News - 25.03.2018

Abbés Mohsen: Ne ratons pas notre décentralisation

Abbés Mohsen: Ne ratons pas notre décentralisation

Le projet de code des collectivités locales apporte plusieurs innovations intéressantes; il supprime d'abord toute forme de subordination des collectivités locales (commune et région) à l'Etat. Il généralise le système communal à toute l'étendue du territoire national. Il consacre enfin les principes constitutionnels de gouvernance ouverte et de démocratie participative. Il faut se féliciter de ces avancées démocratiques tout en s'obligeant à rester attentif aux éventuels effets pervers de cette étonnante  ostracisation de l'Etat. Il faut souhaiter que cette législation nouvelle soit une réelle opportunité pour les communes et les régions et soit autre chose qu'un plagiat servile de ce qui se fait ailleurs. La vraie question est de savoir si cette capacité d'autodétermination sera ou non capable de créer de la prospérité économique et du bien être social? Deux conditions au moins dictent la réussite de ce nouveau cadre législatif: la salubrité des finances locales et la loyauté des autorités entre elles.

Des finances locales saines

Malgré d'injustifiables dérives la tutelle de l'Etat sur les collectivités locales se justifiait par la nécessité de protéger les Conseils élus de la tentation de l'électoralisme et de les prémunir contre l'humaine faiblesse qui eut conduit au surendettement et à la gabegie. La deuxième idée est que l'administration d'Etat étant plus étoffée en cadres et surtout plus éloignée des bénéficiaires ou des victimes de telle décision municipale a plus de chances d'être objective. Une tutelle bien comprise ne s'exerce que sur la légalité des actes et la régularité de la dépense. Les dangers de l'endettement et de la gabegie ne sont pas théoriques.

Tel grand pays d'Europe méditerranéenne a vu son endettement égaler puis dépasser son PIB. La cause? Le surendettement des collectivités locales qui, ivres de liberté, se sont lancées dans des projets coûteux et peu rentables.

Dans tel autre grand pays ami un Conseil régional consent des subventions très élevées à une association au détriment d'autres. Pourquoi? Parce qu'elle est un énorme réservoir de voix.

Pour réussir et durer la décentralisation doit impliquer que les collectivités locales veillent à la salubrité de leurs finances et de l'usage qu'elles en font.
Il faut que cette liberté nouvelle se traduise par une amélioration de l’attractivité des villes et des régions à travers une saine compétition entre les territoires.
Et puisque le contrôle a priori des actes est supprimé il eût été judicieux qu'une disposition permette à la collectivité quand elle le désire de s'adresser au gouvernorat pour le consulter sur tel dossier financier ou administratif.

Il faut bien savoir en effet que la suppression de la tutelle de l'Etat ne signifie pas nécessairement la liberté. La collectivité  locale peut tomber sous une invisible tutelle  exercée en dépit de l'équité par de nébuleux groupes d'intérêts politiques ou financiers.
Mais la décentralisation doit aussi être loyale.

Le principe de loyauté

Cette démarche décentralisatrice doit être loyale vis à vis de ses principes fondateurs posés dans le chapitre VII de la Constitution et qui sont: la libre administration, la gouvernance ouverte, la démocratie participative, la subsidiarité, la redevabilité..etc. La démocratie participative par exemple implique des mécanismes très précis pour éviter qu'un Conseil ne se défausse sur elle de questions gênantes et éviter qu'on en vienne à engorger les assemblées participatives de questions oiseuses.
Elle doit être loyale également vis a vis du principe de la gouvernance ouverte et qui retentira peut être sur le fonctionnement de l'administration centrale et qui devrait en améliorer les performances.

La loyauté des autorités entre elles: il est souhaitable d'éviter que les autorités élues et les autorités désignées se dressent les unes contre les autres.
Il faut regretter profondément que la Constitution de 2014 n'ait pas réussi à surmonter son aversion du Gouverneur et qu'elle l'ait ostracisé en refusant de le mentionner dans le Chapitre VII. La Constitution marocaine de juillet 2011 adoptée pourtant dans un contexte politique régional similaire réserve dans son article 145 une large place au "Wali": " Les Wali et les gouverneurs sont les représentants de l'Etat et sont responsables de l’exécution des lois.....Ils assistent les collectivités locales dans la réalisation de leurs programmes"

En Algérie le Wali est l’autorité exécutive de l'Assemblée populaire de Wilaya élue et qui élit pourtant son président.
L'incompréhensible hostilité des Constituants de 2014 à l'endroit du gouverneur risque d'aboutir à une dommageable guerre de positions entre autorités désignées représentant l'Etat et autorités élues.

Le progrès dépendra indiscutablement de la coopération et de la bonne entente entre autorités élues et autorités désignées.

Abbés Mohsen

 

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