Opinions - 10.02.2015
Créer une bonne diversion pour nos risques majeurs
On sait que la bonne stratégie consiste, quand une situation s'aggrave au risque d'échapper à tout contrôle, de faire diversion. En créant un ou des centres d'intérêt de substitution, cela a le mérite de détourner au moins une part d'attention du foyer principal de tension. Et cela aide à contrer efficacement les périls qui monteront sans cela, non seulement à la surface, mais aussi et surtout en profondeur.
Le risque majeur
On ne le sait que trop également : la Tunisie et son modèle sociopolitique sont dans l'oeil du cyclone terroriste; et celui-ci n'est pas qu'idéologique religieux; il est aussi et surtout dogmatique économique et politique par le biais le la contrebande et de la dictature de la doxa autoritaire, morale notamment.
Aujourd'hui, le risque majeur en Tunisie, et qu'on instrumentalise le légitime combat pour la sécurité dans le pays en faveur d'un autre combat occulte, celui d'un retour en douce à l'autoritarisme et la sacro-sainte infaillibilité des autorités verticales en place, qu'elles soient politiques, religieuses ou économiques ou pullulent les gourous.
Et il ne faut pas oublier que le gourou est un protée, une personne changeant continuellement de rôles, d’apparences, d’opinions et d’attitudes. En Tunisie, il prend des figures différentes selon la situation, changeant comme un caméléon au gré de ses intérêts et ce qu'ils commandent. Ce qui ne change pas chez lui, c'est cette volonté de fer d'imposer aux autres sa loi, même injuste.
Or, le pouvoir vertical ne fait plus illusion aujourd'hui, car l'époque est à la puissance sociétale qui est un pouvoir horizontal incarné par les relais locaux et régionaux. Et ce ne sont plus les partis classiques relevant d'un paradigme dépassé, mais les leaders d'opinion proches de leur terroir comme les associations et les militants de la société civile, et même tout citoyen simplement responsable.
Créer une bonne diversion
Pour faire face utilement à la situation actuelle dans le pays, visible comme dormante,encore invisible, mais dont on se doute du péril, il importe de contrer les agissements de ceux qui sont d'autant plus efficaces qu'ils restent dans l'ombre, et ce en leur tirant le tapis sous les pieds.
Contrairement à ce que les courtes vues ou mauvaises volontés répètent à l'envi, à savoir que ce n'est pas de mise vu les contraintes, il urge de lancer la réforme juridique de l'arsenal répressif hérité de la dictature. Il faut s'engager sans plus tarder, avec une foi démocratique de charbonnier, dans la nécessaire et urgente abolition des lois liberticides les plus choquantes, à commencer par celle ayant fait l'objet d'une promesse; or, il faut tenir ses promesses pour être crédible !
C'est une vérité à ne pas oublier, comme il ne faut pas oublier qu'une telle réforme juridique a pour but d'instaurer la sécurité dans le pays et ramener la confiance dans les têtes. En effet, une telle réforme urgentissime aura immanquablement pour conséquence d'influer bénéfiquement, car profondément, sur les mentalités, les modifiant dans le sens du vivre-ensemble et de la tolérance, seule façon d'amener sérieusement et durablement une évolution des choses vers le meilleur en Tunisie.
Un remède-choc
Outre les lois liberticides, que je qualifie de scélérates, à abolir, il importe de recourir aussi à un prolongement d'une telle médication qui serait un remèdechoc de nature à faire voler en éclats les miasmes de cette maladie infectieuse que sont les rigidités de notre rapport à l'altérité.
Un tel remède de cheval rentre d'ailleurs dans le cadre de cette double vérité incontournable que la Tunisie ne saurait faire face seule au terrorisme ni qu'elle ne saurait se soustraire à sa destinée méditerranéenne et donc de faire partie de l'Occident, au moins en tant qu'horizon mental.
Aussi nos autorités ont-elles intérêt à annoncer officiellement et sans plus tarder leur demande d'adhésion à l'Union européenne, que réalité structurelle dont elle dépend sans en tirer actuellement un réel profit. Il s'agit d'une nécessité stratégique qui commande, en plus, en action tactique immédiate, la demande concomitante du libre mouvement pour les ressortissants tunisiens avec la transformation rapide du visa biométrique actuel en visa de circulation respectueux des réquisits sécuritaires tout autant que du droit de l'Homme à circuler librement.
Assurément, avec une telle double annonce sera fait un saut qualitatif aussi bien dans l'action politique que diplomatique dont les retombées ne pourront qu'être dans l'intérêt bien compris de la Tunisie et du bassin méditerranéen et au-delà. C'est que cela amènera fatalement alors d'autres initiatives, aussi nécessaires qu'impératives, comme une paix des braves dans la guerre de Palestine, noeud gordien de la sécurité dans le monde.
Dans l'immédiat, l'effet d'annonce aidant, cela désamorcera la crise de confiance actuelle dans le pays tout en agissant sur le long terme et en mettant devant ses responsabilités une Europe dont il est temps de contester sinon rejeter la politique néfaste aussi bien en matière migratoire qu'économique et financière.
Farhat Othman
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