En congrès, cette semaine, le CPR peut-il redevenir le deuxième parti du pays ?
L’exploit sera-t-il facile à rééditer ? Le parti qui a porté son fondateur à la présidence de la République, cinq de ses dirigeants au gouvernement et 29 de ses membres à l’Assemblée nationale constituante, s’imposant avec 13% des suffrages en deuxième force politique derrière Ennahdha, saura-t-il faire au moins autant lors du prochain scrutin ? C’est ce qui préoccupe le plus le Congrès pour la République (CPR) qui s’apprête à tenir son deuxième congrès national, du 24 au 26 août 2012, sur fond de dissensions entre les membres du bureau politique. Les défis, comme l’explique à Leaders, son secrétaire général Mohamed Abbou, sont multiples : réussir la reconstitution du parti, adopter des motions qui tracent la voie à suivre et élire les nouvelles instances… pour rempiler.
A un peu plus de six mois ou presque de la date proclamée des prochaines élections, est-ce jouable ? Surtout après les nouvelles premières fractures constatées ici et là comme le gel des activités de Tahar Hémila et Ayoub Massoudi ou lors vote à l’Assemblée nationale constituante contre la nomination de Chedly Ayari à la tête de la Banque centrale, en rupture avec l’accord de la Troïka. Fragilisé par la scission de Raouf Ayadi et ses coéquipiers, puis des déclarations de Hmila et Massoudi, le CPR tiendra-t-il le coup ? Mohamed Abbou saura-t-il en refaire le deuxième parti ? Et comment se dessine sa future trajectoire.
Au 6e étage d’un immeuble rénové près de la Gare de Tunis, le siège du CPR ressemble plus à un club de jeunes, fréquenté par des aînés. Le cadre est modeste et le mobilier spartiate, à part les bureaux du secrétaire général, Mohamed Abbou, et du directeur exécutif, Mokhtar Chamekh (également conseiller économique à la Présidence). Quelques rares permanents et des militants de passage. Ce jour-là, c’est la réunion du bureau politique, à partir de 15h.
Les secrétaires d’Etat et ministres libèrent leurs chauffeurs et arrivent au volant de leurs voitures officielles. Dès qu’ils pénètrent dans le siège, ils laissent tomber la veste et redeviennent, ou du moins essayent de l’être, militants du parti. Le contraste est total entre le luxueux confort de leurs cabinets ministériels et les modestes salles de ce grand appartement. Loin de la rigueur des conseils des ministres, la réunion du bureau politique commence. A l’ordre du jour, outre le passage en revue de l’actualité, c’est la préparation du congrès. Huis clos.
Les préparatifs avancent. Selon le règlement intérieur du CPR, seront directement élus par le congrès, le secrétaire général, le bureau politique et le conseil national. Celui-ci est formé de 40 membres auxquels se joindront de droit, notamment, les membres du gouvernement et de l’ANC ainsi qu’un représentant par région. Le processus de renouvellement des structures de base, locales (77 sections), régionales (24 sections) et à l’étranger (4 sections) a commencé depuis le 15 juin.
Il devait se terminer vers le 20 août au niveau des régions. Chaque région (et section à l’étranger) devait élire 7 congressistes, ce qui donnera un total de près de 200 congressistes.
«En nombre, ce sera un congrès de taille modeste, souligne Abbou, mais sa véritable dimension sera exprimée à travers les motions qui y seront votées et les dirigeants qui seront élus aux instances. La nouvelle vision stratégique du parti est effectivement en cours d’élaboration par des groupes de travail. Les projets de motion seront ensuite diffusés en interne, notamment par intranet, pour débat et enrichissements avant de les soumettre au congrès».
