Opinions - 09.02.2011

Education: La priorité de nos priorités

Le Système Ben Ali a commis plusieurs erreurs historiques qui ont touché toutes les composantes de la société tunisienne. C’est le Système Ben Ali  qui est le responsable de la situation où se trouve le pays. Je dis bien le Système et non Ben Ali car une grande partie des tunisiens a une part de responsabilité, par son silence ou sa complicité.

A l'origine de ces dérives, la  mobilisation de tous les piliers de la société tunisienne au service d’une personne et de sa Famille. Autrement dit, les choix et surtout leur mise en œuvre ont été faits en fonction de l’intérêt égoïste de Ben Ali et de son clan élargi et non de l’intérêt suprême du pays. Cela a été systématique, pensé, réfléchi et piloté par une équipe de « conseillers » spécialisés en la matière, touchant l’administration, les entreprises publiques, les médias, l’appareil judiciaire, les associations, le sport et surtout l’éducation. 

De tous  les secteurs victimes du système Ben Ali, c’est l’éducation qui a été la plus touchée.  Les conséquences sont  néfastes parce que difficiles à réparer. Le système Ben Ali a utilisé l’éducation pour obtenir la paix  sociale en permettant à une grande masse d'étudiants de décrocher des diplômes supérieurs au rabais, sans se soucier des opportunités d'intégration dans l’économie.  Une mesure représentative de cette politisation de l’éducation, les fameux 25% complémentaire au bac selon les moyennes de l’année. Il est remarquable de constater que le taux de chômage des diplômés avoisine les 30% (certains disent 44%) alors le chômage des non diplômés est nettement en deçà de ces taux.

De par mes occupations depuis 10 ans, j’ai eu l'occasion de rencontrer des centaines  de jeunes diplômés toutes branches et couches sociales confondues originaires de toutes les régions du pays. Ce qui saute aux yeux, c'est la baisse quasi générale du niveau des candidats en termes de compétences de base, de culture générale, de savoir-faire technique, de maîtrise des langues (arabe, français, anglais) même s'ils sont  souvent très motivés.  Paradoxalement, beaucoup d’entreprises ont du mal à trouver le profil qu'elles recherchent car à peine 10 à 20% des demandeurs d'emploi répondent aux critères recherchés.

Notre Jeunesse est la force qui a rejeté le dictateur et son système dans les poubelles de l’histoire. Cette jeunesse a le droit à une formation de qualité et une carrière digne des ses compétences et ses ambitions. Il est urgent de penser à des solutions pour intégrer les diplômés chômeurs ( dont le chiffre est supérieur  à 100 000) et à leur offrir une vraie carrière professionnelle.  Je propose de  créer un contrat tripartite (chômeur, entreprise, Etat) pour les intégrer dans nos entreprises, les encadrer  et compléter leur formation. Je propose un contrat sur 3 ans pendant lesquels le chômeur travaille normalement dans l’entreprise et ne peut la quitter avant 3 ans, à charge pour l’entreprise de compléter sa  formation sur le terrain par des formations structurées complémentaires financées par l’Etat (un financement de 8 000 dinars par chômeur pour les 3 ans).

Ce mécanisme ne peut fonctionner que si les entreprises adoptent un comportement responsable et citoyen. Nos entreprises doivent cesser d’utiliser les subventions de l’Etat afin d’exploiter les jeunes diplômés et non les former (les abus du système SIVP sont bien connus). Il faut avoir le courage de le dire. La révolution que nous sommes en train de vivre nous interpelle tous. Nous devons donner un contenu concret à notre  appartenance à ce pays et faire preuve de solidarité et de sens de responsabilité.  Ce changement d’état d’esprit des entreprises doit être accompagné par un système de contrôle et de sanctions (a posteriori) efficace.  Et que chaque entreprise s’engage à recruter  un certains de ces chômeurs  diplômé,  c’est un devoir citoyen.

Accorder 150 TND par mois et pour chaque jeune chômeur comme cela vient d’être décidé par le gouvernement de transition n’est pas à mon sens une bonne décision. Il  vaut mieux  investir  (je dis bien investir et non dépenser) dans  la formation de nos jeunes diplômés.

Au delà de ces mesures urgentes, il faut que toute la nation lance un débat pour une réforme structurelle et profonde de notre système d’éducation du primaire au supérieur  avec une vraie participation de toutes les parties concernées et surtout loin des intérêts politiciens avec pour  seul objectif l’intérêt de notre b pays.
Nous devons aussi avoir le courage  de revoir nos priorités budgétaires afin d’accorder à l’éducation et la formation de notre jeunesse les moyens nécessaires au détriment d’autres aspects moins importants, à mon sens, comme les infrastructures et la santé. Une formation de grande qualité est la seule  voie passante pour notre jeunesse et de notre pays. Le débat est lancé !

Imed Ayadi
Dirigeant d’Entreprise