Opinions - 29.06.2011

La tunisocratie : révolution du peuple et république de l'absurdie

La Révolution  du 14/01 a remis soudainement  en question le substrat politique et culturel, sans parvenir –pour le moment   – à apporter de réponses alternatives et  structurelles dont dépendront les contours globaux de  la (future)  nouvelle  société.
 
C’est la gestation .Tout semble  baigner dans l’amnios  mixé du provisoire, plutôt le transitoire. Justice transitoire, gouvernement transitoire, exécutif transitoire, économie transitoire, sécurité et presse  transitoires etc … En attendant la première échéance  du 23 Octobre  pour élire  la Constituante. Après  le temps de la défiguration de l’ancien, viendra  celui de la re-figuration du  nouveau .

S’il est admis  que toutes les composantes sociales revendiquent  un droit participatif à l’élaboration de ces réponses, celles–ci requièrent une réflexion plurielle caractérisées par la temporisation et la raison. On ne s’improvise pas juriste, politicien, gardien de l’ordre  et  journaliste, du jour au lendemain. Comme par enchantement. Ces activités  ne préexistaient- elles pas avant  14 janvier ; et qu’en eut-on fait ? Après la « mort «  des  authentiques  héros, les  néo-  hérauts ne doivent-ils  pas  faire preuve d’un peu plus  d’humilité ?. Par manque de vertu, au sens grec du terme, faut-il comprendre avant d’en admettre  l’ampleur du  faible rendement  réactif ,voire la complice  démission de la société -anté.

Le pays  était  bien  bel et bien un  vivier de compétences et l’est encore, au regard de plus de  150.000 diplômés du supérieur   gambergeant   pour la survie.  Mais l’élan révolutionnaire  a  pris tout  le beau et le vilain  monde de court.

Le peuple de la révolution, toutes générations et classes  sociales  incarnées qui a occupé les  espaces publics n’avançait  pas derrière une  bannière spécifique  d’un  quelconque parti  « politique ». Il  a décidé, sans gourou (e), la chute  du mur de la peur, de l’opacité et  de clamer,  haut et  fort, son ras le bol, à la barbe des élites et des  gouvernants. C’est une des caractéristiques de la Révolution Tunisienne ,alors que Marianne ( l’Europe ), tout comme sa  sœur jumelle Jane ( The  United states ) ne voyaient rien venir à l’horizon , en dépit des appels  de détresse lancés , par  intermittence  par «  quelques égarés à l’âme  vendue à l’Occident oxydé » et  des  insurgés  à l’intérieur  de l’Orient  résigné et repu.

Ce même  peuple n’était pas anarchiste et  encore moins  nihiliste. Dans son irrationnel, il réclamait le raisonnable, conscient qu’il était  que seule la volonté est révolutionnaire .Il importe, par conséquent de respecter scrupuleusement  Sa volonté.
Il a déjà proclamé son programme «  Dignité et Liberté ».Ni plus, ni moins. Ergoteurs, de tout bord, ne cherchez pas midi à quatorze heures. Suivent   , à titre  indicatif  les 14  premiers  points de l’Agenda :
 
1 - Une Constitution citoyenne - source de toute autorité responsable.
2 - Droit à l’information  et non un code de la presse.
3 - Droit à l’emploi et non un code du travail.
4 - Droit à l’éducation et non populisme  de l’enseignement.
5 - Droit à la santé  et non une médecine de palliatifs et autres talismans.
6 - Droit à un   développement  égal avec  partage  équitable des richesses selon l’effort  consenti et les besoins des pauvres.
7 - Solidarité  transparente et non couverture à l’hypocrisie et à l’enrichissement illicite.
8 - Un exécutif  républicain et non une  présidence  monarchique.
9 - Un parlement du peuple et non une assemblée de  parlementaires.
10 - Justice  autonome  et non pouvoir  judiciaire.
11 - Une police publique et non politique.
12 - Une armée   nationale  et patriotique.
13 - Une administration au service de la collectivité et non  des  administrés  soumis à  la bureaucratie.
14 - Egalité  et universalité des droits  humains et des devoirs civiques.
 
