Opinions - 08.06.2011

Pour une plateforme commune

Demain dépendra fortement de ce que comprendra la future assemblée constituante. Dans quel sens votera le citoyen tunisien ? Un certain nombre de concitoyens, mais certainement pas tous, suivent les interviews accordés aux dirigeants de certains partis à la Radio et la TV nationales ou sur d’autres médias. Mais est-ce suffisant ? Certes des  questions leur sont posées mais pas toutes .Nous ignorons tout sur leur état de santé, leur CV dont notamment leur bagage intellectuel, leurs revenus, leur patrimoine, leur passé et surtout sur leurs programmes économiques chiffres à l’appui.

A cet égard, les médias en langue arabe et française pourraient s’entendre  au moins sur un questionnaire précis et exhaustif à arrêter de concert et à soumettre aux dirigeants des partis lequel sera publié dans leurs colonnes.

Cet état  comparatif des réponses enregistrées (par un simple oui ou un non)   sera publié, de préférence, par catégories (droite, centre, gauche, islamiste).Cet état pourrait aider les uns et les autres à avoir une idée plus claire sur ceux et celles qui ont la prétention de tenir en mains les destinées du pays.

Cependant, vu la difficulté de l’électeur à se retrouver dans cette multitude de partis qui aspirent au pouvoir et vu l’expérience, que nous venons de vivre, de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique  et la lenteur qu’elle a eue chaque fois et après des débats houleux, pour parvenir à un consensus, j’ai le pressentiment et la crainte que l’assemblée qui débouchera des urnes nous fera revivre  des moments aussi difficiles.

Je crains, en effet, qu’à la veille de ces élections ce ne sera pas l’intérêt supérieur du pays  qui sera pris en compte par la majorité des candidats, mais les calculs politiques qui permettront d’accéder au pouvoir et de décider au nom du peuple qui a trop attendu.

Je crains fortement que nous serions à nouveau plongés dans des discussions interminables avec les conséquences que cela comportera sur la stabilité politique et partant le développement économique du pays.
D’où l’idée que nous avons de voir l’ensemble des partis politiques et la société civile parvenir à s’entendre, avant l’élection de la Constituante, sur une certaine plateforme consensuelle, politique, économique et sociale  qui constituera un dénominateur commun.

Cette plateforme politique gagnerait à être entérinée par la constituante  et ne devrait être en aucun cas révisée. Tout ce qui sera entrepris devra s’inscrire dans ce cadre à commencer par la Constitution.
Que comportera cette plateforme ?

Les droits du citoyen

  • L’interdiction de recourir  à la torture et aux châtiments inhumains,
  • La liberté d’opinion,
  • La liberté de religion,
  • L’égalité entre les femmes et les hommes à la scolarité, le travail, la rémunération, la promotion sociale,
  • Le droit à tout inculpé à un procès équitable et à des  droits de la défense.
  • La liberté de pensée,
  • La liberté de conscience,
  • La liberté d’association,
  • La liberté de réunion,
  • La liberté de circulation,
  • La liberté syndicale, 
  • La liberté d’opinion,
  • La liberté d’expression sous toutes ses formes (politique, littéraire, artistique…)
  • L’accès libre à internet à partir de 18 ans,
  • L’interdiction de toute détention arbitraire,
  • Le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances,
  • L’interdiction des écoutes téléphoniques,

 Il demeure entendu que ces droits et libertés  doivent être  effectifs et ne pas se limiter à de simples professions de foi. Par conséquent, ils devront être opposables devant les tribunaux. Le juge doit donc devenir le garant de l’effectivité de ces droits et libertés.

L’indépendance de la justice

Le Conseil supérieur de la Magistrature ne devra plus être présidé par un membre de l’exécutif qui n’aura plus le pouvoir d’engager ou d’arrêter les poursuites judiciaires ni jouer de rôle dans l’instruction des dossiers.

La garantie de la liberté des médias

La liberté des médias ne doit avoir  d’autres limites que la charte élaborée par les professionnels étant entendu qu’une fois élaborée elle devra être entérinée par  la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique et acquérir une valeur contraignante garantie par la justice.

La nature du régime politique

L’étendue et l’ampleur des réformes à engager, les défis à relever dont notamment la relance de l’économie et la juste  répartition des fruits de la croissance, la jeunesse des partis politiques, l’absence d’expérience démocratique, le caractère revendicateur et impatient du tunisien, militent en faveur d’un exécutif fort mais cependant sous contrôle. Ni le régime parlementaire, ni le régime présidentiel ne sont adaptés aux circonstances que nous vivons. Aussi, un régime semi-présidentiel  pourrait être la solution idoine.
La constitution déterminera avec précision les pouvoirs et contrepouvoirs.

La fidélité à notre  héritage arabo-islamique et à  notre histoire

  • La langue arabe est la langue officielle du pays et sera enseignée dans nos écoles
  • L’Islam est la religion de la majorité des tunisiens. Tout extrémisme religieux devra être exclu. Dans nos tenues vestimentaires nous devons nous abstenir de provoquer nos concitoyens. Les tenues provocantes de la gent féminine laïque et les tenues importées d’ailleurs et qui ne trouvent aucun fondement dans le Coran (Afghanistan et Arabie Saoudite) doivent progressivement disparaitre de notre paysage par la persuasion et une éducation religieuse de base à l’école. Une commission composée par des tunisiens érudits en matière d’histoire, de fikh, de religions, de sciences...doit être constituée pour être obligatoirement consultée sur le contenu  religieux des manuels scolaires et de certains textes de loi et chargée d’élaborer des études sur la lecture contemporaine du Coran.
  • La non prohibition des taux d’intérêt et le maintien de la coexistence des banques islamiques avec les banques classiques
  • Le non recours à la charia islamique comme loi de l’Etat
  • Le maintien du Code de Statut Personnel (âge légal du mariage, compétence des tribunaux en cas de divorce, prohibition de la polygamie, interdiction de l’excision, la protection des droits de l’enfant…).Toute amélioration ne devra pas heurter les principes coraniques notamment en matière d’héritage à moins qu’une lecture exégétique, à l’instar de ce qui a été fait en matière d’interdiction de la polygamie, par une commission ad hoc le permette
  • L’enseignement de l’Histoire objective de notre pays ne devra exclure aucun courant ni aucune personnalité

Nos choix économiques

  • La consécration de la liberté d’entreprendre
  • Le développement économique de toutes les régions du pays
  • La mise en place d’une fiscalité juste qui préserve la compétitivité de nos produits et inhibe l’évasion fiscale
  • La mise en place d’un programme à long terme qui fera face à la pénurie  prévisionnelle en eau par la construction de barrages et de lacs collinaires, la couverture des sols,  la lutte contre l’avancée du désert, la généralisation des courbes de niveaux, la collecte des eaux de pluies  par les familles, la récupération des eaux usagées
  • La réalisation d’investissements dans l’énergie solaire pour la génération d’électricité et la transformation de l’eau de mer en eau douce
  • La consécration d’une part importante de notre budget dans la recherche fondamentale et la recherche appliquée dans tous les domaines et notamment en matière agricole

Si pareille plateforme venait à recueillir l’adhésion des partis politiques et de la société civile, cela facilitera grandement le travail de la constituante, nous fera gagner un temps des plus précieux. Cette plateforme donnera un signal fort sur la configuration de l’avenir de notre pays tant aux citoyens que nous sommes,  qu’aux pays  et aux institutions financières qui seraient disposées à compléter l’effort de développement de notre économie et de relèvement du niveau de vie du tunisien ».

Mokhtar el khlifi