rare, il faudrait multiplier, les barrages de retenue, les lacs collinaires et donner la priorité aux voisins dans la distribution de l’eau en dépit des problèmes de pente. Il est vital d’encourager le citoyen qui a une maison ou se propose d’en construire, de prévoir, obligatoirement, un « Menjin » pour recueillir l’eau de pluie ! Bien entendu il faudrait aussi investir dans le solaire pour déssaliniser l’eau de mer. C’est là l’un des aspects du développement. Mais vous qui êtes des experts, pourquoi ne préparez-vous pas des modèles de développement « clefs en mains » pour le futur Gouvernement et lui faciliter ainsi la tâche ?

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