News - 19.06.2023

Transplantation d’organes en Tunisie: A multiplier

Transplantation d’organes en Tunisie: A multiplier

Une bonne reprise et de nouvelles perspectives! La transplantation d’organes, véritable blason d’or de la médecine en Tunisie, renoue avec les réussites, enregistrant un record d’opérations effectuées en 2022. Pas moins de 90 transplantations d’organes et 899 greffes de cornées ont été effectuées.

Qu’il s’agisse de transplantations rénales (71) hépatiques (7) et cardiaques (12) essentiellement, ou de greffes de tissus, notamment la cornée, les avancées sont significatives, malgré la pénurie du nombre de donneurs (131 nouveaux donneurs déclarés en 2022), l’allongement des listes de patients inscrits et le manque de moyens alloués. De réelles prouesses continuent à être enregistrées dans de nombreux hôpitaux.

«C'est la greffe qui tire le système de santé vers le haut», souligne le Pr Jalel Eddine Ziadi, chirurgien cardiovasculaire et directeur général du Centre national de promotion de la transplantation d’organes (Cnpto), relevant du ministère de la Santé publique.

«On ne peut exceller sans un système de santé de qualité. C’est un processus exigeant, fondé sur le concours d’équipes hautement spécialisées et l’appui de l’ensemble du système, avant, pendant et après la transplantation. C’est une stratégie et une politique d’Etat», ajoute-t-il.

Des acquis précieux

Le Pr Ziadi n’omet pas de rappeler que «la Tunisie jouit d’une longue histoire dans le domaine. Dès 1948, le Pr Hédi Raïes avait effectué la première greffe de la cornée. En 1986, le Pr Saadeddine Zmerli avait entrepris avec succès la première greffe rénale à l’hôpital Charles-Nicolle. En cette année 2023, nous célébrons le 30e anniversaire de la première transplantation cardiaque réalisée par le Pr Mohamed Fourati à l’hôpital militaire principal d’instruction de Tunis.»

«Nous disposons aussi d’acquis précieux dans ce domaine, poursuit Pr Ziadi. Nous sommes l’un des rares pays de la région à s’y engager totalement. Dans nombre de pays arabes, les prélèvements sur les cadavres sont encore interdits. La Tunisie s’est dotée dès 1991 d’une loi pionnière et visionnaire relative au prélèvement et la greffe d’organes humains (loi n° 91-22 du 25 mars 1991), et en 1995, d’un centre national pour la promotion de la transplantation d’organes (loi n° 95 – 49 du 12 juin 1995). Tout récemment,  un arrêté du ministre de la santé, en date du 5 avril 2023, a élargi la liste des établissements publics hospitaliers autorisés à effectuer les prélèvements ou les greffes d'organes humains. Nous avons aussi d’excellents spécialistes et jouissons d’une grande capacité de travail. De plus, la question n’est plus taboue, les Tunisiens sont de plus en plus convaincus du rôle vital de la transplantation d’organes, d’y consentir et de le faire mentionner sur leur carte d’identité. Mais, dans certains cas, des résistances demeurent encore.»

Après de bonnes années d’intenses activités, les opérations de transplantation d’organes ont connu un léger fléchissement à compter de l’année 2011. «C’est essentiellement dû à des difficultés logistiques et des aspects médico-légaux, explique à Leaders un spécialiste de la santé publique. Le contexte politique instable n’avait pas préservé le système de santé de la dégradation et le risque de poursuites judiciaires en cas d’échec a fait peser de lourdes menaces sur les équipes médicales et paramédicales. En plus de la propagation par des feuilletons télévisés étrangers d’images très négatives attribuées à des vols d’organes. Tout cela avait freiné l’activité.»

La reprise se dessine

Mais, une reprise commençait à poindre dès 2019, sous l’impulsion des équipes dans les différents hôpitaux et le rôle catalytique amorcé par l’ancien directeur général du Cnpto, Pr Tahar Gargah et poursuivi par le Pr Jalel Eddine Ziadi. D’ailleurs, les efforts des pères fondateurs du centre et de ceux qui se sont succédé à sa direction méritent hommage. Il s’agit des Prs Mohsen Ayed, Jalel Ben Hmida, Chebil, Hafedh Mestiri et Rafika Badri et de toutes les équipes. Aussi, d’éminents spécialistes s’y investissent à présent dans différents hôpitaux de la capitale et à l’intérieur du pays. A ce grand dévouement, et cette excellence médicale s’ajoute la transparence et l’équité des chances dans l’attribution des greffons.

