Success Story - 27.03.2012

Ces Tunisiens d'Addis-Abeba

En tout et pour tout, ils ne sont qu’une petite trentaine, mais la communauté tunisienne à Addis-Abeba est bien visible et très respectée. Certainement pour les fonctions élevées occupées au sein de l’Union africaine (l’ex-OUA) et la Commission économique pour l’Afrique (CEA – ONU), mais aussi et surtout les qualités humaines et les valeurs incarnées. Ils sont économistes, financiers, juristes, communicateurs, statisticiens et dans d’autres expertises, dévoués à la cause de l’Afrique et toujours attachés à leur chère patrie. Le retour en force de la Tunisie dans l’enceinte africaine, à la faveur de la révolution et fortement exprimée lors du XVIIIème Sommet de l’UA à Addis, vient galvaniser leurs énergies et redoubler leur fierté.

« Vivre en Ethiopie, c’est vivre dans un pays considéré comme le berceau de l’humanité, lieu de la découverte de Lucy, nous rappelle l’un de nos compatriotes. On y retrouve les plus anciens hominidés, et depuis 2003, celui où ont été découverts les plus anciens spécimens d’homo sapiens. C’est aussi la deuxième plus ancienne nation chrétienne au monde, multiethnique et multiconfessionnelle. Une occasion aussi pour découvrir la diversité de la faune et la flore, et du climat. Vivre à Addis-Abeba (la Rose neuve) à 2 400 m d’altitude, c’est habiter dans la quatrième capitale la plus élevée au monde».

La vie quotidienne à Addis-Abeba n’est pas sans difficultés : rupture de l’approvisionnement en eau, coupures fréquentes d’électricité, prix élevés des produits alimentaires… Un litre d’huile d’olive est à 15 dollars américains (l’huile de tournesol à 5 $), et un kg de pâtes alimentaires se vend à pas moins de 3.5 $. Mais, c’est un pays attachant qui vous tient à coeur. Portraits express.

Habiba Mejri Cheikh

Directrice de l’information et de la communication à l’Union africaine, cette journaliste riche d’une longue  expérience au quotidien Le Temps, puis à l’Agence TAP, apporte une contribution majeure à l’organisation panafricaine. Sous sa férule, les relations presse et toute la stratégie de communication reposent désormais sur des structures solides et des équipes compétentes, dignes d’une grande institution.

Les dispositifs sont bien rodés : dossiers de presse fournis, communiqués de presse précis et des conférences de presse instructives. Déjà dans l’ancien siège de l’Union, la salle de presse ouverte aux journalistes est particulièrement bien équipée en ordinateurs, téléviseurs et documentation. Avec l’inauguration du nouveau palais des congrès de l’Organisation continentale, c’est tout un centre média qui a été aménagé, permettant aux journalistes, s’ils le souhaitent, de suivre à partir de leur desk le déroulement des séances plénières.

Pour avoir été elle-même journaliste et couvert de grandes conférences internationales de par le monde, Habiba connaît bien les besoins de ses confrères et s’échine à leur faciliter le travail. Mais, aussi, elle garde toujours en tête les objectifs de communication de son organisation et se déploie à les réaliser. Lorsqu’elle était arrivée il y a six ans à Addis-Abeba, elle ne pensait pas que son périple africain s’inscrirait dans la durée. Mais, la voilà passionnée par sa mission, travaillant d’arrache-pied, parcourant le continent, donnant de l’UA dans le monde la meilleure image possible. Une image équilibrée, loin de la propagande mais aussi des stéréotypes. Certes, la capitale éthiopienne l’éloigne de sa chère fille, Myriam-Chiraz, étudiante à Sciences Po à Paris, mais heureusement qu’elle trouve à ses côtés son époux, Si Salem Cheikh. Docteur en Droit, énarque, longtemps directeur général à l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT, Paris), il savoure une semi-retraite de consultant international spécialisé en gestion des ressources humaines, organisation et formation.
Le récent retour de la Tunisie dans la grande famille africaine donne un nouvel éclat à son séjour abyssinien.

Noureddine Mezni

Après Djeddah, New York et Khartoum, le voilà depuis juin 2010 à Addis et toujours là où il excelle le plus, en tant que porte-parole officiel. Cette fois-ci, il relaye les messages du président de la Commission de l’UA, Jean Ping. Initialement limitée à six mois, dans le cadre d’un partenariat avec l’ONU, sa mission a dû être prolongée. Il faut dire que Noureddine Mezni sait se rendre indispensable.

