La Tunisie nous appelle
Une Tunisie en danger. Le plus grand des dangers, celui de perdre son identité.
C’est parce que le danger est grand que nous avons l’espoir, la foi, qu’elle réagira. Bourguiba nous l’enseigne dans son testament politique qu’il a significativement intitulé « Les sources du nationalisme » (nous avons publié ce texte dans ces colonnes en août dernier). Dans ce document en effet un Bourguiba, analyste et non plus tribun, tient à se démarquer de ses hagiographes, qui lui attribuent la paternité du nationalisme tunisien, affirme l’universalité de ce phénomène sans en faire de ronflantes apologies.
L’histoire abonde en exemples de rebondissements de peuples qui, même si, dans un premier temps, ont cru se reconnaître dans un sauveur ou dans un mouvement salvateur, ne tardent pas à se réveiller de cette illusion quand ils comprennent que leur identité est en jeu. Ainsi en est-il allé pour la France, qui a répondu « Nous voilà » à un prestigieux maréchal « le sauveur de la France » mais s’en est détournée pour se souvenir de l’appel qui avait été à peine perçu au moment où il avait été lancé, un certain 18 juin 1940, par un modeste général de brigade.
Ainsi en est-il allé de la Tunisie, qui a rejeté les séductions du wahhabisme, signe que cette conception de l’islam n’était pas compatible avec son identité.
Plus tard, nos grands pères, destouriens -archéodestouriens-, de 1922, face à une autre entreprise de dépersonnalisation, y résistèrent aux accents de :
Tounousioun wa hasbi
Annani tounoussiyyou.
Significative, n’est-ce pas ?, cette fierté dans la modestie.
Nida Tounes et ses alliés renouent avec cette tradition de résistance à la dépersonnalisation.
Aujourd’hui en effet, suite à une révolte, légitime, rendue inévitable par les excès du régime antérieur, nous avons assisté, assistons encore, grâce à l’utilisation de tous les moyens, écrits ou oraux, dont dispose l’homme moderne, à une floraison de propos et de propositions qui avaient tous les droits et même le devoir de s’exprimer mais non pas, au moins parce qu’il est -à tous- interdit d’interdire, celui d’étouffer l’appel à la sauvegarde de l’identité nationale.
Aux uns donc, maintenant, de discipliner leurs élans, aux autres de leur en tenir compte.
A ce prix, mais tout ce prix, nous préserverons l’essentiel: notre identité et notre liberté.
Azzedine Guellouz