Opinions - 18.03.2018

Comment nager au milieu des requins

Comment nager au milieu des requins

« Personne, réellement ne souhaite nager au milieu des requins. Il s’agit là d’un sport qui n’est pas reconnu et qui, de prime abord, ne paraît ni agréable, ni très enthousiasmant. Les recommandations qui suivent sont donc essentiellement rédigées à l’intention de ceux qui, en raison de leurs occupations, sont contraints de nager et découvrent un jour que l’eau dans laquelle ils sont plongés est infestée de requins. Bien évidemment, il est important de savoir que l’eau est infestée de requins avant de commencer à nager. Il est même salutaire de bien montrer qu’on a déjà effectué cette découverte au préalable. A l’évidence, en effet, dans le cas où les eaux ne seraient pas infestées par les requins, cette notion n’aurait que peu d’intérêt, ou peu de valeur. Au contraire, si les eaux étaient fréquentées par les requins, le nageur naïf se trouverait rapidement au- delà de tout secours. A l’extrême? il pourrait même avoir perdu instantanément tout intérêt qu’il aurait pu trouver à apprendre à nager avec les requins.
En définitive, nager avec les requins ressemble à n’importe quelle autre activité : cela ne s’apprend pas exclusivement dans les livres. Le novice est contraint à une pratique méthodique afin de développer son savoir-faire. Les règles qui vont suivre précisent simplement les principes fondamentaux qu’il convient de respecter, s’il y a lieu, afin de pouvoir survivre jusqu’à devenir soi-même un expert au travers de sa seule expérience.

1. Les règles

Considérer tout poisson non identifié comme requin. Les requins n’ont pas tous l’allure d’un requin et certains poissons qui ne sont en rien des requins se comportent parfois comme tels. A moins d’avoir constaté par soi-même est à plusieurs reprises un comportement docile devant une effusion de sang, il est préférable de considérer toute espèce inconnue appartenant à la famille des requins. Il est arrivé que des nageurs inexpérimentés soit méchamment estropiés pour avoir supposé, en l’absence de sang, qu’un poisson n’était pas un requin en raison de son comportement amène.

2. Eviter de saigner

Si le nageur est blessé par accident ou intentionnellement, il doit respecter un principe essentiel : s’efforcer de ne pas saigner. L’expérience a montré que la moindre hémorragie déclenche rapidement une attaque qui se fait encore plus agressive tout en provoquant souvent la participation de requins initialement non impliqués ou encore, ainsi que précisé précédemment, de ceux dont le comportement paraissait habituellement aimable. Evidemment, il est bien difficile de ne pas saigner lorsqu’on est blessé. A priori cela peut même sembler impossible. Cependant, un entrainement intensif permettra au nageur inexpérimenté de supporter sans saigner, voire même sans manifester le moindre trouble d’importantes lacérations. Ce réflexe d’hémostase peut être en partie conditionné, mais il repose également sur des caractères génétiques certains. Les sujets qui ne sont pas capables de contrôler leur saignement devraient éviter de nager au milieu des requins en raison de l’importance du danger auquel ils s’exposeraient. Le contrôle de saignement s’avère être pour le nageur, un élément de protection. Le requin se demandera alors si son attaque a, ou non, porté, le doute dans ce cas restant à l’avantage du nageur. D’un autre côté, le requin, certain d’avoir blessé, sera décontenancé devant l’absence de saignement ou de tout autre signe de détresse. En effet, tout ceci affecte très profondément les requins qui commencent à douter de leur propre pouvoir ou peuvent même imaginer que le nageur possède des dons surnaturels.

3. Contrer rapidement toute forme d’agression

Le requin attaque rarement un nageur sans le prévenir. Habituellement il ménage une période d’observation mais hésitante. Il est primordial que le nageur réalise que ce comportement est le prélude d’une attaque et qu’il prenne rapidement et vigoureusement les dispositions préventives. La riposte appropriée est un coup sévère le nez. Presqu’invariablement cela suffit à prévenir l’escalade qui ne manquerait pas de se développer vers une attaque en règle. En effet, il devient ainsi évident qu’il a compris les intentions du requin et qu’il est prêt à user de la force nécessaire pour repousser son agression. Certains nageurs, hélas, pensent qu’une attitude conciliante peut suffire à dissiper une attaque dans de telles circonstances. Quelle erreur….une telle réponse incite le requin à l’attaque. Ceux qui ont partagé ce point de vue erroné peuvent habituellement se reconnaître à leurs membres amputés.

