Opinions - 30.01.2013

Etats seconds !

Qu’est-ce qui met notre république dans cet état ? Un Etat dans l’Etat ? vivons-nous une schizophrénie, verbeuse, délirantesous l’empire d’une gouvernance bicéphale, avec un  chef spirituel « Deus ex machina »  qui susurre à l’oreille d’un président sans attributions ?

La Tunisie vit depuis plus d’un an  un coup d’état permanant, non pas cette manifestation immunitaire signe de bonne santé de l’esprit démocratique qui lutte contre le harcèlement incessant de malveillantes intrusions de forces  réactionnaires, non, il s’agit de coups de butoirs organisés, planifiés, dans un calendrier précis,  qui  visent moins  à phagocyter les velléités démocratiques  que de saper les bases de cette république : l’Etat- Nation Tunisien, grand acquis qui résiste tant bien que mal au projet Califal nahdhaoui. L’Etat-Nation tunisien est le résultat d’une laborieuse et, erratique  construction qui donne aux tunisiens un sentiment d’appartenance à une communauté d’intérêts, à un destin commun, par-delà leur religiosité, pratiques  ou,croyances.

Bourguiba qui en a été le concepteur,artisan zélé, dit : «  J’ai construit quelque chose de solide elle me survivra : l’Etat tunisien, Al Ûmma Ettounisia  ». Cet édifice résistera-t-il aux attentats successifs, discrets sans bombes ni fumées ? R. Ghannouchi a l’Etat en ligne de mire, le « Non-Etat » en objectif,  résolut  de taper dans « le tas ». Pourquoi ? Parce que la destruction de l’Etat tunisien  est  une condition nécessaire qui rapproche l’horizon du VIème Califat qu’il appelle  de ses vœux pieux. Le projet Califal religieux ne peut renaitre de ces cendres que sur les décombres de la conscience politique nationale dont L’Etat  moderne «  Eddawla » est dépositaire.

Nous assistons au détricotage du tissu étatique qui, réussit par capillarité à tramer  patiemment pendant plus de 50 ans, le pacte social obtenu de haute lutte contre les vents rétrogrades du conservatisme. La stratégie de R. Ghannouchi  avance à pas  feutrés, elle tire le fil du tricot étatique, un coup à l’envers, un coup à l’endroit, sans bruit jusqu’à ce que nudité s’en suive. L’Etat s’effiloche, l’Emir sera nu. Qu’importe,  le pouvoir absolu une fois établi, ne s’encombre pas de décence, il est par définition obscène, il se donne les moyens coercitifs  de montrer  ses attributs, d’exhiber ses attributions exorbitantes, il y aura qui applaudiront, quand d’autres baisseront les yeux, comme pendant les 23 ans de la dictature de l’autre. Le projet Nahdhaoui va au-delà de la désétatisation au sens de la privatisation économique, il s’agit bien d’annexer politiquement la sphère privée en instaurant les normes de ses comportements et, de laisser le marché libre de gérer la pénurie publique, du lait, du pain, de l’eau, de l’électricité. Vos mœurs, c’est moi qui les juge, votre subsistance Dieu y pourvoira dira le prince. Le gouvernement n’en est pas responsable ; aux âmes charitables de venir au secours de leur prochain !
Les nominations partisanes, les passe-droit, la cupidité de certains responsables, les déclarations scandaleuses des seconds couteaux, les prédications incendiaires, les fatwas à la petite semaine,  ne devraient pas occulter à nos yeux  la mise en œuvre insidieuse d’un plan plus dangereux  qui consiste à saper les fondements de l’Etat, une « somalisation » à quelque chose près : le maintien d’un appareil sécuritaire et,judicaires unifié à la botte du Prince-Consort. Une fois l’Etat enterré, point de république, exit la démocratie, la voie est ouverte au Califat théocratique, on connait le  prétendant au trône qui se trouve être le maitre à penser de cette stratégie liberticide.

Nommer les siens aux postes clés, essaimer ses alliés à la tête des entreprisespubliques, offices nationaux, délégations,gouvernorats, administration c’est somme toute une prérogative du gouvernement même dans les grandesdémocraties. Opter pour la fidélité semble avoir été leprérequispréféré à la compétence, soit !Pourtant, se limiter à faire des procès en incompétenceà ce gouvernement c’est tomber dans le piège de la diversion. Le danger est ailleurs.Il est mortel. Si l’Etat tunisien tombe,  se lèvera en lieu et place, immédiatement une dictature plus féroce que la ploutocratie mafieuse et autoritaire de de Ben Ali, un régime dépourvu de socle idéologique. La Belgique a vécu un an et demi  sans gouvernement, les élections législatives de 2010 n’ayant pas obtenu  de majorité claire, l’économie ne s’en est pas ressentie 2% de taux de croissance, les services publics ont fonctionné normalement, la sécurité fut assurée. A qui les belges  divisés entre flamands et wallons, diront-ils  merci ?  A la solidité de l’Etat. Un remaniement ministériel a du mal à se dessiner, alors qu’une deuxième Troïka s’est coalisée dans l’opposition. Ennahdha se crispera davantage, elle n’abandonnera pas les ministères de souveraineté alors que le danger électoral se précise.

L’ETAT, La REPUBLIQUE, La DEMOCRATIE, dans cet ordre, constituent  la  trinité œcuménique de la modernité.  Le cauchemar qui hante mes nuits, c’est d’entendre scander :
L’Etat est mort vive le Calife !

Mohedine Bejaoui

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