La révolution du 14 janvier 2011 : une véritable révolution copernicienne
C’est avec un mélange d’étonnement et d’admiration que le monde arabe a accueilli la révolution tunisienne. Etonnement parce que les Tunisiens passaient à leurs yeux pour un peuple soumis, pusillanime même ; admiration parce qu’ils ont réussi là où tous les Arabes ont échoué depuis des siècles au point de donner à penser aux Européens que nous n’étions pas faits pour la démocratie : mener à bien la première révolution populaire du monde arabe au nom de la démocratie, de la dignité et de la liberté. Une véritable révolution copernicienne pour la Tunisie et demain sans doute pour le monde arabe qui marquera réellement leur entrée dans la modernité. Ce 14 janvier 2011, ils avaient l’air tout contrit, nos frères arabes, qui pensaient avoir le monopole du courage et de l’esprit révolutionnaire. «La petite Tunisie» leur a donné une belle leçon de courage et de maturité.
Après le mépris, voici venu le temps du repentir et de l’aveu : nul autre pays que la Tunisie ne pouvait réussir dans le monde arabe une telle prouesse, au surplus sans haine, ni violence , non pas parce que nous sommes les plus clairvoyants ou les plus forts, mais parce que nous étions les plus mûrs pour cette révolution. Ce n’est pas moi qui le dis, mais des intellectuels arabes et étrangers comme Jean Daniel, Emmanuel Todd, Jacques Julliard, Edwy Plenel, Noam Chomsky, Hassanein Heykal, Abdelbary Attouane ou Azmy Bchara. Grâce à l’héritage civilisationnel accumulé depuis trois mille ans, la Tunisie a toujours été en avance sur son environnement géopolitique, même au temps des Beys. N’oublions pas que les réformateurs tunisiens ont été les premiers au cours de la 2ème moitié du XIXème siècle à explorer les causes de la décadence du monde arabe et notamment celle de la Tunisie et à poser le problème du rapport de l’islam à la modernité; que la Tunisie a aboli l’esclavage en 1846, deux avant la France ; que la première constitution arabe et musulmane est tunisienne (1861) ; que le code du statut personnel est resté cinquante après sa promulgation en 1956, La référence pour le monde arabe et, enfin, que la première ligue de défense des droits de l’homme arabe et africaine est née en Tunisie.
Depuis 23 ans, les Tunisiens ont souffert du déficit d’image de leur pays à l’étranger. Depuis la révolution du 14 janvier, ils n’auront plus le droit d’en rougir. La Tunisie, héritière de Carthage et de l’Yfriquia est redevenue ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : exemplaire.
Hédi Béhi