News - 07.12.2024

Le kaki: Un fruit méconnu mais plein de promesses

Le kaki: Un fruit méconnu mais plein de promesses

Par Ridha Bergaoui - Depuis quelques jours, le kaki, fruit du plaqueminier, a fait timidement son apparition sur les étals de quelques fruitiers et grandes surfaces. Le kaki vient enrichir la panoplie des fruits d’automne et s’installer majestueusement à côté des grenades, des dattes, des coings… Le fruit est peu connu et peu cultivé en Tunisie. Pourtant, c’est un fruit magnifique.

Le kaki, du nom latin Diospyros kaki (Diospyros signifie fruit des dieux), est appelé également plaquemine du Japon ou figue caque. Les Belges l’appellent persimon, de l’anglais persimmon (qui provient de la Perse). En Tunisie, on l’appelle «krima», probablement parce qu’on le mange à la cuillère et qu’il est parfumé comme une crème.

Le plaqueminier est originaire de Chine. Il a été introduit au Japon au 8e siècle où il a connu un grand succès. Au Japon, il est considéré comme un fruit national. Des plaqueminiers ont survécu à la bombe atomique qui a explosé au-dessus de Nagasaki en 1945. Cet arbre est devenu pour les Japonais le symbole de la résistance et de la force.  Le plaqueminier fut introduit en Europe au 18e siècle. On le retrouve de nos jours dans de nombreux pays d’Asie (Chine, Japon, Corée…), en Amérique, aux Etats-Unis et au Brésil, en Orient (Iran, Liban), en Europe (Italie, Espagne, Portugal, France), en Afrique du Sud et également un peu chez nos voisins (Algérie et Maroc). En Tunisie, il a été introduit par un Français dans la région de Ouechtata (Béja) au début des années 1940.

La Chine est le plus gros pays producteur (3 millions de tonnes sur une production mondiale de 5 millions de tonnes), suivie de l’Espagne (le plus gros fournisseur de kakis en Europe, environ 500 mille tonnes/an), de Taïwan, Japon…

Les tanins, handicap majeur du kaki

A maturité, le fruit du kaki pèse de 150 à 300 grammes et mesure de 3 à 10 cm de diamètre. Avec sa peau lisse, jaune, orange ou rouge, il rappelle un peu la tomate. La chair est fondante, juteuse, sucrée et très parfumée. Le kaki est un fruit noble (considéré au Japon comme le fruit des dieux). Toutefois, avant maturité, il peut contenir une proportion importante de tanins qui donnent au fruit un goût amer, astringent et désagréable. La consommation du fruit vert peut même occasionner des problèmes digestifs graves.Il existe des centaines de variétés de kaki dans le monde. On distingue des variétés astringentes et d’autres non astringentes en fonction de l’importance des tanins dans le fruit. Les variétés non astringentes (du type Fuyu, appelées aussi kaki-pomme) ne contiennent pas de tanins et peuvent être entièrement croquées comme une pomme.

Pour les variétés astringentes, les fruits verts sont très riches en tanins et ne sont pas consommables. A complète maturité, les tanins disparaissent, le fruit devient flasque et mou (on dit qu’il est blet), pas trop beau mais la pulpe a un goût parfumé, agréable, sucré et doux. Le fruit est généralement consommé (sans la peau) à la cuillère. Toutefois, à ce stade, la peau est translucide et très fine, le fruit ne supporte ni le transport ni les manipulations.

Comme le fruit est climactérique (il continue à mûrir après récolte), il est possible de le cueillir ou l’acheter encore ferme et le laisser mûrir avant de le consommer. Avec la maturation, le fruit devient beaucoup moins astringent et les tanins se concentrent dans la peau.

Plusieurs techniques, aussi bien traditionnelles qu’industrielles, existent pour faire disparaître artificiellement et rapidement l’astringence, tout en gardant au fruit sa fermeté. La levée de l’astringence peut se faire en présence de vapeurs d’alcool ou sous CO² en chambre froide. 

Les fruits des variétés astringentes peuvent être récoltés avant maturité, alors que le kaki est encore ferme et se prête bien au transport. Il faut alors lever l’astringence avant de les commercialiser. Il est possible alors d’éplucher le fruit et de le consommer. Le séchage du fruit entier ou en tranches est également efficace pour lever l’astringence. Particularités de la culture du plaqueminier.

Le plaqueminier se cultive bien dans les régions chaudes, ses fruits ont besoin de beaucoup de chaleur pour mûrir. Il a également besoin de froid pour lever la dormance. Sa culture est facile. Les variétés sont généralement dioïques et la fécondation se fait surtout grâce aux insectes. Certaines variétés sont parthénocarpiques et le fruit ne contient pas de graines.

Le plaqueminier fructifie facilement mais tardivement (entrée en pleine production après 5 ans environ). Les fruits sont récoltés en automne après la chute des feuilles. Il a peu d’ennemis. La cochenille, la grêle et les oiseaux peuvent cependant constituer une menace pour les fruits.

C’est surtout la mouche des fruits (ou cératite, cératitiscapitata) qui commet le plus de dégâts. Attirée par la couleur jaune orange du fruit à maturité, la mouche vient déposer ses œufs à l’intérieur du fruit. Ces œufs vont donner naissance à de petites larves blanchâtres qui consomment la pulpe, la décomposent et rendent le fruit non comestible. La lutte contre la mouche des fruits se fait essentiellement par piégeage. La cératite et la sécheresse sont les deux principaux fléaux qui peuvent entraîner une chute importante de la production et du calibre du fruit. Avec l’augmentation des prix des intrants, la rentabilité de la culture risque d’être compromise.