Journaliste vedette de la télévision tunisienne dans les années 70, il rejoint en mars 1980 l’Organisation de la conférence islamique (OCI) à Djeddah, dès sa fondation, sous la conduite de feu Habib Chatty et y passera 20 ans, à des positions élevées. C’est ainsi qu’il a été représentant adjoint de l’OCI auprès de l’ONU à New York, directeur adjoint de l’information, Directeur des relations publiques, de la communication et du protocole, conseiller et porte-parole, et directeur des affaires administratives et financières. Il rentrera ensuite à Tunis où il occupera le poste de secrétaire général du Conseil supérieur de la communication. Depuis 2004, il sert au Darfour en tant que porte-parole de la mission conjointe ONU-UA.

Installé au troisième étage, tout près du bureau du président de l’UA, Noureddine exerce son art, multipliant appels téléphoniques et e-mails autour du monde. Décrochera-t-il bientôt ? Il reste toujours en mission. A moins que…

Mohamed Naimi

De sa Djérissa natale, à Addis-Abeba, en passant par Bahreïn, puis les camps du Polisario à Tindouf, cet économiste boucle en beauté sa dixième année au sein de l’Union africaine. Chef de la Division de la planification, du suivi et de l’évaluation, il se trouve à la tête d’une équipe très appréciée, produisant des études de qualité. Après une maîtrise à Tunis et un doctorat à Toulouse, il a fait ses premiers pas en tant que chargé d’études à l’Institut d’économie quantitative (transformé en Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives, 1985-1992), véritable moule d’expert. Il ira par la suite passer trois années en tant que chercheur économiste au Centre bahreïni d’études et de recherche, Manama. Puis, après une courte pause à l’IEQ en qualité de directeur de recherches (1995-1997), le revoilà boucler ses valises pour rejoindre le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR, 1998-2001). La Tunisie étant un pays neutre dans le conflit entre le Polisario et le Maroc, on ne pouvait choisir mieux que lui pour l’envoyer à Tindouf (en Algérie) chargé d’une mission purement humanitaire consistant à coordonner le rapatriement des réfugiés des camps de Tindouf vers le territoire sahraoui.

Malheureusement, l’aspect politique du conflit a prévalu, mettant face à face le Maroc et l’Algérie, chacun avec son propre petit agenda. Aujourd’hui, il ne peut que se réjouir de la position de la Tunisie, mettant l’accent sur la recherche d’une solution urgente à un simulacre de conflit, qui entrave la construction de l’unité maghrébine et perpétue des conditions inhumaines dans les camps de Tindouf.

Lorsque le Dr Moncef Marzouki était monté à la tribune pour le dire devant les chefs d’Etat, Mohamed Naïmi en a été fort heureux. Et il n’était pas le seul. Il y avait également son épouse, Sondess, elle aussi fonctionnaire à l’UA (réviseur arabe–français-anglais).

Très active au sein de la Direction des conférences, elle cultive, grâce à son affabilité, d’excellentes relations avec ses collègues. Elle aussi a une fille étudiante en France (Mariam, qui fait des études de biologie moléculaire à Toulouse) mais aussi un garçon, Saifeddine, qui prépare son bac au Lycée franco-éthiopien à Addis-Abeba. L’heure du retour sonnera bientôt pour eux. Cette expérience leur restera indélébile.

Leïla Ben Ali

C’est bien son nom, mais ce n’est pas de celle qu’on présume qu’il s’agit. Cette Leïla Ben Ali est chef de Division genre et développement à la direction de la Femme, au sein de l’Union africaine, établie depuis cinq ans dans la capitale éthiopienne. Première femme tunisienne ingénieure en statistiques (diplômée du Maroc), elle s’était spécialisée dans les études démographiques et sociales (en tant que sous-directeur au ministère de la Femme) avant d’embrasser une carrière d’enseignante universitaire à la faculté des Lettres de Sfax. Pourquoi a-t-elle renoncé au ministère et préféré l’université ? Certes par engouement pour la recherche et l’enseignement, mais aussi ayant compris qu’avec le nom qu’elle porte, elle ne pouvait aspirer à aucune promotion. Toutes les fois qu’elle envoyait à son ministre une note signée Leïla Ben Ali, elle lui était retournée avec son nom barré. On avait besoin de sa compétence, mais on devait occulter son nom, comme s’il n’y avait qu’une seule femme digne de le porter. Dès lors, elle avait compris et multiplié les candidatures auprès d’organismes internationaux. La réponse favorable de l’UA était tentante, et Leïla n’y a pas résisté.
Partageant son temps entre la capitale éthiopienne et diverses missions à l’étranger, elle est souvent dans les capitales africaines et européennes, avec de fréquents passages à Washington, New York et Genève. De sa famille originaire des îles Kerkennah et établie depuis très longtemps à Sfax (son père était instituteur dans la première école primaire ouverte dès le début du siècle dernier aux filles, rue des Notaires, au coeur de la Médina), Leïla a hérité le goût de la découverte et la passion de servir et partager.