Pré- bilan et prospectives
 
Pourtant, à  cette  période transitoire, sujette à la contingence, il serait illusoire de procéder à la concomitance de la praxis (théorie et  pratique), quand bien même la conjonction actuelle des revendications matérielles et les aspirations idéelles relève  d’une  cadence à terme.    La  réalisation de ce double objectif  ne  peut être que planifiée. A moins,  de présumer  que d’aucuns   soient  tentés  d’aiguiller le pays  au  couloir (impasse) de  la logique réductrice  et de la bêtise  absolue .     

Tout comme un fusil- chasseur ne  vise pas deux lièvres  à la fois, le pays ne peut, à mon sens, faire face sans méthodologie, à plusieurs  fronts d’ordre socio- économique et politique. Avec en (dé) prime supplémentaire, la crise humanitaire à la frontière sud –est avec la Libye où gronde  une Révolution de type garibaldien.

Portée par la dignité et la liberté, la Révolution du 14/01 a levé la chape d’acier  qui pesait sur les consciences et la  pénibilité du quotidien. Elle aura  favorisé, entre autres mérites, l’appropriation de soi dans l’espace  et le temps ; ainsi que le  désir enfoui de l’expression  indépendante. Passé le temps de la victoire contre la dictature, pointent ceux du pré inventaire  et des prospectives.

D’abord, le  pré-inventaire : un pays saigné à blanc par une mafia politico-affairiste. Et pour cause : la quasi absence de tout contre-pouvoir. La plupart des institutions de l’Etat , savamment  édifiées par le leader  Bourguiba ont été mises au pas et clientélisées. L’astuce de l’ex- président Ben Ali  consistait à ne leur octroyer  qu’un rôle  consultatif … subalterne. Pire que la déliquescence, la délinquance…
Une mécanique d’ascenseur-monte charge qui décolle du RCD ( rez  de chaussée de la société ) ou rassemblement dit démocratique ) pour monter vers le  palais de  Carthage. Et vice versa. Le parti  phagocyte l’Etat  le  transformant  en appendice. L’ex - chef  de l’exécutif rafle la mise en cristallisant les deux « mamelles » de la nation.

--« Le pays, c’est moi !«  a dû  susurrer le bovaryste de Carthage  à  son Emma De Leila.
--Et le Peuple, c’est  Nous ! ont  vite rectifié les agoras du  pays.
 
Aussi, deux corps institutionnels ont-ils échappé relativement  aux   mailles du filet   : La Justice et l’Armée. La première opère sur le Droit, cette quintessence de l’intelligence humaine,( en toute âme et conscience , quel  lourd et profond credo ! ) , s’agissant  de l’application de  la règle  : dura Lex sed lex ( la loi est dure , mais c’est la loi ).

La seconde -réputée muette -demeure fidèle au principe  fondateur  de défense de la patrie contre tout danger intérieur et/ou extérieur. Pour l’instant, ces deux corps constituent,  avec  le peuple les  planches de salut  et le rempart de la révolution, quoi qu’il advienne.

Les prospectives, ensuite. Les comités  pluridisciplinaires  mis sur pied au lendemain de la Révolution sont astreints à accomplir leur mission jusqu’au bout. Les consensus et les contradictions qu’ils  traversent sont  autant de  signes positifs, ne serait-ce que pour dévoiler la duplicité du discours de certains courants  drapés  de l’accoutrement  politique. Et aussi longtemps que leurs  membres  restent fidèles  aux  idéaux du peuple et    aux  sacrifices de tous les martyrs.

L’objectif étant d’établir de nouvelles règles  de la convivialité, du  contre-pouvoir institutionnel et civique, afin qu’à l’avenir ne reproduiront  -plus-les tares du passé.

La petite histoire enseigne, toutefois qu’en politique rien n’est  pris d’avance pour garantie. L’enfer et le Paradis ne sont ils pavés, dit –on de  bonnes/mauvaises intentions ...

Sans éthique, sans reddition ( accountability) , le politicien persistera  à faire usage de la parole pour cacher sa pensée ,non pas que celle-ci  soit   indéchiffrable  mais parce que l’astuce -  encore elle -consiste à manipuler, au préalable les citoyens  sondés et  souvent  crédules. Son objectif étant le Pouvoir , cet invisible  qui , de surcroît  ne se partage pas . Par analogie, politique sans éthique n’est que pillage de l’économie et ruine  de  la société.

