News - 29.05.2011

Les Tunisiens d'Amérique savourent leur première Hafla post-révolution

Washington DC – De notre envoyé spécial – Du Texas, comme de Californie, Arizona, Nevada, Michigan ou, tout près, du New Jersey et du Maryland, ils ont afflué de partout ou presque des 52 Etats Unis d’Amérique, samedi soir sur la capitale fédérale Washington DC, célébrer la première "Hafla" annuelle post-révolution. La grande salle Coupley de l’Université Georgetown s’est avérée exiguë pour accueillir tous les Tunisiens qui se sont déplacés, certains de très loin, et il a fallu sans cesse ajouter des sièges pour les derniers inscrits. La dynamique TunisianCommunity Center (TCC) a enregistré ce soir un franc succès. Ceux qui, jadis, étaient réfractaires à tout rassemblement tunisien, même indépendant, de peur d ‘être embrigadés, évitant toute récupération politique, partagent aujourd’hui avec leurs compatriotes, la liberté et la joie des retrouvailles.
 
Plus de 200 Tunisiens et leurs familles ont répondu à l’appel. « L’ambassadeur de Tunisie à Washington, M. Mohamed Salah Tekaya, nommé il y a quelques mois, était parmi les premiers à arriver, souligne à Leaders un dirigeant de la TCC. Son prédécesseur, ajoute-t-il, avait boudé l’année dernière, les agapes tenues à Los Angeles. L’année d’avant, ce même ancien ambassadeur, était représentant de la Tunisie auprès de l’ONU et avait exigé, sans l’obtenir, pour être présent à cette rencontre organisée à l’Université de Columbia à New-York, l’installation dans la salle d’un grand portrait du président déchu et de son épouse, plus, qu’on lui adresse un télégramme de soutien… »
 
Tout commence à changer
 
Cette année, c’est l’inverse. En charge des Tunisiens à l’étranger, M. Mohamed Ennaceur, ministre des Affaires Sociales a, en effet, pris l’initiative, d’appeler personnellement les dirigeants de la TCC, pour « les féliciter, les encourager à persévérer dans leur exaltante mission et les assurer du plein soutien de la Tunisie. » Sans la moindre contrepartie et dans le respect du statut de l’association, totalement américaine, et de son indépendance.
 

« Que de changements se félicite, Hammadi Aniba, l’un des doyens de cette colonie, arrivé aux Etats-Unis en 1959. Cette année, le pays se met à notre disposition. L’ambassadeur Tekaya, incarne les vrais valeurs de la diplomatie tunisienne initiée ici à Washington, par le premier ambassadeur, feu Mongi Slim : accueillant, affable, à l’écoute de tous et au service de chacun, note-t-il avec une réelle satisfaction ». 
 
Aux côtés de M. Tekaya, se trouvaient MM. Ghazi Jomaa, ambassadeur- représentant permanent de Tunisie auprès de l’ONU qui a fait spécialement le déplacement de New-York, le Colonel Major Mohamed Néjib Jelassi, chef de la mission militaire et Salah Bourjini, ancien ambassadeur coordinateur de l’ONU à Baghdad, Tripoli et Koweït. Des membres du staff de l’ambassade, notamment M. Yassine Salah (consulaire) et Faten Bhari (Culture), étaient ravis de se mettre à la disposition de la communauté tunisienne venue de si loin, pour lui être utile.
 
Une mini-Tunisie
 
Ce qui est merveilleux dans cette association, comme l’illustre la salle, c’est qu’elle regroupe, dans une grande unité, toutes les catégories de Tunisiens en Amérique : qu’ils soient académiciens, haut fonctionnaires internationaux, chefs d’entreprises et managers, simples travailleurs, étudiants ou autres. On reconnaît Sadok Rouai du FMI, Samir Chebil de la Banque Mondiale, Dr Habib Laatiri, ancien représentant de l’OMS, Souad 

Ben Romdhane, environnementaliste, Samira Abid, banquière de renom à Citi New-York, Hatem Goucha, project risk manager chez Bechtel, Mona Sarrai, médecin, Kamel Ben Othman, chercheur en neurologie, Nabil Ben Ltaifa, Mohamed et Baha Taoufik, Najed Ben Ammar,  et d’autres. 
 
