News - 07.08.2012
Financement de la campagne électorale : la transparence est-elle respectée ?
Les 1662 listes qui s’étaient portées candidates aux élections du 23 octobre 2011 et bénéficié de l’indemnité publique, engloutissant pas moins de 8 336 000 D ont-elles toutes respecté les règles de transparence imparties ? Le rapport de la Cour des Comptes, remis aux trois présidents, de la République, du gouvernement et de l’Assemblée nationale constituante et présenté par son premier président, Abdelkader Zgolli à la presse avant d’être mis en ligne sur son site, vient nous livrer des indicateurs et des enseignements instructifs.
Même si le montant global peut paraître, relativement, modeste au regard des dépenses nécessaires pour pareilles campagnes, du nombre des bénéficiaires et du contexte particulier, sa bonne gestion est importante, surtout pour jeter les fondements de nouvelles pratiques pour les années à venir. Le travail accompli par les magistrats de la Cour des Comptes qui constitue une première en soit dans les annales de la République, mérite hommage, tant pour la qualité de ses investigations et analyses que pour la pertinence de ses recommandations.
Les indicateurs révèlent que les sur les 1662 listes, seules 641, soit presque le tiers ont observé les délais et règles de présentation de leurs livres comptables à Cour des Comptes. Plus encore, parmi les 911 listes qui ne l’ont pas fait figurent 5 partis et 14 listes indépendantes qui ont obtenu 48 sièges à l’Assemblée nationale constituante (soit près du quart). Il s’agit notamment du CPR, du mouvement Echaab, du MDS et des partis El Oumma et de la Justice et de l’Equité, ainsi que des listes Al Aridha (pour certaines circonscriptions) et 13 autres listes. Le cas du CPR est particulièrement significatif. Comment peut-on accepter d’abord que ces formations d’une manière générale utilisent des fonds publics sans en respecter les règles édictées et comment surtout celles dont les élus siègent au sein de la Constituante ne s’y conforment pas ?
A titre de rappel, les 1662 listes candidates émanent de 77 partis (880 listes), 2 coalitions (40 listes) et 793 listes sont indépendantes. Selon les dispositions en vigueurs, l’indemnité est calculée au prorata du nombre d’électeurs de chaque circonscription. Elle est servie en deux tranches, la première, une semaine avant le début de la campagne et le reliquat, 10 jours avant sa fin. Un minimum de 3% des voix à remporter est nécessaire pour garder cette deuxième tranche sous réserve de la restituer. Aussi, les 911 listes qui n’ont pas présenté leurs comptes ont bénéficié d’une deuxième tranche de 2997 000 D, mais ne l’ont pas reversée, n’ayant pas obtenu les 3% des voix exigées pour les mériter.
Insuffisances et manquements
L’analyse des comptes effectuée par les magistrats de la Cour des Comptes, fins limiers en la matière, a révélé nombre d’insuffisances quant à la bonne gestion. Manque de documents, justificatifs erronés, dépenses non imputables et autres ont été constatés. On relève parfois, selon le rapport, que certains partis ont même financé d’autres listes indépendantes, notamment pour payer des factures d’impression et autres. Quant au plafond des dépenses autorisées, fixée à 3 fois le montant de l’indemnité publique reçue, il n’a pas été respecté par tous.
A voir de près l’utilisation des dépenses à partir d’un échantillon des comptes déclarés par 600 listes, pour cerner la structure budgétaire, on apprend que les frais d’impression viennent en première position avec une consommation moyenne de 48% des budgets, suivis par les frais de transport ( 17,3%) et frais divers. Ceux consacrés à la location de salles de réunions représentent 6,3%. Quant aux frais de réception ils n’ont été que de 3, 6% suivis par ceux des gadgets offerts (3,0%). Dans le cas d’Ettakatol, par exemple, a dépensé 55 176 D en gadgets et autres, soit 11% de son budget consommé. Pour ce qui est des dépenses présentées sans documents justificatifs appropriés, les cas sont nombreux. Ennahdha n’a pu justifier de façon probante la somme de 69 396 D soit 14% des montants consommés.
Le rapport de la Cour des Comptes passe également en revue les autres sources de financement, notamment les apports personnels des listes et de leurs mécènes, prêtant une attention particulière aux éventuels financements provenant de l’étranger. Grâce à une étroite collaboration avec la Banque Centrale, il établit qu’aucun financement étranger n’a été relevé. Seuls quelques dirigeants de listes ont rapatrié à partir de leurs propres ressources personnelles détenues à l’étranger de menus subsides.
Des recommandations utiles
Tout au long des 160 pages du rapport et de ses annexes, on apprend beaucoup sur le financement des campagnes électorales du 23 octobre, découvre des lacunes de gestions, mais aussi des insuffisances des règles édictées. C’est pourquoi, tirant enseignement de cette première expérience, la Cour des Comptes a formulé un certain nombre de recommandations bien utiles pour les prochaines échéances.
Elles portent notamment sur la définition des concepts de base tels que la nature exacte de la dépense acceptable, le cadre de l’autofinancement, le financement étranger, l’ouverture de comptes courants bancaires par liste et circonscription et non par compte unique pour les partis et coalitions, le montant de l’indemnité à réviser non pas selon la taille du corps électoral par circonscription mais aussi en tant compte de la densité (dispersion des électeurs selon l’étendue géographique) et du principe même de l’avance à remplacer par le remboursement sur justificatifs.
La Cour recommande également la mise en place d’un plan comptable spécifique, la récupération des reliquats disponibles sur les comptes courants, la révision des sanctions et pénalités en fonction des infractions et manquements et les modalités de restitution de l’indemnité.