Hommage à ... - 26.05.2012

Ahmed Elleuch : Chroniqueur sportif et romancier

Pionnier du journalisme sportif à Radio Sfax dès sa fondation en 1962, enseignant, romancier et auteur de pièces de théâtre, Ahmed Elleuch, qui vient de s’éteindre à l’âge de 85 ans, laisse un souvenir indélébile. Premier à couvrir en direct, dimanche, les matchs de football à partir du Stade municipal, il usera du timbre de sa voix et des allégories qu’il sait trouver pour illustrer aux auditeurs les différentes phases du jeu, n’hésitant pas à attribuer aux joueurs, selon leurs prestations, les qualificatifs qui feront fureur. Dès le lendemain, en studio, il fait et refait les matches avec ses redoutables commentaires, sa gouaille et son emportement, délivrant à chacun son lot de félicitations ou de blâmes.

Son émission qui se voulait la plus équitable possible ne manquait pas cependant de trahir son penchant difficilement caché en faveur du CSS. Il suffit qu’un arbitre pénalise injustement une équipe locale pour que la voix d’Ahmed Elleuch s’élève en toute indignation pour le dénoncer, au risque de faire déplacer des foules mécontentes au centre-ville pour de longues manifestations souvent difficiles à contenir. Dans cette posture de conscience en veille et de dénonciateur irréductible de toute injustice, il sera adulé par les auditeurs. Même après l’avènement de la télévision, il gardera toute son audience et toute son aura. Rien pourtant ne le prédestinait à cette réussite radiophonique. Très jeune, il avait suivi son père épicier établi à Sbeitla pour l’aider, mais profitait du moindre moment de répit pour s’adonner à la lecture des livres qui lui tombaient sous la main.

Avisés de son penchant littéraire, des amis à son père l’encourageront à poursuivre ses études et il parviendra à décrocher son diplôme zitounien du Tahcil. A Tunis, il fréquentera les cercles littéraires et les troupes théâtrales, tâtera du football et s’inscrira au Club Africain, avant de fonder l’Avenir Sportif Zitounien (1946), puis de rejoindre l’Union Sportive Sfaxienne, comme joueur et comme dirigeant. Engagé comme instituteur en 1952, il essayera d’introduire des innovations pédagogiques en ajoutant aux programmes scolaires une bonne dose de culture, théâtre et sport. Ses anciens élèves à l’école primaire de l’avenue d’Algérie, dirigée par feu Mohamed Bali, gardent de lui à ce jour le souvenir d’un véritable maître, très cultivé, affectueux et attentionné.

Enseignant, chroniqueur sportif, Ahmed Elleuch a été également un auteur talentueux. On lui doit en effet une bonne demi-douzaine de romans publiés, notamment Baalabeck, qui es-tu? (1971), Une étoile verte (1977), Le fugitif du mariage (1979) et autres. Mais aussi, une longue série de pièces théâtrales radiophoniques et d’articles de fond traitant de questions sociales, publiés dans différents journaux et revues.

Entre le stade, l’école et Radio-Sfax, il avait rythmé ses journées, pendant de longues années. Sa halte matinale au Café de Tunis lui permettait de retrouver la petite équipe des correspondants de presse : Ali Baklouti, Abdelmajid Hajri, Rachid Ayadi et autres Mohamed Trigui.

Emettant alors en ondes courtes et moyennes lui permettant de couvrir non seulement le Sud tunisien, mais aussi une grande partie de la Libye, voire la côte égyptienne, ainsi que le Sud de l’Italie et de la France, Radio-Sfax était alors très écoutée. Les trois équipes sportives de la ville, à savoir le Club Sportif Sfaxien (CSS), le Sfax Railways Sport (SRS) et le Stade Sportif Sfaxien (3S) avaient leurs fans un peu partout. Les Touhami, Chabchoub, El Gaied, Najjar, Graja, Sassi, Dalhoum, Hajri, Frindo, Chakroun, Romdhane, Jerbi, Akid, Dhouib et autres Agrebi étaient au zénith. Le seul moyen alors de suivre leurs matchs était la radio. Ahmed Elleuch s’y mettra de tout son art. Même s’il voulait être le plus équitable possible, son émission ne manque pas cependant de trahir son penchant difficilement caché en faveur du CSS.

Ce qui le distinguait de tous ses confrères, y compris ceux de Tunis, c’est son élan littéraire. Son sens de l’esthétique dans la prose et son goût pour le roman ajoutaient à ses reportages et commentaires une note littéraire de bonne facture. Avec lui disparaît toute une génération de journalistes sportifs radiophoniques, mais aussi un genre qui lui était resté propre, inégalé. Sa voix résonnera encore longtemps dans les oreilles de tous ceux qui s’y étaient attachés.

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