News - 15.04.2019

Mhamed Aroui: L’université tunisienne rentre dans une zone de turbulence

Mhamed Aroui: L’université tunisienne en zones de turbulences

Pour la deuxième année consécutive l’université publique, avec ses centaines de milliers d’étudiants et ses milliers d’enseignant-chercheurs, vit des périodes de turbulences inquiétantes. Une grève administrative a empêché une part non-négligeable d’étudiants de passer leurs examens, plusieurs centaines d’enseignants universitaires sont privés depuis le mois de mars de salaires et d’assurance maladie, des étudiants en grève pour cause d’examens non passés et d’une éventuelle suppression du CAPES, des pseudo-réformes du régime LMD dont il est difficile de comprendre la logique et les bienfaits. On ne saurait dire si ce sont là les dernières convulsions d’un système mourant ou bien les signes de rémission d’un corps malade qui s’est enfin décidé à sortir de son long coma.

L’université tunisienne est malade, au-delà du manque de moyens on manque surtout de vision, de projet national, de patriotisme scientifique, de grands esprits capables de trouver la martingale
adaptée à cette démocratie balbutiante.

Le conflit qui dure depuis deux ans entre l’équipe ministérielle et le syndicat des enseignantchercheurs ne peut plus perdurer. Que gagnerait le pays à ce que des centaines de milliers
d’étudiants soient traités de la sorte ? Que gagnerait le pays à ce que des milliers de ses universitaires soient publiquement décrédibilisés, moralement rabaissés et matériellement harcelés parce qu’ils demandent que les termes d’un accord signé un certain 7 juin 2018 soient appliqués?

[L’accord stipule que la part du budget du ministère, par rapport au budget de l’Etat, soit augmentée en 2019 de 0.25%. La part de 2019 a été de 4.03% alors que celle de 2018 était de 4.13% soit une diminution de 0.10%]. Est-ce que notre jeune démocratie souhaite éveiller ses jeunes consciences avec des universitaires désabusés, aigris, démoralisés ?

Aux décideurs de sortir l’université de cette crise. Ils pourraient solliciter la médiation d’une commission de ‘sages’ de l'université tunisienne. Ces ‘ainés’ mettraient à profit leur poids académique, leur expérience et leur aura pour rétablir d’abord la confiance de part et d’autre puis oeuvrer à ce que l’on sorte une fois pour toutes de cet engrenage. On évitera ainsi à l’élite intellectuelle de demain et d’aujourd’hui des traumatismes et des aigreurs inhibants.

Au-delà de cette crise ponctuelle, notre enseignement supérieur a besoin de réformes ambitieuses qui annoncent un nouveau cap, une nouvelle vision, une nouvelle université tunisienne. Des réformes qui remotivent les troupes, qui injectent un nouveau souffle, qui relancent cette dynamique intellectuelle séculaire qui a créé l'exception tunisienne. A soixante ans notre université a besoin d'une grande refonte qui la rehaussera aux ambitions des pionniers qui l'ont créée.

A ceux qui trouvent que l’éducation coûte cher, le conseil de Lincoln tient toujours: essayer l’ignorance...

Mhamed Aroui

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