« Si Habib Bourguiba est légitimement éligible, à titre posthume, au Prix Mandela, Neslon Mandela est tout aussi légitimement éligible, à titre posthume, à un prix Bourguiba. » C’est ce qu’a déclaré l’ambassadeur Ghazi Gherairi, Délégué Permanent de la République Tunisienne auprès de L'UNESCO. Recevant lundi à Paris, au nom de l’Etat tunisien, le prix Mandela décerné au président Bourguiba, il a rendu un vibrant hommage aux deux leaders. Au nom de l’Institut Mandela, le prix lui était remis par Dr Christine Nina Niyonsavye, ambassadeur du Burundi en France, en Espagne et au Portugal. Extraits.
« Le trio qui se dresse là devant vous pour recevoir ce prix incarne à mes yeux de façon significative les multiples facettes et dimensions du grand Homme que vous honorez ce soir.
En effet, au gré d'une carrière exceptionnelle, d'un destin hors du commun, Habib Bourguiba aura laissé des Bourguiba, des Bourguibistes et des Bourguibiens. Ces deux derniers qualificatifs s'appliquent tout autant à des personnes qu'à des institutions.
Les Bourguiba étant sa famille biologique et civile, les Bourguibistes incarnés par sa famille partisane et idéologique. A ces deux subjectivismes s'adjoint une objectivité : les bourguibiens, au sens de sa trace institutionnelle et sociétale.
Si l'Etat au sens de la transcendance objective d'administration du territoire et d'incarnation de la Nation est un phénomène très ancien en Tunisie. En tout état de cause millénaire. L'Etat tunisien moderne est là debout depuis des siècles, tel le roseau pliant parfois mais ne rompant jamais. Bourguiba en est l'un des continuateurs majeurs et le bâtisseur de sa dernière expression politique à savoir la République. Père de l'indépendance, architecte de l'Etat national, il a été l'auteur et le concepteur de la formulation d'un nouveau contrat social.
L'Etat lui doit non seulement sa forme, la République, mais aussi sa tunisification intégrale et son projet sociétal avant-gardiste et paritaire.
Le cadre de cette cérémonie ne se prête guère à un état des lieux exhaustif.
Pour autant, force est de constater que la généralisation d'une école publique obligatoire, paritaire et gratuite ; la mise en place d'un système audacieux de santé publique avec à son cœur la politique du planning familial ; l'octroi de droits avancés à la femme et la mise en place d'un système juridique sécularisé ont jeté les jalons d’une singularité tunisienne qui de ce fait ne peut que porter son nom.
Sur un plan international, il a su inspirer une politique diplomatique aussi perspicace que tempérée, aussi généreuse qu’équilibrée. Il a, ainsi, su placer la Tunisie loin des antagonismes des blocs et à l’avant-garde pour soutenir les causes justes notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est à juste titre, d’ailleurs, que vous honorez ce soir Bourguiba sous les auspices moraux de Prix Mandela.
Œuvre consciente, réfléchie et méthodique ; la construction de l’Etat national tunisien est incontestablement la réalisation majeure du Président Bourguiba.
Les Tunisiens se proposent aujourd’hui, par leur Révolution civique et pacifique, de continuer son œuvre en en consolidant les acquis (tel que le statut de la femme, le subtil équilibre de l’article premier de la Constitution de 1959 etc.) tout en en élargissant la portée notamment par l’établissement d’un Etat démocratique.
Le leader Bourguiba est, à n’en point douter, l’une des figures marquantes du XXème siècle. Pourtant, il se distingue parmi ce club très restreint d’être parmi les rares personnalités à incarner sa propre Nation.
Peut-être lui rendrions-nous ainsi un éternel hommage lui qui affirma voilà près d’un demi-siècle : « Toute ma vie, j’ai eu foi en la suprématie de l’esprit sur la matière ».
Si Habib Bourguiba est légitimement éligible, à titre posthume, au Prix Mandela ; Neslon Mandela est tout aussi légitimement éligible, à titre posthume, à un prix Bourguiba. »
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