Hella Ben Youssef: Ce que devrait être un cap pour le pays !
S’il est bien une chose sur laquelle tout le monde s’accorde c’est bien l’absence totale de vision d’avenir ! Les quelques dizaines de formation politiques dignes de ce nom semblent incapables de dessiner les contours d’une Tunisie démocratique et prospère à l’horizon 2030 voir plus loin !
Une étrange absence d’imagination, qui participe du trouble et du désarroi des diverses composantes de la société. Il ne fait plus de doute que l’actuelle classe politique est proprement dans l’incapacité de définir un nouveau « vivre ensemble ». On entend bien ici ou là qu’il faut réduire la fracture sociale et la fracture régionale, qu’il faut renforcer les infrastructures de base, mais pour quel devenir commun ?
Tous les partis évoquent la nécessité d’une meilleure couverture sanitaire et sociale, de l’impérieux besoin d’une meilleure éducation, sans que pour autant l’on sache où se situe les ressorts du mieux vivre futur. En son temps, les dirigeants du mouvement national avaient indiqué qu’une génération souffrirait avant que véritablement ne fonctionne à plein « l’ascenseur social ». En dépit du legs colonial, de la faiblesse des moyens, comme d’une conjoncture internationale pas toujours favorable, le pays a tout de même réussi à s’émanciper de la très grande précarité, età favoriser une plus grande mobilité sociale.
L’ascenseur social a fini par être au rendez-vous au point de favoriser l’émergence d’une couche moyenne importante.
Une avancée, certes, mais avec bien de vicissitudes et entorses à l’émergence de ce « mieux vivre ».Il n’est bien évidemment pas ici de refaire l’histoire du cheminement post-indépendance, ni de tomber dans la célébration et l’éloge du dit « modèle de développement ». Nous laissons cela aux louangeurs, laudateurs et autres encenseurs nostalgiques aux arrières pensées à peine dissimulées. Si ce « modèle » a effectivement permis de sortir de la très grande pauvreté, il s’est essoufflé au coursdes dernières décennies, pour finir par s’enfoncer dans une crise majeure sans précédent !Trop de « laissés pour compte », trop de couches sociales en rapide décrochage, trop de déclassements régionaux. En quelque sorte un pays à deux vitesses avec un ascenseur social désormais en panne.
Certains s’accrochent désespérément à ce dit « modèle » donné en bon exemple du « bon élève ».
Ils ne cachent pas leur souhait de le voir se perpétrer sans bien sûr les scories qui s’y sont greffées.
De bonne foi, ils imaginent qu’une fois débarrassé de la corruption et de la prédation, ce modèle plus équilibré et plus inclusif, a un bel avenir devant lui. Ces adulateurs et panégyristes dont on devine les attentes dissimulées en sont si convaincus que l’on en retrouve la trace dans leur programmes économiques et sociaux.
Osons cette affirmation ! Les perspectives décrites par leur programme sont si proches, que les différences qui les distinguent n’ont pas plus d’épaisseur que celle d’une feuille de papier. Ils disent tous, à quelque chose près la même chose…des conservateurs-réactionnaires aux socio-libéraux. Nous éviterons de donner des noms, histoire d’éviter toute polémique stérile. Tous disent il faut plus de croissance (mais produire quoi et pour qui ?). Tous disent il faut être plus compétitifs (ce qui sous-entend, en creux, modération salariale et avantages sociaux). Tous disent, il faut retrouver le goût de l’effort et la valeur Travail (ici synonyme de productivité) sans que ne soit avancé ses attendus : un travail digne, autonome, faisant appel à l’initiative.A croire qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans un atelier industriel, sur un chantier, ou dans un champ agricole. Tous disent aussi, il faut moins d’Etat et redonner toute sa place à l’initiative privée. Encore et toujours une pensée mercantile, obsédée par l’argent, origine et finalité de tout.
Il n’y a pas besoin de faire un gros effort pour démonter à quel point cet obsession est devenue tyrannique et lancinante. Du premier plan Jasmin au plan 2016-2020, en passant par celui tout à fait identique des islamistes ou bien encore par celui de leaders en vue, issus des grandes écoles, d’institutions financières ou de grands groupes multinationaux…tous n’entrevoient que le caractère mercantile ou marchand du renouveau économique et social, mais au fond jamais très loin de ses caractères voisins cupide et vénal. La Tunisie nous disent-ils, doit devenir une plateforme commerciale au cœur de la méditerranée, un port financier à l’instar de Tanger, un plateau-tremplin de tertiaire supérieur (tourisme médical, services informatiques) toute ces perceptions oscillent entre une version réduite de Singapour ou de Dubaï ou encore une sorte de petite Suisse. A l’évidence et sans ne vexer personne ces visions si proches et si peu contrastées témoignent d’une aliénation ou soumission de la pensée à la globalisation effrénée, à la concurrence de tous contre tous, à l’assujettissement aux seules lois du marché…
Admettons que l’exercice prospectiviste est difficile…Mais le modèle rénové dans ses diverses variantes, a tout de même, toutes les chances de laisser sur le bas-côté de très nombreuses fractions de la population en quête d’un devenir meilleur.
