Abdelaziz Kacem - Les Arabes, qui sont-ce ? : La honte
I
L’abjecte coalition qui gouverne actuellement à Tel-Aviv est, sans doute, la plus grande association de malfaiteurs du monde. Elle poursuit son génocide à Gaza et son extrême nuisance s’étend maintenant au Liban. Tsahal est un acronyme hébreu qui signifie «Armée de défense d’Israël». Défense, ici, est une litote, elle veut dire agression perpétuelle. Quand l’Occident ressasse, cyniquement, son antienne: «Israël a le droit de se défendre», il reprend l’euphémisme à son compte, mais il sait parfaitement qu’il s’agit bel et bien de bellicisme odieux, une hostilité permanente à l’égard des voisins, une volonté de grignoter leur terre. C’est dans la Tora et encore plus dans le Talmud.
II
Fermement, la CIJ et le procureur de la CPI condamnent Netanyahu, le sulfureux matamore. Synonyme de faux brave, matamore n’est peut-être pas le mot approprié pour un sanguinaire de cet acabit. Cependant, sans le soutien massif, l’engagement direct des USA, il se serait contenté de quelques raids. meurtriers. Mais pourquoi donc cet acharnement de l’Administration américaine à détruire la Palestine et à exterminer son peuple ? Cette guerre est avant tout la sienne. Elle sait qu’elle est haïe et que si la résistance gagne, tout le Moyen-Orient échappera à son hégémonie et l’ordre américain en sera irrémédiablement ébranlé. Le rêve américain est aujourd’hui un cauchemar.
III
Mais le monde bouge, la jeunesse estudiantine, dans les deux Amériques et en Europe, notamment, proteste, vilipende la lâcheté des dirigeants, exige un cessez-le-feu que le veto immoral de Washington continue d’empêcher. Ce qui étonne de plus en plus les étrangers, qui soutiennent la Palestine, c’est le silence assourdissant des pays arabes, un silence qui confine à la connivence. Qui ne dit mot consent, dit le proverbe. Pas nécessairement. Tous les États membres de la Ligue arabe et de la Conférence de la coopération islamique, à une ou deux exceptions près, détestent l’entité sioniste et encore plus les États-Unis. Mais ils ont tellement intériorisé l’écrasante supériorité militaire de ces deux prédateurs, sans m’étendre ni sur la Perfide Albion, celle par qui tous les malheurs du Proche-Orient sont arrivés, ni sur une Vieille Europe en cours de vassalisation.
IV
Le philosophe Edgar Morin, dès le déclenchement de la machine infernale contre les enfants de Gaza, s’indigne, condamne, puis s’exclame: «Mais où sont les Arabes ?». Plus récemment, le quotidien espagnol bien connu, El País du 29 septembre dernier titre: «Dónde están los árabes?» (Où sont les Arabes?). Ils regardent ailleurs ? Non, ils voient tout et s’enfoncent dans l’opprobre. Pourtant la Résistance ne leur a aucunement demandé de la soutenir. Rien qu’une légère pression (ils en ont le pouvoir) sur le patron américain afin qu’il épargne le restant de Gaza et qu’il y laisse passer un peu de nourriture pour une population qui, déjà, commence à mourir littéralement de faim.
V
Quand les Arabes avaient encore le sens de l’honneur, Égyptiens et Syriens se conduisirent avec panache face à l’adversité. Après l’humiliante défaite de 1967, ils gardèrent la tête haute et se mirent à replâtrer leurs armées en vue d’une revanche. La guerre d’usure, sur le canal de Suez, n’a guère laissé le temps à Tsahal de savourer son éclatante victoire. Puis vint la guerre d’octobre 1973. La victoire ne fut pas nette, mais Israël a tremblé et depuis lors, toutes les parties ont découvert que sans le pont aérien et les satellites américains, l’entité sioniste n’aurait pas tenu. L’Égypte, surtout, était en passe de devenir une puissance régionale.
VI
Mais alors qu’est-ce qui, le 19 novembre 1977, a fait courir Anouar El Sadate, à Canossa-Jérusalem ? Le 17 septembre 1978, il brade littéralement la cause palestinienne, en signant avec le terroriste Begin les accords de Camp David. Ce faisant, il fait sauter un énorme tabou : l’Espagne et la Grèce, qui, jusque-là, ne reconnaissaient pas l’entité sioniste, s’y engouffrent. Le 6 octobre 1981, jour de la huitième commémoration du ‘OUBOUR, la fameuse traversée du Canal de Suez et la prise d’assaut de l’imprenable Ligne Barlev, Sadate expie sa «trahison» et tombe sous les balles des islamistes qu’il avait libérés des geôles nasseriennes, rien que pour enquiquiner les Nassériens qui n’ont jamais reconnu sa légitimité présidentielle.
VII
N’ayons pas peur des mots. L’Égypte nous est très chère. Il n’est de pays arabe qui ne soit redevable à la fille aînée du Nil, berceau de la Nahda, en matière d’art et de littérature et c’est en toute empathie que nous regardons les problèmes quasi insolubles où elle est empêtrée. Par-delà le terrorisme frériste résiduel qu’elle combat, par-delà le défi que l’Éthiopie fallachienne lui impose, eu égard aux eaux du Nil, l’Égypte est confrontée à un mal dûment diagnostiqué par Bourguiba: la démographie. Plus de trois, quatre, cinq millions de bouches inutiles par an. Et tant qu’el-Azhar cadenasse l’islam, nul ne saurait réinterpréter le verset 6 de la sourate XI.
VIII
Deux catégories de pays arabes ont normalisé ou cherchent à normaliser avec l’anormal : d’une part, des pauvres vivant d’expédients et d’aumônes dollarisées, et de l’autre, des riches, signataires d’une fiction biblique, les accords d’Abraham. Ceux-là paient leur cotisation au Club, rien que pour un selfie avec les tueurs de leurs frères et sœurs, rien que pour avoir l’air de frayer avec les grands. La fourmi n’est pas prêteuse, dit la fable. Dans ces pays-là, les cigales, bourrées aux as, non plus.
IX
Autrefois, le temps me paraît si lointain, dans une autre France, tout à fait autre, il y avait un écrivain immense, André Malraux, ministre d’État chargé des Affaires culturelles, et «messager spécial» du général de Gaulle auprès de certains grands de ce monde: Kennedy, Mao, Nehru, Nasser entre autres. Avant d’entreprendre son voyage dans un quelconque pays, il se documentait pour tout savoir : géographie, ressources, PIB, problèmes socioéconomiques, rôle sur l’échiquier international. Un jour, à la veille d’un départ, il feuilleta les dossiers préparés par ses collaborateurs. Tout y était. Et, à la surprise générale, il s’exclama: «Mais que disent les poètes ?»
X
Oui et que disent les poètes arabes ? Le Syrien Omar Abou Richa, écœuré par la traîtrise des frères censés protéger leurs proches contre l’usurpateur:
Pourquoi blâmer le loup d’être cruel
Quand le berger est hostile au cheptel
Pour sa part, le Palestinien Tareq al-Karmi tire sa conclusion, une sentence sans appel:
العار من قومي بريء
إنهم للعار عارُ
De ma nation se disculpe la honte
Ma nation fait honte à la honte
Il y a de quoi remplir une volumineuse anthologie de tels constats chez une nation autrefois grande. Au soir de sa vie, Nizar Qabbani avait déjà intitulé l’un de ses derniers poèmes: Quand annoncera-t-on le décès des Arabes?
Gloire à la Résistance!.
Abdelaziz Kacem
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