Pour l’anecdote , le psychanalyste S.Freud  reconnaissant  à la fin de sa vie qu’il n’avait  rien compris  à la psychologie féminine, ( rappelez-vous  sa fameuse assertion  : « …Mais qu’est ce qu’elles veulent ? » confia selon - ses mémoires -que dans chaque  homme sommeillerait un Roi . Traduire :  X  potentats  potentiels sur terre. Que le Clément  nous en préserve !
 
Le travail sur  et contre soi

Dés lors, tout programme politique ambitionne, dans ses énoncés de répondre aux attentes des uns et aux projets des autres. Il demeure, in fine, un programme tout court.

En général, l’habile politicien  n’a pas de difficulté à gloser sur le  « quoi « et à étayer le »pourquoi » de son programme.
Il tiquerait, en particulier, une fois sur deux, sur le « Comment » .Voici  pourquoi, il appréhende l’exigence de transparence venant  du tribunal  public représenté, en démocratie  par la justice, les médias critiques et l’opposition parlementaire.

Mais que faire quand, bon gré et mal gré, la politique  reste  l’outil  prépondérant  en vue d’organiser  les affaires de la cité et de ses hommes ;  la démocratie : le moins mauvais des systèmes  de gouvernement  ? Dilemme.

L’ébauche de réponse  ne pourrait être que  socratique : faire œuvre de maïeutique  et de réflexion  sur soi .Et contre soi ; afin que le bien en chacun de nous,  l’emporte sur le mal. Bien et mal cohabitent sous le même toit  et  parfois sous la même enseigne … Douter, questionner, dialoguer  et  lutter , tel serait  le tableau  de bord  de l’homme libre et mortel .

A côté de cela , seul le travail et sa reprise  motivée par l’intéressement  de ceux  qui s’y adonnent  avec  conscience sont générateurs de croissance,  de richesses, d’innovation et d’épanouissement  qui font , en  définitive,le prestige  et la  puissance de toute nation.

Si la révolution Prométhéenne du 14/01  avait déclenché dans son  sillage,  l’étincelle du «  Printemps arabe « , l’on augure que  les annales  du  21 ème siècle retiennent  que  la Tunisocratie  aura été la  révolution  du peuple pour un peuple engagé  et non  pour l’ébauche d’une république de l’Absurdie .
 
Habib OFAKHRI
Journaliste.
 

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
6 Commentaires
Les Commentaires
sami - 30-06-2011 13:31

Tous cela , c'est moins "beau" que le 7 novembre ( alors,on pouvait créer des org sans autorisation) ; Et encore : cela ne se fait pas sans recensement des concernés et sans combattre la segrégation sociale et partisane .

moumen - 01-07-2011 19:13

Voila un article de haut niveau digne d'attention. Je pense que beaucoup ne l'ont pas compris, à preuve un seul commetaire.

samia ben aziza - 02-07-2011 09:20

Le processus révolutionnaire, semble manquer de stratégie et de vision. Les échéances ne sont pas celles que l'on croit, mais celles de l'appropriation de tous de cette dignité, liberté et justice revendiquée par tous et criée haut par les jeunes qui n'avaient plus rien à perdre et tout à gagner. LE VOTE n'est pas la démocratie, mais une étape ultime que nous sommes loin de pouvoir atteindre en octobre... face à la démagogie qui sévit. le fait de rendre les discussion de la haute instance... sans médias audio est une des facettes de cette nouvelle élite politique "autoproclamée".

chebanche - 02-07-2011 13:37

Sans méchanceté envers l'auteur: Beaucoup de mots compliqués. Entre le style Renouveau/Action et la Sorbonne. Il est temps d'en finir avec ces mots creux . Parlez simplement et de façon intelligible SVP

arfaoui - 02-07-2011 23:57

"Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maitres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une part de royauté, le candidat que vous porterez au trone ou au fauteuil sera votre supérieur...Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous , et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut . Il mendiait des votes , il vous donnera des ordres...Au lieu de confier vos intérréts à d’autres, défendez-les vous mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance."Elisée RECLUS

sami - 03-07-2011 20:38

@ moumen salut oui il suggère des idées à, creuser mais que dis tu de l'idée de " on veut pas de pouvoir judiciaire " ? c'est ou bien du romantisme politique maladroit , ou un retour en arrière par rapport à l'idée des 7 pouvoirs!

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.