News - 01.03.2012

Président Ben Jaafar, laissez tous les élus s'exprimer!

Les vifs échanges entre Maya Jribi et le Dr Mustapha Ben Jaafar, ce jeudi, matin, à l’ouverture du débat avec le gouvernement, à l’Assemblée nationale constituante, ne peuvent que surprendre les Tunisiens. D’un côté, le président de l’ANC s’attachait à chronométrer le temps de parole des élus, en le limitant par groupe selon le nombre de siège, et de l’autre, une volonté de l’opposition déterminée à « interagir avec le gouvernement, dialoguer et construire, surtout dans une situation aussi exceptionnelle que vit actuellement le pays ». Une nouvelle occasion manquée d'engager un vrai débat.

Convoquée à 10 heures du matin, la séance plénière n’a pu commencer que près de deux heures après, en raison d’une défaillance technique du système audio. Tous s’attendaient à la présence du chef du gouvernement Hamadi Jebali dont l’absence a été fortement regrettée même si pas moins de cinq ministres et deux secrétaires d’Etat étaient présents (Ali Larayedh, Mohamed Ben Salem, Rafik Abdessalem, Khalil Zaouia et Abderrzak Kilani, ainsi que Abdallah Triki et Said Mechichi). Un sixième ministre, le Dr Abdellatif Mekki a préféré occuper son siège d’élu.

Invoquant un point d’ordre, Maya Jribi a d’emblée pris la parole pour demander la révision de la décision prise la veille par le bureau de l’Assemblée de limiter le temps de parole, estimant qu’une minute par élu est insuffisante. Coupée nerveusement par le président Ben Jaafar qui récusait la question d’une minute, elle a essayé de poursuivre son intervention, d’abord sur un ton très positif quant à « l’interaction constructive avec le gouvernement », puis avec indignation. « C’est une pression que vous exercez sur l’opposition et son droit à l’expression, une pratique que nous refusons, nous avons besoin de plus de temps pour débattre et nous vous faisons assumer la pleine responsabilité de votre conduite. Tant que c’est ainsi, nous ne pouvons pas continuer à siéger lors de cette séance et nous nous retirons ».

Effectivement, Maya se lève, suivie par les membres du groupe démocratique et d'autres élus (65 au total), dans un grand brouhaha. Les représentants d’autres groupes, notamment Al Aridha, essayent de trouver un compromis auprès du président de l’ANC qui demeure insensible à leurs appels. « C’est de la désinformation », tonne t-il. Le règlement intérieur n’est pas un torchon. Le bureau de l’assemblée a convenu de consacrer deux séances à ce débat général, fixant une heure d’introduction au gouvernement et une deuxième heure pour ses réponses, et trois heures et demie à quatre heures aux représentants des groupes et les non-inscrits. Aujourd’hui, ceux qui se plaignent de la dictature de la majorité veulent nous imposer la dictature de la minorité.  A chaque groupe, nous avons accordé un minimum de 15 minutes qu’il peut gérer à sa convenance. Mais, je vois que certains s’intéressent plus au tapage qu’au contenu. Quitter la salle est contraire à la volonté populaire car le peuple a élu ses représentants pour faire entendre sa voix et non pour se soustraire au débat ». De l’huile sur le feu, inutilement. Maya et ses coéquipiers encore plus nombreux sont déjà rassemblés dans le grand hall, cueillis par les médias.

La première vice-présidente de l’Assemblée, Mehrezia Laabidi quitte le podium pour aller dans le hall. Au micro d’une station radio, elle se laisse aller, contrairement à son ton habituellement mesuré, à qualifier la sortie des contestataires de «pièce de théâtre, un show», mais finira par regretter ce dérapage linguistique.

