Hommage à ... - 11.03.2015
Hédi Braïek – La roue
« Le football m’a tout donné. Je lui suis reconnaissant. Si tout était à refaire et que j’avais à choisir entre des études de médecine et le football, j’opterais sans hésiter pour le sport-roi ». Ainsi s’exprimait, près de vingt ans après avoir raccroché les crampons, l’un des premiers footballeurs emblématiques de la Tunisie à l’orée de son indépendance, et qui a été ravi à la fin de 2014 à l’affection des siens.
Hédi Braïek aura été, en compagnie de Noureddine Diwa et de nombreux autres talents footballistiques, l’une des attractions et l’un des fers de lance du Stade Tunisien qui fit figure d’ogre à l’indépendance du pays. Il aura connu, sur le tard, une carrière au plus haut niveau morcelée par les circonstances de son époque et des réussites éclatantes et symboliques, à une époque qui fut elle-même chargée en symboles.
Car le jeune homme, né le 27 novembre 1926 et qui grandit à El Omrane puis au Bardo, aura vu sa carrière tronquée par des évènements dépassant de loin le cadre sportif. Doté d’une vitesse phénoménale, qui en plus de son surnom (la roue) lui permettra de mener, parallèlement au football, une carrière brillante en athlétisme et plus particulièrement dans le sprint, le footballeur en herbe sait exploiter celle-ci afin de compenser une technique correcte sans confiner au génie. Son parcours en club démarre à Ennajah Sports pour s’y aguerrir avant de rejoindre l’Espérance tandis que la guerre fait rage et que le sport organisé en est une victime collatérale.
Le championnat reprend ses droits alors qu’il rejoint les rangs des seniors, ayant choisi de privilégier le sport comme choix de carrière, mais alors que les clubs tunisiens reprennent le devant de la scène face aux équipes coloniales, l’Espérance doit se contenter d’accessits et de classements honorifiques. Afin d’assouvir ses ambitions personnelles, il profite de la nouvelle interruption des activités sportives dans le pays lors de l’insurrection de janvier 1952 pour tenter sa chance en France. Son passage à Rouen n’est pas franchement marquant, et il choisit de rentrer en Tunisie qui est en pleine émancipation à l’intersaison 1955.
Il devait logiquement réintégrer les rangs de son ancien club, mais Hédi Braïek savait qu’il allait sur ses 29 ans, et a été rendu méfiant par son expérience mitigée en France. A son arrivée à l’aéroport de l’Aouina, sollicité par ses anciens dirigeants, il demande une contrepartie financière de 2 millions d’anciens francs en se tapant les cuisses et leur annonçant « une brique chacune ». Tandis que Chedly Zouiten, à la tête de l’Espérance, refuse catégoriquement, Hamadi Ben Salem, qui a créé le Stade Tunisien, flaire la bonne affaire et s’empresse de le recruter en lui garantissant en sus un emploi stable à la santé publique.
Cette équipe du Stade a été récemment fondée, en 1948, par ce gendre du Bey régnant, et elle vient de faire irruption sur la scène footballistique nationale, brûlant les étapes en étant promue coup sur coup de troisième en première division lors des deux saisons ayant suivi la reprise des compétitions en Tunisie. Cette fulgurante ascension réclame pour se perpétuer que l’effectif se renforce, et l’ailier-sprinteur expérimenté sera le parfait complément d’attaque du ‘petit Kopa’, cette merveille d’aisance technique que fut Noureddine Diwa.
C’est une réussite sans précédent, et pour lui la consécration enfin méritée dans la catégorie senior. Les ‘baklawa’, pour leur première saison parmi l’élite, livrent quelques démonstrations de football face aux meilleurs adversaires, provoquent une émeute en battant l’Espérance face à laquelle Hédi Braïek ouvre le score dès le coup d’envoi, et voient leur ailier au tir et à la détente surpuissants scorer à onze reprises. Et surtout, ils remportent la première coupe de Tunisie sous l’égide de la Fédération tunisienne de football.
C’est dans cette compétition que le néo-Stadiste livre quelques-unes de ses meilleures prestations. Il va marquer dix buts en quatre rencontres, grâce entre autres à un sextuplé inouï face à l’Olympique du Kef en quarts de finale. Il marque l’unique but de la demi-finale, et récidive avec une prestation en boulet de canon en finale en réussissant un doublé face au Club Africain. Sa saison est une réussite à tous les points de vue : il est sélectionné pour la toute première rencontre de l’équipe nationale indépendante le 18 mars 1956.
Les saisons suivantes voient tant l’ailier que sa formation confirmer qu’ils sont à leur sommet, épinglant un titre de champion et deux autres coupes à leur palmarès. La tactique est rodée : lorsque le Stade est dominé, son ailier-sprinteur dévore les espaces en contre-attaque. Lorsque le Stade domine, la technique des Miloud et Diwa ouvre les brèches nécessaires. ‘La roue’ tourne alors à plein régime, quoique déjà trentenaire, et réalise en championnat plus de soixante buts en cinq saisons au cours desquelles il n’abandonnera qu’une seule fois l’honneur d’être le meilleur buteur de son équipe.
La carrière de Braïek en sélection laissera, elle, en revanche un sentiment d’inachevé. Car même s’il a été de cette première historique, ou des premières rencontres face à la grande équipe du FLN algérien, même s’il a remporté la médaille d’argent aux Jeux panarabes de Beyrouth et si le dernier de ses trois buts en équipe nationale assure face à Malte la qualification au dernier tour éliminatoires des Jeux Olympiques, il sera évincé de la sélection sans ménagement aucun lors du rajeunissement des effectifs à la veille des Jeux de Rome.
Un parfum politique flottera d’ailleurs sur cette mise à l’écart, le directeur général des sports de l’époque ayant une certaine rancœur envers les équipes ‘beylicales’ et ayant poussé à la mise à l’écart de plusieurs joueurs du Stade Tunisien ou de Hammam-Lif. Au moins évitera-t-il la débâcle vécue par une sélection par trop amoindrie lors de cet été 1960, et conservera un souvenir cocasse et impérissable de sa dernière sélection au Caire : il pose aux côtés de Abdelhalim Hafedh lors de la mi-temps, qui voit les sélectionnés tunisiens se déconcentrer et sortir de leur match pour cette fameuse photo-souvenir…
Jugeant qu’il est temps pour lui de tenter un dernier essai à l’étranger et d’assurer sa reconversion, Hédi Braïek va de nouveau s’expatrier. A Cannes tout d’abord, où Diwa le suivra pour une expérience qui tournera vite court, puis à Cologne pour deux ans au cours desquels il va entreprendre une formation en électricité-automobile tout en continuant à jouer en amateur, défiant l’âge grâce à une condition physique toujours irréprochable. Ce dernier épisode lui permettra de garantir sa deuxième carrière professionnelle, les multiples aléas vécus comme footballeur l’ayant incité à ne plus se fier aux brises du ballon pour assurer son confort matériel.
Palmarès
Champion de Tunisie 1956-57
Vainqueur des coupes de Tunisie 1956, 1958 et 1960
Champion de Tunisie juniors 1944-45
14 sélections en équipe nationale, 3 buts
Médaille d’argent aux Jeux panarabes de Beyrouth 1957
Vice-champion de Tunisie de sprint sur 100 m
Tags : hédi-braïek
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