News - 16.05.2022

L’ex-président colombien Juan M. Santos, prix Nobel de la paix: N’oubliez pas la Palestine. L’impunité en Israël et en Palestine est aussi intolérable qu’en Ukraine

 L’ex-président colombien Juan M. Santos, prix Nobel de la paix: N’oubliez pas la Palestine. L’impunité en Israël et en Palestine est aussi intolérable qu’en Ukraine

Par Juan Manuel Santos
Traduction de l’anglais par Mohamed Larbi Bouguerra

Le texte qui suit a paru en espagnol et en anglais sur les colonnes du quotidien madrilène El Pais, le 8 mai 2022- donc avant l’assassinat de Shireen Abu Akhla et la conduite horrible et inqualifiable de la police israélienne qui a sauvagement agressé le cortège des funérailles de cette icône du journalisme et de la nation arabes ; cequi a attiré une condamnation quasi universelle.

Pour le journal « The Jerusalem Post » du 12 mai 2022, l’article du président colombien est annonciateur des sanctions à venir pour Israël. Amer, le quotidien conservateur israélien de référence note, qu’en 2013, le Président israélien Shimon Perez considérait Juan Manuel Santos comme un« cher et véritable ami»et ajoutait «  Aujourd'hui, il est douteux que quelqu'un en Israël puisse appeler Santos un véritable et cher ami. »
Sous la présidence de M. Santos, la Colombie a reconnu l’Etat de Palestine en 2018.
Nous publions l’opinion de M. Santos à l’occasion de l’anniversaire de la Nakba.

N’oublions pas la Palestine

Le président Santos écrit:

« Le monde a été horrifié par l'invasion de l'Ukraine par Poutine et cette réaction est juste. Les dirigeants politiques se tournent vers un ordre international fondé sur des règles pour contrer cet acte d'agression injustifié. Cependant, nous ne devons pas oublier que la négligence de ces règles et normes mondiales dans le monde entier a longtemps miné la paix et la sécurité et permis l'impunité, par exemple dans le conflit israélo-palestinien. Pour inverser cette tendance dangereuse, les dirigeants doivent respecter ces règles partout et à tout moment. L'application de deux poids, deux mesures pourrait affaiblir les arguments en faveur d'une action justifiée***.

Depuis des décennies, le conflit israélo-palestinien est exacerbé par l'incapacité de la communauté internationale à dénoncer le mépris systématique du droit international. Il existe aujourd'hui de nombreux éléments prouvant que le gouvernement israélien enfreint de manière flagrante ce principe par sa domination des terres palestiniennes occupées et ses pratiques oppressives à l'égard du peuple palestinien. En tant qu'ami d'Israël, je me sens obligé de m'exprimer.

Pendant mon mandat de président de la Colombie, j'ai dirigé le processus de paix qui a mis fin à un conflit armé qui a duré plus d'un demi-siècle. En aidant mon pays à mettre fin à ce conflit brutal, j'ai compris qu'une paix durable ne pouvait être possible que par un accord fondé sur l'égalité des droits, la justice et l'inclusion. Ces mêmes principes ont motivé ma décision en tant que président de reconnaître l'État de Palestine en 2018, pour laquelle j'ai fait l'objet de nombreuses critiques dans certains cercles en Israël et dans mon propre pays.

Un système de domination et d’oppression

En tant qu'amis d'Israël, nous sommes de plus en plus préoccupés par le fait que les récents gouvernements israéliens n'ont montré aucune intention de mettre en œuvre les valeurs d'égalité et de liberté inscrites dans leur déclaration d'indépendance dans le territoire qu'ils occupent depuis 1967. Ils continuent de nier le principe fondamental de l'égalité des droits et empêchent la création d'un État palestinien.
Le fait que des Israéliens patriotes et des personnalités internationales respectées utilisent le terme "apartheid" renforce la nécessité d'un débat objectif sur les preuves, fondé sur le cadre juridique international qui définit ce crime. Les autres membres de The Elders*(Les Aînés) et moi-même serions ravis de voir un tel débat, car il témoignerait d'une évolution vers une meilleure compréhension entre toutes les parties.

Je soutiens pleinement le droit d'Israël d'exister et de se défendre. Il a été attaqué à de nombreuses reprises**, et cela doit cesser. Mais ces attaques ne justifient pas le système de discrimination et d'oppression du gouvernement, ni les violations généralisées des droits de l'homme dont souffrent chaque jour les Palestiniens sous occupation.