Les demandes de points d’ordre se multiplient. Un élu, sortant le petit livret du règlement intérieur tend la perche au président en lui rappelant que l’article 85 lui octroie le plein droit de prolonger le temps de parole s’il le juge utile. Il ne sera que courtoisement entendu, mais pas écouté.Endossant le statut de « sage parmi les sages », Khemaies Ksila, dissident d’Ettakatol, appelle à la raison, invitant le Dr Ben Jaafar, « dans l’intérêt national », de suspendre la séance pour permettre de renouer le dialogue et faire revenir les sortants. Il était 12H45. Il n'était pas trop tard pour bien faire, surtout à l’approche de l’heure du déjeuner et de la prière. Intraitable, le président de l’ANC persiste dans sa décision. « S’ils avaient une volonté de dialogue, ils se seraient pas comportés de la sorte. J’aurais d’ailleurs souhaité que cet effort déployé par Khemaies Ksila soit consacré à convaincre les élus de rester. Maintenant, le quorum est réalisé, la majorité des élus est présente et nous ne pouvons nous prêter à un jeu à des fins de médisance et d’auto-médiatisation. »

Quel dommage ! Qu’aurait coûté un temps de parole plus large accordé aux élus de la nation, en ces temps de tension et d’incertitude. Sur les bancs du gouvernement, on sentait la gêne. Sans l’exprimer, les ministres auraient bien aimé débattre avec tous les élus. Ils se contenteront de leur propre majorité. Ce sera un simulacre de débat, univoque et sans relief.
 

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17 Commentaires
Les Commentaires
ZEPHYR - 01-03-2012 18:30

Je regrette d'avoir voter Ettakatol. Mr Ben Jaafar vous avez trompé vos electeurs.

Tunisien - 01-03-2012 19:41

Pour tout vous dire, moi aussi je regrette d'avoir voté pour lui

taieb - 01-03-2012 22:26

Trop de tactiques;peu de sérieux!

Fimou - 01-03-2012 23:17

Dr Ben Jaafar, votre comportement, le moins que l'on puisse dire, nous met mal à l'aise. Une grande partie des tunisiens aurait aimé assister à un vrai débat entre le gouvernement et les membres de la constituante. Les tunisiens se posent beaucoup de questions, sont anxieux quant à leur avenir, tiennent à avoir des réponses à des actions du gouvernement, perçes comme étant ambigues et cacophoniques. Et ce ne sont que les membres de l'opposition qui poseront les vrais questions car vous et vos alliés, n'êtes là que pour bénir tout ce qui vient du gouvernement. A la fin de votre mandat, qu'on espère le plus court possible, on aurait retenu de vous votre immobilisme, sinon le reniement des principes que vous défendiez, hélas.

MEDDEB - 01-03-2012 23:24

Quand je regarde les discussions à l'assemmlées nationale constituante Tunisienne je me lamente sur le principe de ne pas rester en france en l'an 1978 ou on pouvait rester en france sans visa. J'aime mon pays mais c'est dommage de voir cette assemblée et ce peuple se déchirer pour profiter de la revolution des jeunes chomeurs et du pauvre peuple.

Faouzi Mili - 02-03-2012 00:18

Cette personne n'a vraiment rien à faire dans cette assemblée. Sauf à nous prouver que toute révolution a du bon et du mauvais.

BRAHIM - 02-03-2012 07:07

Quelle mouche a piqué le président de l'ANC Mustapha Ben Jaâfar pour se comporter ainsi et imposer son bon vouloir de prince? Une minute de temps de parole soit soixante secondes ne suffirait même pas de réciter la Fatiha avant d'exposer son point de vue! M. Ben Jaâfar semble oublier les règles élémentaires qui s'imposent dans une assemblée législative et de la démocratie pure et simple. M. Ben Jaâfar, descendez de votre piédestal! Un peu d'humilité et point d'arrogance provocatrice inutile. Personne ne gagnerait à ce jeu là politicien et stérile. Notre pays a besoin d'avancer, de résoudre ses nombreux problèmes avec efficacité concrète. Et à bon entendeur salut.

ABH - 02-03-2012 08:47

"Qu’aurait coûté un temps de parole plus large accordé aux élus de la nation" une simple opération de calcul montrera que ça coutera de chevaucher sur le droit des autres, si nos élus ne donnent pas le bon modèle du respect de l'autre et des lois, ils ne sont pas digne de représenter le peuple, les prochaines éléctions le confiremeront

belfahem - 02-03-2012 08:55

Mr ben Jaafer a appliqué ce qui est écrit dans le réglement intérieur et il est bien organisé dans son travail et la façon de cnduire les séances et les débats reste que ceux qui sont retirés ils ont bien fait d'une part ,tls ont tort d'un autre part .l'alibi du temps accordé n'est pas convainquant parce qu'ils ne vont pas parler tous(65 membres)qui prendra un temps de 1h05min s'ils s'organisent pour 5interventions le temps accordé sera de 13minutes et cela sera suffisant?!!!.mais la vériré qu'on est habitué alors façon de mener les débats et qu'ils veulent être à pied d'agalité avec la majorité chose incompréhensible et inadmissible pour les tuinisiens qui ont voté qu'ils respectent la volonté des électeurs et le règlement intérieur.

