La Tunisie sera représentée par son président, Moncef Marzouki au Sommet arabe qui se tiendra le jeudi 29 mars 2012 à Bagdad, apprend Leaders de différentes sources diplomatiques concordantes. Un sommet qui revêt pour notre pays une double signification de par le rôle joué dans l’action arabe commune notamment au sujet de la Syrie, comme de par les relations bilatérales avec l’Irak. Au cœur de ces relations figure, outre le volet économique bien important, le dossier des détenus tunisiens en Irak. L’exécution, le 16 novembre dernier, malgré les assurances reçues, du jeune Yousri Trigui, condamné à mort, avait jeté dans l’opinion publique tunisienne une profonde affliction. Les promesses de grâce en sa faveur, multipliées par différentes parties avaient laissé entendre un geste de clémence pour Trigui et un acte de considération pour la révolution tunisienne. La déception fut immense.
Aujourd’hui, d’autres tunisiens croupissent dans les prisons irakiennes. Leur nombre se situerait, d’après l’ambassadeur d’Irak à Tunis, Saad Jassem Al Hayyani, entre 22 et 25 répartis en 2 catégories, selon les verdicts prononcés à leur encontre : actes terroristes et crimes. Une troisième catégorie concerne des Tunisiens arrêtés par les forces américaines puis transférées, après leur départ, aux autorités irakiennes. Ils font tous partie d’un contingent important de prisonniers étrangers, notamment arabes que leurs pays s’emploient activement à en obtenir la libération ou, du moins, le transfert dans leur pays d’origine pour y accomplir leurs peines. Sans rien promettre, le diplomate irakien rappelle la séparation des pouvoirs dans son pays ce qui laisse une étroite marge de manœuvre à l’exécutif, souligne la profondeur des blessures produites dans l’opinion publique suite aux actes de terrorisme et aux crimes commis et se contente de dire que le droit de visite aux détenus par les autorités consulaires est possible à obtenir.
A l’approche du Sommet arabe, la course à la grâce des détenus arabes s’accélère et toutes les capitales s’y mettent activement. Pour la Tunisie, la question avait-elle été posée lors de l’audience accordée le 2 mars dernier par le président Marzouki au ministre de l’Enseignement supérieur, Ali El Adib, l’envoyé spécial de son homologue irakien, Jalel Talabani, porteur de l’invitation officielle au Sommet ? Sans doute, même si aucune confirmation officielle n’a pu être obtenue à ce sujet. Sans doute aussi lorsque le président Marzouki avait reçu, le samedi 25 février dernier, juste après son entretien avec Hillary Clinton, un ami de longue date, Qais Al Azzawi, délégué permanent de l’Irak auprès de la Ligue Arabe au Caire. Al Azzawi relayera-t-il la requête tunisienne auprès d’autres parties agissantes en Irak ? Tout porte à le croire. Mais, échaudés par le sort réservé à Yousri Trigui, les Tunisiens ne jugent que sur les actes.
Un précédent sous Bourguiba
Il est impératif aujourd’hui que la Tunisie multiplie les démarches dans ce sens auprès des autorités irakiennes afin d’obtenir la grâce en faveur de tous les Tunisiens détenus en Irak. Bourguiba l’avait demandé et obtenu, début des années 80. Le cas du jeune étudiant, Maalej, injustement accusé d’intelligence, et sauvagement torturé, fait figure d’exemple dans les annales. Défendu par Me Ahmed Chtourou, alors Député qui n’avait pas hésité à plaider son cas en pleine séance plénière, à l’Assemblée nationale, ce qui avait attiré l’attention de Bourguiba, notre compatriote a pu sauver sa peau, non sans garder des séquelles de torture, et regagner Tunis accompagné par l’Ambassadeur de Tunisie à Bagdad, Habib Nouira. La détermination tunisienne s’était alors avérée payante et ne peut l’être aujourd’hui que davantage, au lendemain de la révolution.
Usant de son droit de grâce, le président irakien Jalel Talabani est en mesure d’accéder à la demande du président de la République et de la Tunisie tout entière. D’une seule voix, les Tunisiens disent au président Marzouki : « N’allez pas au Sommet de Bagdad, sans la garantie de ramener avec vous nos détenus en Irak ».