A 2.400m d’altitude et sous le ciel gris d’Addis, l’air frais marin et le bleu azur de Kerkennah (encore plus le poisson) lui manquent beaucoup. Sa grande consolation est de trouver l’occasion, entre deux missions, pour les savourer ne serait-ce que pour quelques instants furtifs. La première fois qu’elle était rentrée en Tunisie après la révolution, elle était un peu curieuse de savoir comment, avec son nom, elle serait accueillie par la police des frontières. Avec un large sourire et beaucoup de chaleur.

Mohamed Ali Elkout

Il occupe un poste clef en tant que Senior Finance Officer à la Direction de la programmation budgétaire, de la comptabilité et des finances.

Mohamed Ali Elkout, originaire de Zarzis, est une figure appréciée à l’UA. Rigoureux, certes, mais courtois et serviable. Après un troisième cycle en gestion comptable, fiscale, financière et nouvelles technologies, il commence sa carrière dans une compagnie d’assurances avant de postuler à l’UA.

Dès septembre 2005, il y est affecté en tant que gestionnaire d’un projet de 55 millions d’Euros, puis évoluera dans ses fonctions jusqu’à devenir conseiller principal des finances, supervisant la gestion de pas moins de 280 millions d’Euros.

Après une longue journée de travail, il replonge le soir en rentrant à la maison, dans le bonheur familial que lui procurent sa douce moitié et leurs deux jumeaux d’à peine deux ans.

Jalel Chelba

Chef de la Division de la société civile, Jalel Chelba est tombé amoureux de la capitale éthiopienne.
Longtemps diplomate, il avait été nommé à l’ambassade de Tunisie à Addis-Abeba et souhaité, au terme de sa mission, rejoindre l’UA. Il faut dire qu’un poste aussi élevé et un champ d’activité désormais aussi important que celui de la société civile, appelée à jouer un rôle crucial sur le continent, sont irrésistibles. Quitte à s’éloigner de sa douce Jerba natale.

Mourad Ben Dhiab et Wafa

Lui est juriste principal au Bureau du conseiller juridique de l’Union africaine (depuis juin 2009) et vient d’être promu au poste de secrétaire de la Commission de l’Union africaine sur le droit international (CUADI). Elle est médecin conseil de l’ambassade de France à Addis-Abeba, après avoir exercé à l’Hôpital psychiatrique Errazi et ensuite à l’Hôpital Farhat Hached, Sousse (2002 – 2009).

La CUADI est un organe de l’Union africaine comme la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples de Banjul (Gambie) et la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples à Arusha (Tanzanie). Parmi ses principales fonctions, le développement du droit international, notamment africain. Mourad a commencé sa carrière au ministère des Affaires étrangères (1992) et avait été affecté en poste successivement à l’ambassade de Tunisie à Bamako (1996), puis à Addis-Abeba (1999-2002). De retour au département à Tunis, il est nommé chef de division, respectivement, à la direction générale des organisations et conférences internationales et à l’Unité des droits de l’Homme, mais préféra en 2006 s’installer en tant qu’avocat à Sousse… Jusqu’à ce que l’appel de l’Afrique vienne le mener de nouveau dans la capitale éthiopienne.

Mourad Ben Dhiab et son épouse Wafa font partie du Tout-Addis diplomatique. Wafa était particulièrement enthousiasmée par la récente visite du Dr Moncef Marzouki pour la simple raison qu’il était son professeur à la faculté de Médecine de Sousse. «Il nous enseignait la médecine communautaire et tenait à le faire en langue arabe, se souvient-elle. D’un seul trait, mais avec pédagogie, il nous débitait son cours. D’ailleurs, à l’écouter prononcer son discours au sommet de l’UA, je retrouve en lui le même ton, la même fluidité… et le même élan militant ».