La densité de plantation varie selon le niveau d’intensification et d’irrigation, de 300 à 600 arbres/ha. La taille de formation et de fructification est nécessaire pour une bonne récolte. Une bonne fertilisation est nécessaire. Le plaqueminier est très productif et donne de 20 à 40 kg/arbre. Certains peuvent donner jusqu’à 150 kg.
Le kaki nécessite entre 1 000 et 1 200 mm d’eau/an, ce qui correspond en Tunisie à l’étage humide situé autour de la région de Tabarka et Aïn Draham. En pluvial, le kaki pousse sans difficulté dans cette région. Si non, il est nécessaire d’irriguer presque autant que pour les agrumes
(1 200 à 1 500 mm).

Les bienfaits du kaki

Le kaki est riche en vitamines (C, A et B), minéraux (potassium, calcium, fer, manganèse) et en fibres. Il est également riche en glucides et très énergétique (à consommer avec modération). Le kaki contient du carotène (qui lui donne sa couleur jaune orange) et du lycopène, deux antioxydants qui jouent un rôle protecteur important contre les maladies cardiovasculaires et certains cancers.Le kaki rappelle un peu le goût et la saveur des dattes ou du melon. Il peut être consommé nature comme dessert (selon les variétés à la cuillère ou en le croquant). Il représente un excellent coupe-faim, rassasiant et énergétique. Il peut être utilisé pour faire de la confiture, gelée, jus. Les Japonais le font sécher, entier ou en tranches, après l’avoir épluché. Il est utilisé alors comme les pruneaux séchés ou les raisins secs.

Le kaki présente un potentiel important pour les industries pharmaceutiques et cosmétiques étant donné sa richesse en antioxydants.

En Tunisie, le kaki, un fruit méconnu

Malgré son goût sucré et délicieux et ses bienfaits pour la santé, le kaki reste un fruit peu connu en Tunisie. Sa culture s’est limitée surtout à la région de Béja et a un peu progressé du côté de Zaghouan et Nabeul. Selon le président du groupement de développement agricole de Ouechtata, pour cette année, la mouche des fruits a commis de sérieux dégâts en affectant une centaine de tonnes. La sécheresse a également affecté la récolte. Celle-ci, qui d’habitude est en moyenne de 400 tonnes, ne sera que de 270 tonnes. En comptant un rendement moyen de 7 tonnes/ha, la superficie cultivée en kakis serait au maximum de 60 ha.

Quoi qu’un festival soit organisé chaque année, au mois d’octobre à Ouechtata, pour faire connaître et valoriser le fruit et son terroir, le Tunisien demeure mal informé des bienfaits du kaki, comment éviter l’astringence du fruit et le consommer. Associé à un prix relativement élevé (par rapport au pouvoir d’achat du Tunisien), la consommation du kaki reste faible. Seuls certains consommateurs connaisseurs apprécient ce fruit et savent qu’un kaki bien mûr a un goût et des saveurs exceptionnels.L’astringence du fruit et son apparence molle et flasque à complète maturité repoussent un peu le consommateur non averti. Les fruitiers également évitent de le commercialiser, probablement en raison de sa fragilité et sa dégradation rapide sur les étals. L’avenir du kaki est lié à la culture des nouvelles variétés non astringentes, fermes et croquantes (kaki-pomme). Pour les variétés astringentes, il est nécessaire de lever l’astringence avant commercialisation et proposer au consommateur un fruit ferme et directement consommable. C’est le cas de l’Espagne qui produit surtout la variété «Rojo Brillante» et la commercialise dans toute l’Europe après levée de l’astringence.

Perspectives de développement de la culture

Le kaki est un fruit succulent et très nutritif. Les tanins représentaient un handicap pour le développement de la culture et la consommation du fruit. De nos jours, d’une part les variétés modernes ne sont plus astringentes et d’autre part on sait comment lever l’astringence. L’arbre est rustique et très productif et pousse très bien sous notre climat. Il présente un potentiel important comme moyen de diversification dans des régions qui s’y prêtent, surtout au niveau des disponibilités hydriques.Il serait intéressant, pour la région de Ouechtata, connue depuis longtemps pour son kaki, de faire attribuer à cette production une certification «appellation d’origine protégée (AOP)» - «Kaki Ouechtata» - pour dynamiser cette région, promouvoir cette culture et garantir aux producteurs des prix intéressants. Le mode biologique est encore plus avantageux, surtout que la région jouit d’une bonne image chez le consommateur.Le kaki commence à être connu des Tunisiens et consommé fréquemment par certains habitués. Il est en train de gagner en popularité. Il est intéressant pour le consommateur puisqu’il permet une plus grande variété de fruits en automne où ceux-ci se limitent à la grenade et aux dattes. Les bienfaits nutritifs et santé représentent un autre atout important du kaki. Il est nécessaire toutefois de mener des campagnes promotionnelles pour faire connaître davantage le produit, ses vertus et stimuler sa consommation. L’exportation peut être également envisagée, le produit doit être de qualité et de préférence bio. La demande mondiale et surtout des pays européens proches (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni…) est en croissance continue. Le prix du kaki en France est très variable selon la variété, l’origine, le calibre et le mode de production. Compter au détail environ 2 euros/kg et presque le double pour le bio. En Tunisie, le kaki est vendu ces jours-ci à un peu moins de 10 dinars/kg.

Des études sont nécessaires pour soutenir cette production, surtout en matière de choix des variétés adaptées, de qualité du fruit et d’itinéraire technique.

Ridha Bergaoui

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Hassan - 09-12-2024 19:44

J'adore les Kaki, j'aimerais beaucoup que vous traduisez ces perles en arabe pour que ses bénéfices propagent

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