Ce nouvel élan initié en 2019 avait été contrarié par la pandémie de Covid, en 2020 et 2021, mais l’année 2022 marquera un véritable décollage.

Au total, indique le rapport annuel du Cnpto pour 2022, 19 prélèvements multi-organes ont été effectués, permettant la réalisation de 51 transplantations d’organes réparties comme suit: 

12 transplantations cardiaques

7 transplantations hépatiques adultes

32 transplantations rénales.

La transplantation rénale vient en tête des opérations. La liste nationale d’attente comportait, à fin 2022, 1 656 patients inscrits, dont 107 nouveaux patients. Au cours de cette même année, 71 transplantations rénales ont été réalisées: 39 à partir de donneurs vivants et 32 à partir de donneurs cadavériques.

Sept transplantations hépatiques ont été réalisées en 2022 à l’hôpital Mongi-Slim - La Marsa, toutes à partir d’un donneur cadavérique.

Douze transplantations cardiaques ont été également réalisées, 11 par l’équipe du service de chirurgie cardiovasculaire de l’hôpital La Rabta de Tunis et une par l’équipe du service de chirurgie cardiovasculaire de l’hôpital Sahloul de Sousse.

Quant à la greffe de la cornée, la liste nationale d’attente était de 1 922 patients à fin 2022. Le nombre total de greffes réalisées était de 899 dont 297 cornées provenant de la Banque des yeux du Cnpto (33%) et 602 cornées importées (67%).

Exigeantes et coûteuses

«Une transplantation d’organes, souligne à Leaders le Pr Jalel Eddine Ziadi, c’est une concentration de compétences et de moyens. Il s’agit, d’un côté, de préparer le patient receveur et, de l’autre, d’intervenir immédiatement pour le prélèvement des organes du donneur, l’un pouvant être à Tunis et l’autre dans une région lointaine. Le prélèvement est très délicat, impliquant le concours de plusieurs médecins spécialisés et, dans certains cas, la mobilisation d’un hélicoptère pour le transfert d’urgence des organes, dans les conditions les plus strictes.»

Le coût des opérations de transplantation n’est pas négligeable, indique-t-on au ministère de la Santé. Il faut compter 80 000 D pour une greffe rénale, plus de 100 000 D pour une greffe hépatique et plus de 250 000 D pour une greffe cardiaque. Quant à la greffe de la cornée, il s’agit souvent de faire acquisition de la cornée à l’étranger, pour un coût de plus de 1 000 $.

Vent debout, le Cnpto est à l’œuvre sur plusieurs fronts, notamment la formation, l’information et la coopération internationale. C’est ainsi que des sessions de formation d’initiation sont organisées en faveur des médecins et des infirmiers coordinateurs (principalement au personnel des services de réanimation, d’anesthésie-réanimation, d’hémodialyse, du bloc opératoire et des laboratoires), mentionne à Leaders la professeure agrégée Wafa Aïssi (médecine préventive et communautaire), chargée de la formation et de la communication au Centre. Des masterclass sont aussi organisées à la faculté de Médecine de Tunis pour traiter du prélèvement et de la transplantation d’organes à partir d’un donneur en état de mort encéphalique, des campagnes d’information et de sensibilisation sont conduites auprès du grand public et une grande manifestation sportive de course à pied —‘’Les foulées vertes’’—  se tient désormais chaque année.

Le Cnpto s’emploie par ailleurs à développer une collaboration étroite avec ses homologues à l’étranger, notamment en France. Cette coopération internationale porte notamment sur l’échange d’expériences, la formation et une participation active à diverses manifestations scientifiques et médicales.

Une deuxième date de naissance

Le Pr Ziadi est plein d’espoir pour le développement des activités de transplantation d’organes en Tunisie. «Nos équipes sont très compétentes et très dévouées. La grande prouesse, c’est de maintenir et promouvoir cette activité et d’offrir aux patients ce qu’ils attendent depuis de longues années. C’est un peu une deuxième date de naissance pour eux. On le doit aussi aux donneurs et à leurs familles.»

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