News - 09.10.2025

Ya Hasra, «Le Battement des années», de Tahar Bekri

Ya Hasra, «Le Battement des années», de Tahar Bekri

Par Slaheddine Dchicha - Cette année, les vacances estivales, le retour au Pays et les retrouvailles avec les siens se sont déroulés sous les meilleurs auspices grâce au poète Tahar Bekri qui nous a gratifiés d’un nouveau recueil «le Battement des années»(*) 

Recueil composé de deux parties: la première au titre identique à celui de l’ouvrage, est un long poème d’une trentaine de brèves strophes tout simplement numérotées de 1 à 30. Quant à la seconde «L’arbre à papillons» elle contient 24   poèmes de longueur variable.

Dans cette dernière livraison, le poète n’a pas dérogé à la règle à laquelle il nous a habitués consistant à opérer une fusion entre sa poésie et la peinture de sa compagne, l’artiste bretonne Annick Le Thoër dont trois tableaux accompagnent et ouvrent respectivement le recueil et chacune de ses deux parties.  Le dialogue ainsi instauré entre poésie et peinture est tellement réussi qu’il laisse le lecteur indécis:  est-ce le poème qui décrit et exalte le tableau ou le tableau qui illustre et exalte le poème?

Le temps retrouvé

La tentation est grande de désigner cette première partie par «La Nostalgie des lieux urbains». Pastichant ainsi le titre d’un recueil de Bekri de 2014, «La Nostalgie des rosiers sauvages». En effet, dans cette quête autobiographique, dans ce retour attendri et quelque peu nostalgique sur son itinéraire intellectuel, culturel et amoureux, le poète semble accomplir un pèlerinage sur les lieux parisiens de sa formation et plus précisément le Quartier Latin.
Pour ce, il suit la Seine qui non seulement symbolise le temps qui passe,  coule, «bat»…

«Nous remontions le fleuve 
A rebours» (p13)

Mais le fleuve lui sert aussi de fil d’Ariane pour revisiter ses souvenirs culturels et amoureux:

«Le fleuve suivait son cours
Compagnon de nos pas qui résonnent » (11).

D’où la multitude des toponymes: noms de rues et de places (rue Saint-André des arts,  square Voltaire, rue Saint-Germain, rue d’Ulm…), noms d’édifices culturels ou religieux (Notre- Dame, l’Ecole de médecine,  la  Sorbonne,  l’Ecole  Normale Supérieure…) Mais aussi des anthroponymes Picasso, Sartre, Simone de Beauvoir,  Beckett, Eluard…

Ces toponymes évoqués avec nostalgie font penser au Nabis de la poésie arabe préislamique, qui chantait les amours passées et les bien-aimées absentes en célébrant les traces et les vestiges des lieux de la rencontre… Hasard ou réminiscences de la culture d’origine?

Retour à Takapes

Malgré les apparences,  il n’y a pas de rupture entre les deux parties du livre puisque le prolongement de la quête autobiographique assure une continuité entre elles et légitime d’ailleurs leur coexistence dans le même recueil. Cependant pour remonter le temps,  en lieu et place du «fleuve» de la première partie, le poète a recours ici au «film» comme en témoigne le poème «Sous le Platane nu» (p.70) où il s’improvise monteur de cinéma:

«Il fait défiler le film de sa vie 
[…]
 La vie n’est pas une ligne droite 
[…]
 Il fait un arrêt sur image
Vérifie reprend le film au début» (p.70)

Lors de ce «montage», se sont opérées quelques substitutions: l’espace urbain a cédé la place à la nature et l’enfance a pris la place de la jeunesse et de la maturité.

Ainsi aux toponymes déjà mentionnés se sont substitués des noms relevant en majorité du lexique de la nature: automne, été, mer, mouette, tournesol, pluie… bref la culture de «le battement des années» a cédé le pas à la nature de «L’arbre à papillons».

Par ailleurs, des «flash-back» - pour filer la métaphore cinématographique - ont permis le retour sur les lieux de l’enfance à Gabès; le retour de l’exilé à sa terre, à son Pays et le retour du « transclasse » diplômé et cultivé à la simplicité de sa classe d’origine.

Tous ces retours permettent au poète de témoigner de la beauté originelle du monde qui se niche parfois dans un simple Buddleia de David,  l’autre  nom de ce splendide arbre à papillons ! N’ est-ce pas là la vocation première du poète !?

Slaheddine Dchicha

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* «Le Battement des année» Tahar Bakri, peintures d’ Annick Le Thoër, Al Manar, 2025, 80 p., 17E

 
 

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