Notes & Docs - 20.07.2011

Banque Zitouna: le témoignage de l'Administrateur Provisoire

L'expérience vécue par Banque Zitouna durant les 6 derniers mois est instructive. Depuis le 21 janvier, j'y suis nommé en qualité d'Administrateur provisoire.Il s'agit de vous exposer les défis que nous avons affrontés et les résultats récoltés, et, vous faire part- également - de la situation de la banque aujourd’hui.

A la prise en charge de la Banque Zitouna, une semaine jour par jour après le 14 Janvier -, je me suis trouvé dans une banque naissante d’à peine 7 mois d’âge avec :

- Des ressources humaines terrorisées ( un  effectif de 352 employés avec une moyenne d’âge de 33 ans) la plupart ont cédé leur place dans d’autres banques pour rejoindre l’institution compte tenu des avantages offerts.

Aussi bien pour les cadres que pour le reste du personnel l’avenir de la banque est devenu incertain et les perspectives se sont assombries.

- Des clients également paniqués qui se sont précipités pour retirer leurs dépôts ; et il faut préciser que c’est plutôt les entreprises, et plus particulièrement les institutions publiques qui ont procédé au grand retrait. La baisse enregistrée dans les ressources clientèle s’est élevée à 25 %.

- Des mass media acharnés qui se sont déchainées sur la banque, l’origine de ses fonds, la légalité de sa constitution, l’aspect charaïque de ses opérations, son avenir, etc …

- Une hostilité de la part de certaines recettes des finances qui ont refusé l’enregistrement des contrats d’achat et de vente générés par l’application de la technique MURABAHA IMMO ;

- Un réseau de correspondants étrangers quasi absent. Signalons à ce propos que la banque a été lancée dans un contexte légal en matière de fiscalité peu propice au développement  de la finance islamique.

- Un organigramme diffus ou les structures et les process organisationnels sont parfois mal définis.

- Des disparités salariales énormes nourissant un sentiment d’injustice et  d’insubordination au sein de l’entreprise.

Un programme de développement ambitieux par rapport aux moyens financiers de la banque.

- Un déficit de productivité dû à la complexité de certains process de financement.

- Un matelas de ressources et d’emplois qui nécessite d’être développé pour améliorer la rentabilité et résorber au plus vite les pertes enregistrées par toute entreprise au démarrage.

A côté de tout cela, il y a lieu de signaler que l’actionnaire principal s’ingérait dans la gestion des affaires de la banque et prenait des décisions parfois en contradiction avec les intérêts de l’institution.
Face à cette situation, il fallait agir et surtout réagir pour éviter la débandade et l’effritement.
Un plan d’urgence a été vite arrêté pour faire face à l’ensemble de ces défis avant, bien sur, la confiscation :

. Un démenti formel a été apporté aux fausses rumeurs concernant les pertes de la banque et l’origine de son capital
. Plusieurs réunions ont été organisées avec le personnel de la banque pour les calmer et les réunir autour d’un seul objectif : l’intérêt et la pérennité de l’institution
. Un plan de communication à destination des medias surtout électroniques pour véhiculer des messages objectifs à l’égard de la banque
. Une action de communication à travers le call center pour l’ensemble de la clientèle afin de les tranquilliser sur le sort et le devenir de la banque
. Des visites aux importantes relations de la banque et une action de démarchage de nouveaux clients a été lancée et se prolonge jusqu’à nos jours. Le développement et le recrutement d’une nouvelle clientèle était le meilleur garant pour contrecarrer l’hémorragie de ressources et le développement de l’activité de financement.

En termes de dépenses, nous avons revu à la baisse le budget aussi bien d’investissement que de fonctionnement afin de l’adapter à la capacité réelle de la banque.

Nous avons enclenché une stratégie de cost killing pour temporiser l’hémorragie des dépenses parfois inutiles engagées par l’ex direction générale.

Pour le réseau d’exploitation, le programme d’ouverture d’agences a été également revu à la baisse et limité à 8 ouvertures pour l’année 2011.

Signalons qu’aussi bien le placement de la banque sous la supervision de la BCT et par la suite le décret  de la confiscation ont beaucoup aidé à la relative normalisation des rapports de la banque avec son environnement.
Au terme des six premiers mois de l’année 2011, nous avons réussi, grâce aux efforts déployés par l’ensemble des cadres et des dirigeants de la banque, le soutien de la BCT, du Ministère des Finances,  et,  avec la parution du décret de confiscation du 14 mars 2011, à reconquérir la confiance des clients et à arrêter l’hémorragie des ressources qui d’un creux de 250 MD ont atteint, à ce jour, 320 MD soit une évolution de 27 %.

Nous avons également réussi à développer la base de notre clientèle de 40 % et aujourd’hui nous gérons 31 000 comptes actifs contre 22 000 à fin décembre 2010.

Les financements sous forme de MOURABAHA et d’IJARA ont connu une évolution de 19 % malgré la conjoncture difficile par laquelle passe le pays.

Dans notre stratégie commerciale, nous ciblons la clientèle ayant une affinité à la finances islamique et les entreprises ayant une bonne assise financière et qui respectent leurs engagements en matière de remboursement des concours accordés.

Nous avons ouvert 4 agences (2 à Sfax, une dans la localité de l’Aouina et une à Nabeul), nous nous préparons avant la fin de ce mois pour l’ouverture des agences de Hammamet et de Charguia, nous entamons également bientôt l’aménagement des agences d’Ezzahra , Bardo et Gafsa. Nous avons également réaménagé 3 agences endommagées par les émeutes du 14 janvier. Nous terminons ainsi l’année 2011 avec 31 représentations opérationnelles.

La banque a un fort potentiel et peut constituer une opportunité à saisir pour le développement, en Tunisie, d’un système de Finance Islamique capable de draîner des capitaux aussi bien de  l’intérieur que de l’extérieur du pays.

Toutefois et pour assurer une ascension rapide de l’institution, la réinstauration des structures de gouvernance habituels, à savoir le conseil d’administration et une direction générale, demeure un facteur primordial et libératoire.

De telles structures permettront de statuer sur un certain nombre de sujets que seul d’administrateur provisoire n’a même pas les habilitations  nécessaires pour les régler.
    Nous citons, à titre d’exemple :

    . La révision de l’organigramme de la banque
    . Le problème des disparités salariales au sein de l’entreprise
    . Le plan de développement du réseau
    . Les différentes opérations d’investissement
    . Le développement de l’activité à l’international.

Avec la mise en place des structures de gouvernance, la consolidation de ses fonds propres et le réaménagement du cadre légal nécessaire pour l’adoption de la Finance Islamique annoncée par M. le Ministre des Finances, Banque Zitouna peut grandir et avoir sa part de marché dans le secteur bancaire tunisien.

Slaheddine KANOUN

   
Intervention lors du colloque sur la pérennité des entreprises confisquées,

organisé mercredi 20 juillet 2011 à l’IACE, par l’Association Tunisienne du Droit des Affaires & Leaders

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