Procès de Nessma TV : liberté à défendre et ordre public à préserver
Ce que les politiques ont évité de trancher, dès son déclenchement, est transféré à la justice pour s’y prononcer. L’affaire de Nessma TV, suite à la diffusion, le 7 octobre dernier, du film iranien Persepolis et des différents incidents qui s’en étaient suivis, dont l’attaque du domicile de Nébil Karoui pose un problème de libertés et d’ordre public. Liberté, jusqu’où peut aller, pour une chaîne TV, le droit de diffuser une œuvre cinématographique autorisée en salles, et pour un groupe salafiste, de s’exprimer. Ordre public et inviolabilité de domicile, pour ce qui est des manifestations qui ont failli s’attaquer au siège de Nessma et ce qui est du saccage de la résidence de Karoui.
La reprise, ce lundi, devant la sixième chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis du procès intenté contre Nessma TV met ces questions de principe en premier ordre. Dans sa large majorité, la société civile, comme les médias et nombre de partis politiques, monte au créneau pour défendre le droit de la chaîne Tv de diffuser ce film et, d’une manière plus générale, affirmer l’attachement à la liberté d’expression.
Au nom de la LTDH, l’ancien bâtonnier Abdessettar Ben Moussa estime que « c’est là un procès contre la libre pensée et la libre expression… qui n’a plus de raison d’être après la révolution. » Fathi Jerbi, au nom du CPR, se demande « qui détient aujourd’hui le droit d’évaluer le contenu des films et émissions TV pour décider de leur conformité à la loi et de leur sacralité ? » Notre confrère Zyed Krichen Le Maghreb), s’étonne dans son éditorial que des avocats censés défendre le plus les libertés s’érigent en censeurs.
Quant à Nébil Karoui, qui rappelle avoir présenté ses excuses à ceux qui s’estiment être heurtés par certaines séquences du film, que son procès est « celui de millions de Tunisiens qui adhèrent à la ligne de la pensée tolérante et moderniste et aspirent à la liberté et à la paix sociale et civile »
A noter que sur décision de justice, le procès sera interdit de filmage par les chaînes TV, Nessma l’ayant fait lors de la première séance. Par ailleurs, selon notre confrère Attounissia, Me Béji Caïd Essebsi se joindra au collectif de défense de Nébil Karoui. Aucune confirmation n'a pu être obtenue dans ce sens.