«Nous saurons mobiliser financements, adhérents et bons candidats »
Combien d’adhérents compte actuellement le CPR ? «Difficile de répondre avec précision, reconnaît Abbou. La base de données n’est pas encore actualisée, surtout après les départs enregistrés et l’arrivée de nouveaux adhérents». En mai dernier, selon Mokhtar Chamekh, ils étaient un peu plus de 7 000. Quant au budget, il est encore très réduit, provenant essentiellement de la retenue de 15% sur l’indemnité des ministres et des élus de l’ANC, des cotisations (10D et 5D pour les étudiants) et des dons qui se font cependant rares. Le compte bancaire était débité, en mai, d’un peu plus de 11.000 D, mais semble se renflouer actuellement.
Abbou ne semble pas être, pour autant, préoccupé par le financement, même s’il peut s’agir au cours d’une même année de trois scrutins à la fois, législatif, présidentiel et municipal. Ni encore par le nombre de candidats de qualité à présenter pour la nouvelle assemblée et les municipalités. « Nous saurons mobiliser les financements nécessaires, affirme-t-il, et puiser dans le vaste vivier de nos adhérents les compétences rayonnantes requises pour gagner à bonne marge les prochaines élections ».
Dans l’état actuel des choses, qui tire le plus la force de l’autre ? Est-ce le CPR qui constitue la force de son fondateur maintenant installé à Carthage, ou c’est plutôt le président Marzouki qui soutient le CPR et lui garantit le poids qu’il exerce actuellement ?
«Quelles que soient les analyses, répond Mohamed Abbou, Moncef Marzouki est le leader incontesté du CPR» (NDLR : il ne l'est plus depuis les dernières déclarations de Hémila qui est allé jusqu'à mettre en doute la santé mentale du président). Renonçant actuellement à ses fonctions au sein du parti, il a tenu à marquer une certaine indépendance, même s’il demeure informé des grandes lignes du parti. De notre côté, nous l’assurons de notre total soutien à ses visions, tant que nous en sommes convaincus. Evidemment, nous savons bien dans quel contexte de concorde il évolue et nous tenons tous à consolider ce consensus au sein de la coalition formée ».
Marzouki sera-t-il le candidat du CPR à la présidentielle si elle se déroule au suffrage public ? «S’il se présente, tout le CPR sera sans aucun doute derrière lui », affirme Abbou.
Constituer le deuxième parti de Tunisie ?
Pour en revenir au prochain congrès, Mohamed Abbou compte-t-il se présenter au secrétariat du parti? «Vous savez, dit-il, lorsque j’ai accepté lors du conseil national de Tataouine, en mai dernier, d’assumer le secrétariat général à titre provisoire en attendant le congrès, le double objectif que je me suis fixé était d’accélérer la reconstruction du CPR et la préparation du congrès dans de bonnes conditions. Je ne cherche pas à occuper à tout prix le devant de la scène. Le plus important pour moi est, dans ce paysage politique où Ennahdha occupe une place prépondérante, alors que d’autres partis se posent en alternative, de construire un grand parti qui s’ancre bien au centre dédié à l’accomplissement des objectifs de la révolution ».
Des vœux pieux car la réalité risque d’être difficile. Ce qui marque le plus le CPR, c’est que les agendas personnels des uns et des autres semblent s’entrecroiser. Mohamed Abbou n’affiche publiquement aucune grande détermination à vouloir se maintenir à la tête du parti. Les autres candidats potentiels ne se déclarent pas ou pas encore du moins. Parmi eux figurent notamment Imad Daïmi, directeur du cabinet présidentiel et qui avait déclaré, en mai dernier à Tataouine (alors candidat au secrétariat général et arrivé ex aequo avec Abbou) être prêt s’il le fallait à quitter la présidence pour se consacrer au parti. En claquant la porte, Ayoub Massoudi, l’ex-communicant de Marzouki à Carthage et l’un des jeunes pivots du CPR, n’a pas été tendre à l’égard de son parti qu’il a décidé de quitter. Il ne le reconnaît plus et émet des doutes sur sa capacité de reconstruction et de relance. Un avis contesté par les dirigeants du CPR qui promettent un grand sursaut.