Mais, aussi, Hammadi Abid, premier taxi-driver tunisien à New-York, depuis 29 ans, Mehrez Manari, un vrai vétéran, etc. Parmi les jeunes, Seif El Khoufi, de Harvard, Hassen Benatitallah, AliKhadimallah et Aymen Ben Salah qui préparent leur PhD, à Pensylvania, les deux premiers sous la direction de la Tunisienne Zoubeida Ounaies.
 
Saoussen Mahjoub, fille du sociologue Abdelwaheb Mahjoub et petite fille du grand militant palestinien, Mohamed Ali Taher, pionnier dès les années 40 du mouvement de lutte contre l'occupation, brillait tout particulièrement, en tant que co-fondatrice avec Hatem Sellami (Atlanta, Georgia) de la nouvelle association TAYP, qui regroupe les jeunes professionnels tunisiens des Etats-Unis. Elle est venue avec Mohamed Ali Malouche (fils de feu Si Naceur), présenter leur initiative et y rallier les jeunes.
 
En fait, les pères fondateurs de la Tunisian Community Center, sont ouverts à toutes les initiatives. D’une seule voix, Sami Guedour, président du board des conseillers et Ali Khemili, fondateur et directeur exécutif, le répètent : « nous entendons consolider cette plateforme commune regroupant le plus largement possible les Tunisiens, y accueillir d’autres associations et soutenir des projets utiles.» 
 
A leurs côtés, Raouf Khelil, depuis 41 ans à Los Angles, Ridha Lanouar, plus de 40 ans lui aussi en Amérique établi à présent à Phoenix, Hafedh Bourammèche, sécrétaire général, l’unique entrepreneur tunisien en électricité autorisé à New-York, la jeune Dorra Kridis qui n’aligne que 11 ans, dans le secteur pétrolier, et tous les autres membres, se déploient activement sur cette même voie. Déjà, toute la soirée durant, ils ont été la cheville ouvrière de cette nuit mémorable.
 
Célébrations du mérite et joie des retrouvailles
 
Le programme était bien concocté : vernissage de l’exposition de peinture de l’artiste Najwa Ben Othmane, vidéo-projection d’un clip qui restitue les moments forts de la révolution remise de trophées, allocutions de l’invité d’honneur Tawfik Jelassi, et spectacle musical animé par la jeune star fille de la Médina de Tunis, Safa Dahane, établie à Detroit, et d’excellents moments de networking. Un moment émouvant : l’appel de tous les enfants présents pour une photo avec l’ambassadeur de Tunisie, M. Mohamed Salah Tekaya, qui n’a pas oublié de rendre hommage aux mamans tunisiennes à l’occasion de la Fête des Mères.
 
Premier trophée de la TCC, il a été remis à l’ambassadeur Ghazi Jomaa (ONU New-York), qui termine fin juin sa mission, en reconnaissance de ses 

efforts remarquables. Puis, remise du Prix Aboul Kacem Chebbi de l’Etudiant de l’Année, à Seif El Khoufi, qui à 29 ans, enchaîne succès après succès, à Centrale Paris, chez Boston Consulting Group en Allemagne, et à présent à Harvard. Quant au Trophée Ibn Khaldoun, il est revenu cette année à un chercheur émérite, Mohamed Belhaj Kacem. 
 
Tawfik Jelassi, l’universitaire émérite et désormais président de Tunisiana, a traité en Key Notes Speakers de deux aspects qui ont particulièrement retenu l’attention de l’assistance. D’abord les facteurs de la réussite de la révolution, citant en tout premier lieu, l’éducation. Puis, le rôle de la diaspora tunisienne et sa contribution enfaveur de la Patrie. A ce titre, il a lancé l’idée de parrainer à titre individuel ou en groupe un projet dans un village, dans une magnifique dynamique du « dream, believe and achieve. » Sa conclusion, il préfère la livrer en vidéoclip  sur lequel il a travaillé personnellement avec des paroliers, compositeurs et cinéastes, intitulé : « Fik Ya Tounes, Yahdik ! », très émouvant.
 
Mais en fait, comment les Tunisiens des Etats-Unis ont-ils vécu la révolution lors de son déclenchement ? Comment la suivent-ils ? Quelles sont leurs craintes et leurs espérances ? Combien sont-ils au juste ? Et que font-ils ?
 
Nous y reviendrons, sur Leaders, plus en détail.
 
Taoufik Habaieb