Ces réfugiés espagnols en Tunisie très peu connus

Leur histoire, pourtant récente datant de 1939, est peu connue. Début mars 1939, 4 000 marins républicains espagnols embraquent à bord de 12 navires dans le port de Carthagène et trouvent refuge au port de Bizerte. Les franquistes qui ont pris le pouvoir, soutenus par des fascistes italiens et des nazis allemands, ont suscité de très fortes vagues d’exil vers l’Algérie et la Tunisie, mais aussi d’autres pays d’Europe, d’Amérique latine et les Etats-Unis d’Amérique.
Submergées par l’arrivée à Bizerte de ces 4 000 marins républicains, les autorités françaises devaient mettre en route hâtivement des préparatifs conçus auparavant. D’abord, vingt femmes et quatre enfants sont hébergés à l’hospice des vieillards de La Manouba. Les hommes, quant à eux, seront acheminés vers Meknassy et Kasserine. Puis, certains iront au Kef, alors que d’autres seront envoyés à Gabès et ensuite à la Skhira.
Nous découvrons cette histoire passionnante dans l’excellent ouvrage de Béchir Yazidi, sous le titre de «Les Réfugiés espagnols en Tunisie, l’exil républicain», traduit par Meimouna Hached et préfacé par Daniel Pardo, paru aux éditions Santillana. Docteur en histoire contemporaine et professeur d’enseignement supérieur, l’auteur est un fin connaisseur de la communauté espagnole de Tunisie. S’appuyant sur des archives de première main, il rapporte des éléments détaillés, instructifs, ainsi que des témoignages de première main.
Des conditions très difficiles
A Meknassy (non loin de Sidi Bouzid), c’est une mine désaffectée à Mehri-Jebbès qui servira de centre de rétention pour 3 867 marins, où ils arriveront par convois successifs entre le 10 et le 15 mars 1937, acheminés par des wagons depuis Bizerte. Les conditions sont très rudes, l’alimentation réduite, les vêtements non fournis… D’autres marins seront transférés à Kasserine, alors qu’un groupe de 260 personnes, appelé Compagnie des travailleurs espagnols, sera envoyé en août 1939 dans la région de Kasserine et employé à la construction des routes ainsi que d’une voie ferrée à proximité de la ligne de Mareth.
A Bizerte, pour garder les navires et les entretenir, 200 officiers et membres d’équipage sont restés à bord des bateaux. Le maréchal Pétain, nommé début mars 1939 ambassadeur de France en Espagne, a accepté la restitution de la flotte espagnole réfugiée à Bizerte, ce qui sera fait le 27 mars 1939, embarquant ceux qui ont volontairement fait le choix de retourner au bercail.
Le rotin à Aïn Drahem, et le premier hôtel à Kélibia
Ceux qui sont restés en Tunisie finiront par repartir dans leurs pays ou aller dans d’autres. Parmi ceux qui ont préféré résider en Tunisie, beaucoup ont trouvé un emploi dans différentes régions du pays, bien accueillis par leurs employeurs et la population locale. Certaines figures sont devenues emblématiques. José Villis, qui était interné à Kasserine, ira s’installer d’abord à Sousse, puis à Béni Mtir près d’Aïn Drahem, avec sa femme Isabelle Garcia pour s’occuper de la fabrication de meubles en rotin. Les habitants rapportent que ce sont les Espagnols qui ont introduit cet artisanat. Manuel Gregori Sanahuja, lui, choisira avec un autre compagnon, Bautista, d’élire domicile à Kélibia. Il réussira à y bâtir un petit hôtel, La Florida, premier du genre. Après un voyage en Espagne, il se décidera de retourner à Kélibia où il sera enterré.
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