News - 20.06.2012

Quand Ennahda découvre les délices de la contradiction dialectique

Bien qu’il soit traversé par plusieurs courants, le mouvement Ennahdha est un parti monolithique où le droit de tendance n’existe pas, où il n’y a pas de place pour les états d’âme. La présence d’un leader charismatique y est pour beaucoup. C’est lui qui cadre le débat, donne le la à la critique ; c’est lui qui impose ses vues, comme ce fut le cas lorsque le mouvement avait renoncé à faire mention de  la charia dans la constitution. S’il y avait un sujet qui faisait l’unanimité au sein du mouvement, c’était bien celui-là. Et puis, au dernier moment, c’est le coup de théâtre. A 24 heures du vote de l'ANC, Rached Ghannouchi annonce que son mouvement renonce à cette exigence. Il s’aperçoit que « La charia est déjà inscrite en filigrane dans l’article premier de la constitution. Donc, plus besoin d’y faire mention ».  Une découverte bien tardive. Les militants, d’abord surpris par ce virage à 180 degrés, acquiescent sans se faire prier.  Le culte du chef n’est pas un vain mot. Convoqué, le bureau exécutif approuve à une écrasante majorité. Seuls quelques membres du bureau, certainement en service commandé, votent contre. Il faut bien sauver les apparences.

Pourtant, depuis quelque temps, on assiste à un phénomène étrange. Ennahdha commence à ressembler au CPR et à Ettakattol, les deux partis frères où les militants ne cessent de s’entredéchirer. On n'en est pas là pour le moment, mais il y a un début à tout. Entendons-nous bien : il faut faire un distinguo entre le double langage,une spécialité de la maison dont les les dirigeants usent et abusent pour lancer des ballons d'essai ou brouiller les cartes et la cacophonie "spontanée"à laquelle on assiste, parce que les divergences qui ne débordaient jamais, jusque-là,  les bureaux de Montplaisir éclatent au grand jour. Ce fut d’abord, l’annonce par un éminent membre du bureau exécutif, du dépôt d’un projet de loi interdisant aux anciens destouriens et rcdistes d’exercer une activité politique. Il est aussitôt rabroué par le secrétaire général du mouvement, Sahbi Attig : « ce genre de mesure est du ressort de la justice transitionnelle. Il n’est pas question pour nous de procéder à des punitions collectives ». Idem pour l’initiative de l’UGTT qui intervient 24 heplus tard. Aussitôt annoncée, elle est rejetée par Néjib Gharbi, membre du bureau exécutif, chargé de l’information : « C’est une proposition qui arrive un peu tard, dans le temps additionnel ».Il est  taclé aussitôt par Houssine Abassi « c’est souvent dans les temps additionnels qu’on arrive à forcer la décision ». Le lendemain, le chef du gouvernement annonce lui-même l’adhésion du mouvement à cette initiative. On pourrait multiplier les exemples.  Cette fois-ci, ils ne pourront pas se défausser sur les journalistes qui auraient mal compris leurs propos. 

 A-t-on donc décidé  de troquer l’unanimisme qui a fait sa force par rapport aux autres partis et l'a mis à l'abri des convulsions qui les secouent pour s’adonner aux délices de la contradiction dialectique à la veille du congrès que d’aucuns annoncent chaud ? La vérité est peut-être plus triviale. Le président d’Ennahdha se trouve à l’étranger. Gageons qu'à son retour, son premier geste sera de siffler la fin de la récréation. Car la discipline, c'est aussi l'une des constantes du mouvement.

Hedi