4. Gagner le large si quelqu’un est entrain de saigner

Lorsqu’un nageur (ou un requin) blessé est entrain de saigner, il faut précipitamment sortir de l’eau. La présence de sang et les remous de l’eau provoqueront un comportement agressif, y compris chez les requins les plus dociles. Ces derniers, moins habitués à l’attaque, se comportent souvent, dans ce cas, de façon imprévisible au point d’agresser des nageurs, voire même des requins initialement peu impliqués. Il arrive même que certains se montrent si maladroits qu’ils finissent par se blesser eux-mêmes. Il ne sert strictement à rien de tenter de sauver un nageur blessé. Que celui-ci survive à l’attaque ou non, aucune intervention ne pourra le protéger en quoi que ce soit une fois le sang répandu. Ceux qui survivent à une pareille attaque ne s’aventurent plus jamais à nager parmi les requins. Il s’agit là d’une attitude aisément compréhensible. L’absence de contre-mesure efficace pour échapper à une attaque de requin, lorsqu’elle se développe jusqu’au bout, souligne l’importance des règles précédentes.

5. Anticiper la riposte

Un danger permanent menace, malgré tout ; un nageur d’expérience en raison de la mémoire notoirement courte des requins qui, régulièrement, oublient à qui ils ont à faire. Il est possible de pallier le risque lié à de pareils trous de mémoire en élaborant un programme de riposte anticipée. Le nageur expérimenté devrait, à temps régulier, s’engager dans un tel programme. Naturellement les cycles devraient être plus brefs que la période de mémorisation du requin. Il n’est donc pas possible de s’en tenir à des laps de temps précis. Il peut être absolument nécessaire de répéter fréquemment une telle manœuvre en face de requins dont la mémoire est très brève alors qu’une seule fois suffit largement lorsque l’animal est doté d’une excellente mémoire.

Le protocole est strictement identique à celui recommandé dans la règle N°3 (un coup sévère sur le nez). Dans le cas présent toutefois, le cou est inopiné et sert seulement à rappeler au requin que le nageur est averti et n’est pas effrayé pour autant. Durant cet exercice les nageurs devraient pour deux raisons prêter une attention particulière à surtout ne pas blesser le requin ni à faire couler le sang. En effet, en premier lieu les requins saignent souvent à profusion conduisant ainsi à la situation chaotique évoquée sous la règle N°4. De surcroît, lorsque les nageurs se comportent de cette façon, il devient souvent impossible de les distinguer des requins. Il s’avère en effet que les nageurs qui se parjurent deviennent bien pires que les requins, au point qu’aucune des règles et mesures proposées ici ne peut rien pour s’assurer le contrôle de leur comportement agressif.

6. Désorganiser une attaque réglée

Habituellement les requins sont suffisamment égocentriques pour accepter d’agir à plusieurs à l’encontre d’un nageur. Ce manque d’organisation diminue considérablement le risque de nager au milieu d’eux. Cependant, à l’occasion, les requins peuvent lancer une attaque groupée contre un des leurs. Bien que cette dernière éventualité ne concerne pas particulièrement les nageurs, il n’en reste pas moins essentiel de savoir comment se comporter face à une attaque organisée à l’encontre d’un nageur.

La diversion semble être la stratégie la mieux adaptée. Les requins peuvent détournés de leur attaque de deux façons:

  • Lorsqu’ils font partie d’un groupe, ils sont particulièrement enclins à la discorde. Un nageur chevronné peut désamorcer une attaque organisée en utilisant un subterfuge sans relation apparente mais qui poussent les requins à se battre entre eux. Habituellement, lorsque leur conflit interne est réglé, les requins ne peuvent même plus se rappeler ce qu’ils avaient commencé à faire et, bien davantage encore, sont incapables de s’organiser à nouveau pour conduire une nouvelle attaque.
  • Une autre manœuvre consiste à utiliser quelques éléments susceptibles de mettre les membres du groupe dans une rage telle qu’ils commencent à s’éparpiller dans toutes les directions. Dans leur fureur ils peuvent même s’en prendre aux objets inanimés. Que peut-on utiliser pour cela ? Malheureusement des éléments très variés peuvent induire un désaccord interne ou encore une fureur aveugle dans les divergences de requins. Il est ici important de bien connaître, en s’y mêlant, un groupe donné de requins car ce qui peut mettre en rage tel groupe passera totalement inaperçu dans tel autre. Est-il nécessaire de rappeler que lorsqu’un nageur subit une attaque groupée il n’est pas très éthique de la détourner vers un autre nageur ? Il est malgré tout très banal de voir une telle manœuvre utilisée par des nageurs mal expérimentés voire même que certains requins lorsqu’ils font l’objet d ‘une attaque concertée. »

Voltaire Cousteau
 

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