Taoufik Habaieb: S’en sortir !
Est-ce la baraka de Sidi Mehrez et autres ‘’saints protecteurs’’ selon la croyance populaire ? Combien de fois la Tunisie s’est-elle trouvée au bord du précipice, faillant sombrer dans l’abîme, avant qu’au tout dernier moment, la providence ne la sauve ? Les tensions extrêmes qui ont embrasé les relations entre l’Ugtt et le gouvernement, avec un pic le mois dernier, n’en sont que le énième épisode. Si, de justesse, la confrontation a été évitée, tout est à reconstruire dans ce couple.
L’érosion du pouvoir d’achat et la flambée des prix deviennent insoutenables, pour tous les Tunisiens, toutes catégories comprises. La dégradation des finances publiques et le creusement du déficit de la balance commerciale s’y ajoutent lourdement. Résultat : la montée des exaspérations et la recrudescence des revendications s’expriment de plus en plus fortement dans la rue, au risque de tout bloquer.
Préserver le couffin de la ménagère et poser des garrots pour arrêter les hémorragies s’érigent en priorités absolues. S’il ne peut tout affronter à la fois, le gouvernement actuel ou celui qui lui succèdera doit s’y investir pleinement. Faute de quoi la sanction sera fatale.
Quelle que soit leur origine, politique, économique, financière ou sociale, les soubresauts violents qui secouent brutalement l’avancée de la Tunisie ne sont pas arrivés à leur terme et restent difficiles à anticiper et à éviter. L’amortisseur ne peut être que dans le fait de montrer et démontrer aux Tunisiens la détermination des gouvernants à enrayer les facteurs de risque, renforcer les stabilisateurs et privilégier l’intérêt national et le sens de l’Etat.
Le long et pénible, mais nécessaire cheminement de la Tunisie vers la démocratie et la relance économique, impose ses exigences. Le prix à payer est un sacrifice à partager par tous. L’engagement individuel et collectif à respecter la loi et à s’investir dans la création de richesse n’en est qu’un premier gage. Renouveler le dessein commun, rétablir la confiance et redonner espoir, en rassemblant les Tunisiens et non en les divisant, constituent le mandat de la classe politique et syndicale.
Deux Tunisie sont juxtaposées. Celle qui conteste bruyamment pour faire prévaloir des intérêts corporatistes étroits. Et celle qui s’échine à travailler laborieusement, en silence, et à réaliser des merveilles. Dans ces fermes, ateliers, usines, laboratoires de recherche, bureaux d’études et incubateurs d’entreprises, l’effort, l’ingéniosité et l’intelligence nous offrent de réels motifs de réconfort et de fortes doses d’espoir.
Le processus électoral qui nous donne dès ce 6 mai 350 nouveaux conseils municipaux, et se poursuivra l’an prochain à l’automne, avec la présidentielle et les législatives est crucial. Il confirme, aux yeux de tous, la stabilisation croissante de la Tunisie et de son avancée démocratique. Sa grande promesse est de faire émerger davantage de jeunes et de dirigeants compétents hissés aux commandes, une majorité confortable au parlement, et trois présidents désignés par les urnes pour endosser les lourdes charges des palais de Carthage, de la Kasbah et du Bardo.
Le véritable travail de fond commencera alors en janvier 2020, lorsque ces nouveaux pouvoirs seront entrés en fonction. Sans se faire d’illusion, cette échéance est la plus réaliste. D’ici là, le pays pourra-t-il résister encore ? L’économie sera-t-elle capable de tenir ? Les Tunisiens sauront-ils endurer davantage ?
Il n’y a point de miracle à attendre. Délicate situation : il faut s’en sortir. Ce n’est guère impossible. Cette détermination doit être celle de tous les Tunisiens, chacun à sa manière, chacun de sa propre contribution. C’est ce qui sauvera le pays, accélèrera sa relance.
Dès la mi-mai, la Tunisie vivra au rythme du mois saint du Ramadan: au ralenti. Puis ce sera le farniente des vacances d’été. Ce relâchement de l’effort durant plus de trois mois est-il une fatalité à subir ? C’est là un exercice décisif à entreprendre pour éprouver notre réelle volonté de nous en sortir.
La baraka est nécessaire pour tous ceux qui y croient. Mais, elle ne suffit pas. S’en sortir, c’est d’abord agir.
Taoufik Habaieb
Ramadan Mabrouk.
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Le tunisien doit se remettre au travail, à la productivité, loin des grèves, des lignes rouges qui jalonnent tout le territoire. Le gouvernement en place doit être un peu plus audacieux pour réunir les organisations nationales et la société civile et exposer l'état de santé du pays. Les solutions qui en ressortiront doivent être adoptées par toutes les nuances politiques et sociales. Dans le cas inverse, le pays continuera sa chute et rien ne sera possible pour le redresser. A moins que la baraka ne voit l'inverse.