Opinions - 09.01.2012

Comment assurer une plus grande autonomie à la BCT ?

La décision qui vient d’être prise de nommer le gouverneur de la BCT(Banque Centrale de Tunisie) après concertation entre le président de la République et le chef du gouvernement et accord de la majorité des présents parmi les membres de la Constituante,consacre-t-elle l’indépendance de la BCT ?
Historiquement, les pays qui ont opté pour une  banque centrale indépendante ont en général évité l’inflation. En s’engageant à maitriser l’inflation, une banque centrale donne plus de garanties aux agents économiques  et particulièrement aux investisseurs pour s’engager à terme.

L’indépendance recouvre un aspect organisationnel et un aspect fonctionnel ou  encore économique.

L’indépendance organisationnelle
porte notamment sur la procédure de nomination des membres du conseil de la banque, la nomination du gouverneur, la durée de leurs mandats, l'objectif qu'ils doivent poursuivre, la présence ou pas parmi les membres du conseil de la banque d'un représentant du gouvernement, le mode de recrutement et de révocation des dirigeants, la procédure de résolution des éventuels conflits avec le gouvernement et l'obligation de rendre compte à un autre organe (législatif ou exécutif).

En se référant aux statuts de la BCT, on relève que le mode de révocation du Gouverneur, la  procédure de résolution des éventuels conflits avec le gouvernement etla présence ou non d’un représentant de l’Etat au sein du Conseil, ne sont pas encore prévus.

Dans l’Union européenne, la révocation des fonctions  du Gouverneur ne peut intervenir qu’en cas d’incapacité ou de faute grave et c’est à la Cour de justice de l’UE(UnionEuropéenne)  qu’il incombe de régler tout litige entre le Gouverneur et le Gouvernement.

L’indépendance fonctionnelle des banques centrales s’exerce en matière de politique monétaire et se décline en indépendance d’objectifs et/ou en indépendance d’instruments de politique monétaire.

La mise en œuvre de sa politique monétaire par la Banque centrale nécessite la fixation d’un ou de plusieurs objectifs finaux (la stabilité desprix, le plein-emploi ou la modération des taux d’intérêt à long terme) et /ou la détermination des objectifs intermédiaires (contrôle des agrégats  monétaires, ciblage de l’inflation, choix d’un taux de change, etc.)

Pour ce qui est de l’Union Européenne, ni la BCE(Banque Centrale Européenne), ni les banques centrales nationales (BCN), ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes de l’Union européenne (UE), des gouvernements des États membres de l’Union européenne ou de tout autre organisme.

 En effet, aux termes de l’article 130  du Traité, les institutions et organes de l’UE ainsi que les gouvernements des États membres se sont engagés à respecter le principe d’indépendance de la BCE et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de cette Institution.

La Banque centrale européenne poursuit un objectif final unique de stabilité des prix qu’elle définit elle-même, et détermine librement sa stratégie monétaire.
Quant aux statuts de la FED (Fédéral réserve Bank), ils stipulent qu’elle doit poursuivre un triple objectif final de « plein emploi, de stabilité des prix et  de modération des taux d’intérêt à long terme ». La FED dispose d’une grande latitude pour définir ses objectifs et sa stratégie, mais elle entretient un dialogue étroit avec l’exécutif et le Congrès qui peut modifier, à tout moment, ses statuts.

Dans d’autres pays, l’indépendance porte seulement sur les moyens opérationnels, tandis que les objectifs à atteindre sont fixés par le gouvernement (Royaume-uni, Nouvelle-Zélande). Dans ces pays, la Banque centrale doit rendre des comptes en cas de dépassement des objectifs.
Les statuts de la BCT qui règlent les concours que la BCT pourrait accorder au Trésor  stipulent qu’elle   a pour « mission générale de préserver la stabilité des prix. A cet effet, elle est chargée notamment  de veiller sur la politique monétaire »

Nous  avons donc des prérogatives similaires  à celles de la BCE mais le texte de l’UE,contrairement au nôtre, ne laisse aucune nulle place à l’ambiguïté dans la définition de l’objectif et des moyens de la politique monétaire.

Cette indépendance ne peut être absolue car la BCT devra rendre  périodiquement des résultats atteints en matière de politique monétaire devant une commission technique du Parlement.

Ce quia été décidé par l’Assemblée Nationale Constitutive ne me semble donc pas suffisant pour assurer, à la fois,l’indépendance organisationnelle et fonctionnelle de la BCT.

Ce problème revêt donc un aspect très technique qui ne peut être étudié qu’au sein d’un comité d’experts indépendants en la matière et ayant acquis une expérience sur le terrain.D’ailleurs, ce comité relevant de l’ANC pourrait être appelé, à tout moment, par l’Assemblée pour lui formuler ses avis sur certains textes revêtant un aspect technique.

Ce comité pourrait aussi, émettre son avis, par un vote secret, sur le candidat au poste de Gouverneur, de Vice-Gouverneur et d’administrateur.

Il faudrait donner, en outre, à la BCT les moyens, qu’elle juge nécessaires, de sa politique notamment  en fluidifiant la transmission des données dont elle a besoin auprès des entreprises, des organismes et de l’administration.

Pour corser le tout, la loi devrait prévoir, par ailleurs, le niveau maximum du déficit budgétaire (3% du PIB) et  celui de l’endettement public (60%).

Mokhtar el khlifi