Mhamed Hassine Fantar - 02-03-2012 09:11

Les élus pour l'élaboration de la Constitution ont les mêmes resposabiltés devant la Nation qu'ils représentent. Aucun groupe n'est supérieur à un autre. Rappelons-nous le proverbe arabe du un et des mille.Les partis doivent s'estomper sous la coupole.Ils ont tous les mêmes droits au débat abstraction faite du partage rituel du temps.La démocratie n'est un ensemble de rites mais un ensemble de valeurs qui doivent primer et guider les comportements et les attitudes au profit de la Nation.Pour être digne de la confiance de la Nation,il faut la servir sans la soumettre au joug du nombre pour des fins politiciennes.Il est préférable de se laver proprement les mains une seule fois plutôt que trois fois sans se soucier de leur propreté. La finalité doit prévaloir.C'est pourquoi la sagesse s'est rangée du côté de la contestation positive.

Daoud Mohamed - 02-03-2012 09:29

IL faut du temps pour comprendre la démocratie. Imposer les lois de la minorité à la majorité c'est la démocratie à la "Maya jeribi et Issam Chebbi". Messieurs les soient disons dans l'opposition, vous représentez moins de 10% des électeurs, comment voulez vous avoir le m^me temps de parole que ceux qui ont plus de 40%. Je ne suis pas politisé mais je risque de le devenir avec vos dérapages. Si vous avez trop de choses à dire ou des reproches à faire au gouvernement allez directement aux concernés et essayez de leur rectifier les tirs en les conseillant, en débattant avec eux dans leurs bureaux (ils vous tendront les bras c'est sûr - ce n'est pas Ali Lariedh qui va refuser une audience pour écouter Maya jeribi par exemple- ). Changez d'attitude SVP et laissez si Ben Jaafar gérer les débats conformément au règlement intérieur que vous avez approuvé vous mêmes. A bon entendeur Salut.

Tunisien Libre - 02-03-2012 10:08

C'est une honte; jour après jour Ben Jaafar se discrédite et s'enfonce dans ses contradictions; Mirabeau à dit, il y a plus de deux siècles " je suis ici par la volonté du peuple, je n'en sortirai que par la force des baïonnettes"; c'était un élu de la révolution Française, rien à voir avec la révolution Tunisienne. Un élu doit avoir le droit, je dirai plus, le devoir de s'exprimer librement, aussi longtemps qu'il le souhaite, et que l'on ne nous fasse grâce de ces sempiternelles,stupides et fausses raisons invoquées, que sont le manque de temps, la nécessité de ne pas éterniser les débats etc ...; nous avons vu que M. Ben Jaafar est toujours pressé lorsqu'il s'agit du temps accordé à l'opposition, mais que par ailleurs, on prends tout son temps quand on décide de mettre en vacances l'assemblée ou de permettre à la majorité et aux membres du gouvernement de s'exprimer sans restrictions.