L'annexion de facto de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, par l'expansion incontrôlée des colonies juives illégales, est une indication claire de l'intention d'Israël de dominer de façon permanente un peuple palestinien sans État.

Il est difficile pour tout observateur impartial de ne pas conclure que des millions de Palestiniens sont soumis à un système d'occupation militaire cruel et intolérable, en plus d'être privés de leurs droits humains fondamentaux.

Depuis des années, un certain nombre de personnalités politiques, juridiques et militaires de premier plan en Israël ont averti que la poursuite de l'occupation illégale et des politiques de colonisation conduirait à l'apartheid***. En effet, nombre d'entre eux, dont un ancien procureur général et un ancien directeur du Shin Bet****, affirment que c'est déjà le cas. D'autres dirigeants internationaux, comme l'ancien secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon (mon collègue du groupe The Elders*), arrivent à des conclusions similaires.

Le terme "apartheid" a un poids émotionnel et historique énorme pour les gens du monde entier... Il doit être utilisé comme un terme juridique, et non comme une accusation politique. La question de savoir si le crime d'apartheid est commis par le gouvernement d'Israël est une question juridique tranchée par les preuves, et non une question d'allégeance ou d'idéologie.

Le fait que des Israéliens patriotes et des personnalités internationales respectées utilisent le terme "apartheid" renforce la nécessité d'un débat objectif sur les preuves, fondé sur le cadre juridique international qui définit ce crime. Mes collègues Elders* et moi-même accueillerions favorablement un tel débat, qui constituerait une étape vers une meilleure compréhension de toutes les parties.

Israël fait taire toute critique

Malheureusement, nous assistons à un effort orchestré par le gouvernement israélien et ses alliés pour faire taire toute critique et persuader la société israélienne et ses alliés étrangers qu'un tel débat est sans fondement, sans examiner les preuves. Ceux qui produisent des preuves sont confrontés à la diffamation, aux accusations d'antisémitisme et même à la criminalisation.

En outre, les enquêtes menées par des organismes internationaux sur les violations des droits de l'homme ou les crimes atroces commis par toutes les parties au conflit, y compris le Hamas, sont rejetées.

Toutefois, le vent pourrait tourner. Le soutien mondial sans précédent dont bénéficie l'enquête de la Cour pénale internationale sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie défie l'inertie dont fait preuve la communauté internationale lorsqu'il s'agit de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis ailleurs. L'impunité en Israël et en Palestine est tout aussi intolérable qu'en Ukraine ou ailleurs***.

En appelant au respect du droit international, je ne remets pas en cause la légitimité d'Israël ni le droit de son peuple à vivre en paix et en sécurité. Bien au contraire, ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement l'égalité des droits de tous les Palestiniens et Israéliens, mais l'intégrité des idéaux fondateurs d'Israël***** que sont la dignité, la justice et la liberté, et sa volonté de respecter l'état de droit sur la base de preuves. Les amis d'Israël doivent le rappeler. »

Juan Manuel Santos est un ancien président de la Colombie, lauréat du prix Nobel de la paix et membre du groupe The Elders.

Notes du traducteur

* The Elders : Les Anciens ou les Sages, ONG fondée par le Président Nelson Mandela (Afrique du Sud) en 2007 regroupant des hommes d’Etat, des activistes politiques, des avocats des droits de l’homme dont le but est de résoudre les problèmes mondiaux dans le cadre de la paix et de la sagesse ancestrale.

** Le Président Santos passe sous silence la guerre de 1967, les attaques d’Israël – pour être bref-contre l’Egypte (avec la France et la Grande Bretagne), contre le Liban et aujourd’hui quotidiennement contre la Syrie.

*** C’est nous qui soulignons

**** Sécurité intérieure israélienne

***** Proclamant la création d’Israël le 14 mai 1948, David Ben Gourion affirmait que l’Etat d’Israël « développera le pays au bénéfice de tous ses habitants, il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ; il assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des Lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la Charte des Nations Unies . »

On en est bien loin de ces engagements alors qu’Israël tue impunément les Palestiniens, bafoue al Aqsa et applique sa loi de juillet 2018 sur l’Etat-Nation du peuple juif qui instaure un régime d’apartheid.

 

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