Opinions - 06.09.2011

Tunisie : La démocratie, une affaire d'hommes libres

Huit mois après le 14/01, comment se présente le paysage politique ; alors que le pays est à la veille du  premier test  électoral  post révolutionnaire de la constituante ?

Résultant des contradictions de la société qui fut marquée par «  un unanimisme »  de façade, ce paysage apparaît  sous  forme d’une mosaïque bariolée aux couleurs de l’arc en ciel .Il  évolue, toutefois, sur une  lame de rasoir.

Et pour cause : la fracture entre les élites saisies par un retour de la conscience et le grand nombre de citoyens englué dans une course désorientée  pour la survie.

Une impatience  qu’aggrave  une dichotomie  entre les  attentes et les promesses, quand bien même, il faut savoir en politique il faut composer avec les cadences du  facteur temps…

Ces mêmes  élites- ou supposées telles- aspirent a rattraper le temps perdu dans une tentative de se déculpabiliser du mutisme, du passéisme  voire de la complicité ayant caractérisé  certaines attitudes  qu’étouffaient alors  l’unanimisme  et l’esprit partisan.  Toutes ces élites méritent  autant de  respect   que le peuple que l’on crut longtemps « soumis » avant qu’il ne fasse  sauter la charpente  d’acier d’une  dictature programmée.

106 PARTIS

Dés lors, un  décor politique est planté avec d’ anciens et  de  nouveaux plis , ainsi qu’une  propension  au renouveau d’espoirs de liberté et de dignité  suscités par une Révolution phare du «  printemps arabe « , et par extension, pour  tous les autres damnés de la terre. Le mur de la peur est tombé. Le rideau de l’audace s’ouvre sur des horizons inédits  avec l’appréhension de la glissade vers l’imprévisible. Si le clignotant vire actuellement au vert, les regards intra et extra muros demeurent  braqués sur cette petite (de taille) Tunisie, historiquement originale par l’intelligence de ses hommes d’action et de culture.

106 partis politiques meublent ce  paysage  dans un florilège de  cinq tendances que l’on pourrait schématiquement ainsi classer :

- Nationalistes arabes
- Démocrates libéraux
- Démocrates socialistes
- Autonomes
- Islamistes.

En principe, ces tendances tournent autour d’une ambition et  d’un vecteur unique : servir le pays. Chacune à sa manière et selon ses convictions sujettes à la contradiction et au questionnement critique, excepté l’Islamiste  qui amalgame  sournoisement le temporel et l’intemporel. Un amalgame   qualifié de « tactique « que l’on pourrait assimiler à un syndrome infantile et incompatible avec l’esprit démocratique. Bien que  personne  ne peut  reprocher à un musulman ses  convictions intimes, il serait souhaitable, dans un jeu hautement politique ,que celles-ci  soient cantonnées dans la sphère subjective. Celle du libre-arbitre .Et cela pour au moins deux motifs. Le premier  identitaire, est inhérent à  l’omniprésence  socio-culturelle  du fait religieux et son interprétation linéaire (innocente). Le deuxième, politique étant donné que l’histoire démontre qu’aucun régime se réclamant d’une légitimité religieuse n’est parvenu à élaborer un modèle (démocratique) susceptible de libérer les potentialités des individus et  de concrétiser les aspirations à la liberté, la justice et au bonheur. Même l’Empire Ottoman  qui a régné  sous l'étendart de l’Islam durant cinq cents ans en Asie, au Moyen orient, en Afrique du nord et sur une partie de l’Europe du sud n’a pas été en mesure de réaliser de telles aspirations. Bien sûr, dirait-on, cela est dû à l’impérialisme anglo- français ou à une déviance dans l’application  du texte  coranique. ! Désolé, les faits sous les yeux  sont têtus. Ni l’Iran des ayatollahs, ni le Soudan de Tourabi/Béchir, ni le Yémen de Salah, ni les Emirats  du golfe,ni  les Monarchies arabes , ni Gaza du Hamas …n’ont réussi à concrétiser -dans la sérénité - ces aspirations.  De même  ,en Europe , il fut un temps où la religion  faisait des ravages, comme si, au lieu  d’unir, la religion est devenue source de malheurs et de divisions. A plus forte raison,  dans  son bercail  et  alentour.( schismes et chiisme  ).Le modèle turc n’est admissible  que dans un contexte rationnel et laïque et… sous le regard de l’armée. Et  puis la Tunisie n’est pas la Turquie, ni aucun autre pays !

Pis. Le panarabisme des nationalistes que l’on présenta comme une alternative à la faillite de l’Islamisme ottoman avait  conduit aux mêmes dérives dont les ultimes avatars n’étaient autres que le baathisme (irako- syrien) sanguinaire et le nassérisme hégémonique après1956. Avec les nationalistes et les autres tendances il y a place, cependant,  au débat, contrairement aux Islamistes politiques.

Omnis dubitatio, in Deo est certitudo (S’agissant de  Dieu, tout doute est certitude).

Le monde change

La démocratie, fille d’Athènes la méditerranéenne est une  question d’hommes libres et intelligents. Elle suppose l’acceptation mutuelle dans la diversité  et sans ostracisme. C’est une affaire relative et imparfaite, à l’image de l’homme perfectible. Ne perdons  pas de vue que dans ses balbutiements, la démocratie athénienne avait ses défauts par l’exclusion  de son champ des esclaves, les étrangers de la cité, les pauvres et la femme. Avec le débat et la culture, l’idée de la démocratie a évolué.

En son nom, que d’esclaves ont été  depuis, affranchis,des étrangers intégrés , des pauvres enrichis, des femmes émancipées et des dictateurs décapités…Pourquoi devrait-on  stopper son cheminement ascendant ,tant et si bien , comme le dirait  son philosophe Platon l’Idée de la liberté , l’Idée de la justice, l’Idée de la dignité  sont « au dessus et par delà ».

Les pétrodollars ne construisent pas non plus  la démocratie. Ils élaborent des desseins mesurés,  à la démesure  d’autocrates alliés des familles mafieuses.

Quoi qu’il en soit, la démocratie requiert  plusieurs  impératifs, en particulier :

- La reddition (questionnement) de l’Exécutif.
- La justice autonome.
- Un droit à l’information.

Même si le monde change dans la forme et le fond, il reste soumis à l’implacable logique  des intérêts  matériels et spirituels des nations. Et si l’on  veut évolueravec, il importe  de  bannir le discours de la haine vengeresse, le discours de la victimisation et celui de la diabolisation de l’autre. Et l’autre, c’est le voisin du palier, d’abord, celui ou celle de la géographie planétaire , ensuite  dans leur  dimension  humaine , économique et culturelle.

Souverain le peuple  tunisien  qui a repris – après   tant de sacrifices et sans intervention étrangère- le fil conducteur de sa  libre  destinée. Saura- t -il  passer avec succès ce premier  test électoral  post – révolutionnaire en évitant l’écueil  d’un post- totalitarisme ?


H.O.
Journaliste