Pas plus futurologue, ni plus prévisionniste que n’importe qui, nous ne pouvons que constater l’impasse dans laquelle se fourvoient et pour ainsi dire se complaisent nos élites dirigeantes ou en passe de l’être. Tous semblent ne pas avoir dépassé les enseignements des cours de première année de sciences économiques, et croient encore dur comme fer, qu’un simple modèle de calcul d’agrégats peut à lui seul constituer une réponse aux attentes du corps social. Ils imaginent que la gouvernance par les nombres est la pierre philosophale à leur vacuité imaginative : Où est dans ce fatras de chiffres, l’harmonie du vivre ensemble, le pouvoir de vivre dignement…tout ce qui échappe à la mise en équation.
Certes le pays ne dispose que de très faibles moyens et de ressources. Mais ses diverses composantes sociales disposent de savoir-faire, qu’il s’agit d’élargir et d’approfondir.
Trois secteurs vitaux, ressorts d’une nouvelle dynamique, doivent être promus dans le nouveau modèle : les biens communs (énergie, eau, santé, éducation, logement, transport), par ordre d’importance décroissante doivent échapper du moins partiellement aux règles du marché.
Vient ensuite le secteur agro-pastoral et de la pêche. Fort utilisateur de main d’œuvre compétente et diversifiée, il convient d’assainir (trop d’intermédiation parasitaire) et de moderniser les techniques tout en conservant le caractère artisanal et paysan. Les mauvais esprits, chantres du mercantilisme vont monter au plafond en criant à l’archaïsme, au caractère périmé, rétrograde, et obsolète de cette vision, là où se confirme un peu partout le recul de l’agriculture et de la pêche productivistes, là où commence partout dans le mondeune productionà taille humaine, familiale, de proximité, mais tout aussi capable de satisfaire au mieux la sécurité alimentaire dont la pays aura besoin, dans la préservation des capacités de reproduction (terres fertiles, espèces marines)et du respectde l’environnement et la biodiversité (Parma-culture, filière huile d’olive, débouchés industrielles pour les productions saisonnières d’agrumes, fruits et légumes, poissons)
Troisième pilier, l’indispensable renouveau de notre tissu industriel désormais caduc et bien trop dépendant de donneurs d’ordre. Les forces vives du pays sont en mesure de relever les défis des biotechnologies (génériques notamment en direction de l’Afrique, agronomie). Mais un renouveau qui ne peut s’accomplir sans l’impulsion décisive de l’Etat et du système bancaire.
Un pays reboisé, aux terres fertiles, gestionnaire rigoureux de ses ressources hydriques, garant sourcilleux de sa biodiversité, mais aussi un pays maître de son urbanisation, de la qualité de vie. Un pays, dont pour l’heure, on ne peut trouver d’exemple sur lequel nous pourrions nous projeter, n’en déplaise aux technocrates simplistes et aux nostalgiques rentiers du népotisme.
Le pays va se relever, il ne peut en être autrement….C’est juste une question de temps.
Hella Ben Youssef
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"Le pays va se relever". Le pays importe et exporte ves la Comunauté europeenne( où les quatres principaux pays, la france , L´Allemagne, L´Italie et l´Espagne). On n´a qu´a suivre le besoin de ces pays en produits et remplir ses carnets de commande. D´autre part il est utile de voir comment La Grèce s´y prend avec l´ EU, rien que de s´informer, étant donné que la Grèce et proche dans sa situation de celle de la Tunisie. Finalement on a que le capitalisme a suivre et appliqué en Tunisie, le Socialisme est agonisant en ce moment et sa resurrection n´est pas pour demain. N´ayer pas peur de l´argent et de son rôle, les tunisiens en ont besoin, et les departs vers l´Europe, c´est aussi pour l´argent.
Merci Mme pour votre conclusion optimiste? C'est de ça que la Tunisie a vraiment besoin
Vision stratégique à l'usage des aveugles : Je trouve Mme Youssef bien optimiste. Elle ne prend pas en compte le nivellement hallucinant de nos mécanismes socio-culturels qui empêchent une contribution citoyenne effective au redressement du pays. La base de tout développement durable repose sur une population instruite et responsable; la remise en état de nos forces productives est donc avant tout question de mentalités.