Mustapha STAMBOULI - 02-03-2012 10:36

Faudrait-il remplacer les trois présidents pour sauver le pays ? Quelles leçons tirer de cette séance d’hier à l’ANC ? Deux me paraissent essentielles: à quoi sert un président de l’ANC s’il n’est pas capable d’éviter un conflit avec l’opposition ? A quoi sert un Chef de gouvernement s’il ne répond pas aux questions des représentants du peuple ? Mais la mascarade de ce jeudi noir m'incite à interpeller les Constituants et le gouvernement. Pourquoi les paie-t-on? C’est le désordre le plus total qui s’installe à la Constituante donnant lieu à un spectacle de mauvais aloi pour l’image et la crédibilité même de l’institution qui prétend nous rédiger une Constitution. Mustapha Ben Jaffar, président de l’ANC soucieux beaucoup plus du formalisme et de la l’application stricto sensu du règlement intérieur que du désordre total qui caractérise la situation politique, économique et sociale du pays. Il aurait pu donner la parabole à l’opposition trois fois à raison de 20 mn au lieu d’une minute pour 65 députés. Soyons pratiques et pragmatiques ! Il faut croire que MBJ est préoccupé beaucoup plus par l’effritement / éclatement de son parti Ettakatol et surtout de la disparition de la section d’El Menzah dont il a la charge. C’est minable, ce n’est pas ainsi qu’on construit des traditions démocratiques... Je pense que le pays est mal dirigé : un président qui s’acharne contre la Syrie et son président Bachar Al Assad sans raison. Un Chef de gouvernement qui n’a aucune prise sur le pays. Il est incapable de mener la moindre action pour le stabiliser. C’est grave et inadmissible. Le tunisien est en droit de demander qu'est-ce qui se passe? Le peuple doute de la capacité de la classe politique pour redresser la situation politique, économique, sociale et sécuritaire. La situation est catastrophique ! Les partis politiques devront s’organiser en dehors de la Constituante et se concerter pour évaluer la situation générale dans le pays et faire des propositions concrètes de sortie de crise. Faudrait-il remplacer les trois présidents pour sauver le pays qui est réellement en panne aujourd’hui. Je crois que c’est inévitable … Mustapha STAMBOULI

Moezz - 02-03-2012 12:13

Le comportement de Mr Ben Jaafer est le prototype même de ce qu'on qualifie par "deux poids, deux mesures" Il y a lieu de rappeler que le jour oû le groupe Ennahdha a quitté l'hémicycle en signe de protestation, Mr Ben Jaafer a suspendu la séance; par contre, le jour oû l'opposition quitte la séance, Ben Jaafer continue impassiblement! Le comportement de Mr Ben Faafer est scandaleux, il est indigne du poste qu'il occupe!

Houcine Ghali, Genève - 02-03-2012 12:56

Mostpha Ben Jaafar a perdu les pédales depuis qu' il s' est fourré dans ce mariage piège avec les islamistes et constitué cette troika perfide. Lâché par un grand nombre des siens de son propre parti, tenu en tenailles par les représentants d' Ennahdha à l' Assemblée constitutionnelle, il s' est trouvé face à une responsabilité qui le dépasse et qui ne lui procure aucun avenir politique, contrairement à ses deux autres compères, à savoir Moncef Marzouki et le Premier ministre Hamadi Jebali qui préparent déjà leds élections futures tandis que lui endosse les querelles entre députés. Conscient de cette situation qui lui sera fatale, Ben Jaafar se venge sur les éléments de l'opposition qui étaient ses partenaires avant la révolution de janvier 2011. Il suffit de bien observer son visage et son emportement lors de ses interventions pour comprendre son désarrois. Houcine.ghali@bluewin.ch

lassoued bechir - 02-03-2012 14:36

Nos anciens disaient à juste titre:" écoute les paroles qui te font pleurer, n'écoute pas celles qui te font rire". A quoi sert une assemblée nationale ss opposition? Comment construire du solide ds ce cas? Mais cette histoire est vraiment ridicule! S'il s'avère que 15 mn par groupe politique ne suffisent pas, faut il avoir"inventé la poudre" pour penser à les prolonger du temps qu'il faut, pour écouter, prioritairement l'opposition. Il faut aider si Mustapha Ben Jaafar, en lui proposant, peut être, cette augmentation du temps de parole,surtout " si le jeu en vaut bien la chandelle"!Je suis sur qu'il ne l'aurait pas refusée, car celà fait bien partie, statutairement, de ses prérogatives. D'un autre côté, l'opposition ne doit pas dramatiser, et faire de chaque petit malentendu, un incident " diplomatique". Pour pouvoir construire, tous les tunisiens de tout bord sont impliqués, et personne ne peut ni ne doit dire que " c'est la responsabilité de la Troïka, de faire ceci ou celà"!

Ben Hassine - 03-03-2012 19:35

Mr.Ben Jaafar devrait suivre à la télé( chaine française LCP) les débats du Parlement français télévisées, il apprendra beaucoup en regardant comment Mr.Debré organise les débats des députés français.

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