News - 06.04.2012

Pourquoi la Tunisie a perdu pied à la Ligue arabe

Le Caire – De notre envoyé spécial - Ils ne sont plus qu’une dizaine de hauts fonctionnaires tunisiens en poste au sein de la Ligue des Etats arabes. Trois seulement au siège, au Caire, un en tant que représentant à Madrid, et les autres au siège du Centre de Tunis. Quant au poste de secrétaire général adjoint, jadis cumulé avec celui de directeur du Centre de Tunis, nous venons de le perdre et il sera difficile de le reprendre. Sous-représentée et loin d’avoir épuisé son quota, la Tunisie se retrouve pénalisée à plus d’un titre. Enquête au Caire.

«Mais, où sont les Tunisiens ? », lance sérieusement un vieux routier de la diplomatie arabe, encore en poste au siège de la Ligue arabe au Caire. «Je ne parle pas de la période passée à Tunis, ajoute-t-il, où il y avait au moins une quarantaine de grandes compétences, souvent soigneusement sélectionnées par le secrétaire général de l’époque, Chedli Klibi, qu’on peut difficilement soupçonner de manquer de rigueur. Mais, depuis notre retour dans la capitale égyptienne, je n’en vois presque plus. D’ailleurs, la présence politique tunisienne au sein de l’organisation et lors de ses instances s’était progressivement émoussée durant ces dernières années. Cela va de pair !»

Pourquoi ce désamour ? La Tunisie n’a-t-elle pas digéré le départ de la Ligue? Ou est-ce une déception quant à l’efficacité de l’action arabe commune? A moins que ce ne soit l’absence d’une vision à long terme, soutenue par un plan d’action et des ambassadeurs attentifs et influents nommés au Caire, jusqu’à une date récente ? « C'est tout cela à la fois», répond un spécialiste. Mais, il y avait aussi un péché originel, commis par inadvertance, ajoute-t-il. En acceptant de cumuler, lors du départ de la Ligue, le poste de secrétaire général adjoint et du Centre de Tunis, créé en lot de consolation, avec résidence à Tunis, la Tunisie commençait à s’éloigner du centre de décision. Faute d’une présence quotidienne à haut niveau, il était bien difficile, malgré tous les efforts fournis, de garder pied à l’étrier. Et comme la nature a horreur du vide…»

Les recrutements au sein de la Ligue obéissent à une série de conditions, notamment celles du quota accordé, équitablement à chacun des Etats membres, soit 2% de l’effectif total. Sur un total de 420 fonctionnaires arabes occupant actuellement une position de cadres, on trouve 42 directeurs, dont 20 Egyptiens et un seul Tunisien, Khaled Louhichi, 31 ans de carrière, directeur pour les études (démographie, émigration, etc.) et aussi la jeunesse et le sport. La Tunisie ne compte aussi que deux chefs de division, Mme Nébila Mzali (affaires africaines) et Abdallah Touati (secours humanitaires). Quant aux fonctions d’ambassadeurs, chef de Bureau de la Ligue arabe à l’étranger, postes jadis occupés et avec quel brio par les Hamadi Essid, Mahmoud Triki, Moncef El May et autres grands noms de la diplomatie tunisienne, il n’en reste plus que celles assumées actuellement par Hassine Bouzid dans la capitale espagnole. Dernière position, perdue récemment, celle de secrétaire général adjoint. En ne renouvelant pas la candidature arrivée à terme de Chedli Neffati, présentant et retirant deux fois d’autres candidats, et dépassant la date limite fixée, c’est l’Egyptien Wajih Hanafi, directeur de cabinet de l’actuel secrétaire général, qui a raflé le poste. Depuis sa création, la Ligue n’a toujours eu que sept adjoints à son secrétaire général. La Tunisie y a perdu son siège, comment pourra-t-elle le reprendre ? Voilà donc un nouveau casse-tête pour l’ambassadeur-représentant de la Tunisie qui doit trouver la solution.

Il n’y a pas que la Ligue arabe

Mais, en fait, cela doit s’inscrire dans toute une nouvelle stratégie de la présence beaucoup plus active de la Tunisie dans les organisations internationales, à commencer par celles du système des Nations unies. Une diplomatie agissante passe en effet par l’affectation de grosses pointures à des postes importants, non nécessairement les plus élevés, au sein de ces organisations, comme des institutions financières mondiales et des grands organismes. Certes, les postes s’y arrachent âprement, certains pour y placer leurs protégés et leur offrir une sinécure, d’autres pour en faire des postes avancés en y envoyant les meilleurs. Pour la plupart des Tunisiens qui ont pu accéder à ces postes, ils ne doivent leur recrutement et leur promotion qu’à leur compétence. L’ancien régime avait certainement ses favoris et était constamment à la recherche de rentes dorées, mais pour les autres, c’est à la force du poignet. D’ailleurs, souvent, ils avaient désespéré de pouvoir compter sur le soutien officiel du gouvernement, ce qui leur faisait rater des occasions et réduire leurs chances. Tout cela mérite aujourd’hui une approche nouvelle, stratégique et efficace. Auditer le quota tunisien dans chaque organisation concernée, analyser les prévisions de départ à la retraite et de vacance de postes, d’une manière générale, et se positionner fortement sur les fonctions les plus utiles au pays : la démarche est impérieuse. Plus, il faut constituer auprès du chef du gouvernement une structure chargée des fonctionnaires tunisiens dans les instances internationales, en vue de leur assurer le suivi nécessaire à l’évolution de leur carrière et leur apporter le soutien nécessaire. Sans oublier de leur rendre hommage et de les célébrer. Aujourd’hui, nous avons perdu pied à la Ligue arabe et nous risquons de connaître également le même sort ailleurs. Remontons la pente rapidement et redonnons à la Tunisie cette autre facette légitime de son rayonnement international.

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