News - 14.06.2011

Ahmed Friaa se retire : « il faut laisser la place aux jeunes »

 M. Ahmed Friaa s’est retiré des instances dirigeantes du parti Al Watan qu’il a co-fondé avec M. Mohamed Jegham déclarant qu ‘«il faut laisser la place aux jeunes et favoriser la régénération de la classe politique». «Sa décision était déjà prise depuis plusieurs semaines, mais il a préféré différé son annonce jusqu’au lancement effectif du processus de la Constituante, rassuré sur le bon chemin pris, précise à Leaders, l’un de ses proches.»

 A-t-il été dépité, outre la meute lâchée et l'acharnement des détracteurs, par les attaques personnelles incessantes dont il fait l’objet, entravant l’expansion du parti, attaques confirmées par M. Mohamed Jegham qui a toutefois nié l'existence d'un conflit  personnel avec M. Friaa? Ou réelle conviction de la nécessité de passer le flambeau ? Les deux à la fois, certainement. Pour cet agrégé des mathématiques (à 27 ans), « il n’y a pas de calculs à faire en politique, mais des valeurs à partager, des causes à défendre et des idéaux à faire triompher », comme il aime à le dire. « Aujourd’hui,  souligne-t-il avec conviction, la jeunesse qui a déclenché la révolution est en mesure et en droit de poursuivre son accomplissement, sans tutelle ou récupération. Avec mes camarades au sein d’El Watan, nous avons œuvré pour constituer ce parti et le concevoir, dès le départ, comme une plateforme devant servir immédiatement à cette nouvelle génération afin qu’elle puisse mener son combat républicain et citoyen. Notre rôle consiste à lui préparer le cadre approprié et favoriser son élan. Et, c’est bien parti.»
 
Entre le 12 janvier, date du recours qu’avait fait à lui, Ben Ali, en ultime tentative d’ouverture et gage de relance, lui confiant le ministère de l’Intérieur, alors que le pays était à feu et à sang, et le 12 juin 2011, date de son départ du secrétariat général d’El Watan, M. Ahmed Friaa, aura passé les cinq mois les plus mouvementés de sa vie. Comment avait-il pu accepter sa désignation par Ben Ali et avec quels espoirs de pouvoir effectivement éviter à la Tunisie un bain de sang ? A-t-il eu raison de résister, dès sa première conférence de presse, très mal goupillée, de céder aux appels au lynchage public et à la vindicte dont nombreux étaient assoiffés ? Fallait-il renoncer à certaines pudeurs et jouer populiste ? Jamais, il ne pouvait faire la moindre concession sur ses principes. Les 14 jours qu’il a passé à la tête du ministère de l’Intérieur auront été déterminants, mais n’ont pas encore livré tous leurs secrets.
 
« En reprenant ses projets de développement des énergies nouvelles  (parc éco-solaire de Djerba-Zarzis), et ses recherches avancées en cryptologie, déclare à Leaders l’un de ses proches, Si Ahmed Friaa fera sans doute le bonheur de ses disciples et de ses pairs qui le sollicitent de partout dans de prestigieuses universités et grands centres de recherche de par le monde. Mais, aussi, de ses adversaires politiques. Il donne, toutefois, une belle leçon d’abnégation et de confiance en la jeunesse, au moment où les égos enflent et beaucoup ne cherchent qu’à se hisser aux premiers rangs, sans soucier du reste. »
 
Une chose est certaine : son tempérament calme et son caractère pacifique, malgré son esprit militant et son engagement sur le terrain, sont incompatibles avec les nouvelles pratiques des combats sans merci, ni foi ni loi, qui risquent de se développer. M. Ahmed Friaa a dû faire son choix : laisser la place et poursuivre son combat sur d’autres fronts. A 62 ans, le chemin est encore largement ouvert devant lui.