News - 09.10.2025

Abdelaziz Kacem: N’est pas Bourguiba qui veut

Abdelaziz Kacem: N’est pas Bourguiba qui veut

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Le 7 octobre 2025, la guerre d’extermination, la solution finale en cours à Gaza entre dans sa troisième année. Jusqu’à la mi-septembre, le nombre de victimes s’élève à 64 800 dont 18 500 enfants. Dans ce bilan, il faut compter 2 500 tués par les tirs de la soldatesque israélienne devant les centres de distribution d’aide alimentaire. La Fondation humanitaire de Gaza s’avère un piège odieusement tragique. À toutes ces pertes humaines déjà énormes, s’ajoutent, désormais, une moyenne de 80 civils par jour. Par ailleurs, selon les experts, il faudra majorer ces victimes de plusieurs autres dizaines de milliers encore sous les décombres. Tsahal, l’armée «la plus morale du monde», s’acharne à faire la seule chose qu’elle puisse faire : tuer et détruire.

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Qui se souvient d’Henry Kissinger ? C’est bien cet ancien Secrétaire d’État et conseiller à la sécurité des USA qui a donné au cynisme politique une dimension planétaire. Ses coups fourrés ne se comptent pas. C’est bien lui, à titre de rappel, qui a orchestré, le 11 septembre 1973, au Chili, le coup d’Etat le plus odieux du siècle, entraînant la chute et la mort d’un président démocratiquement élu, Salvador Allende, et son remplacement par l’abominable Augusto Pinochet. Moins d’un mois plus tard, le 6 octobre, au Proche-Orient, survint la quatrième guerre israélo-arabe. Venant à la rescousse de Tsahal, alors en difficulté, c’est bien lui qui finit par transformer la victoire arabe en un demi-échec. Et Sadate, convaincu du principe étatsunien «Israël first», s’en remit littéralement à lui. On connaît la suite…

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Cela n’a guère empêché l’inénarrable Henry Kissinger d’obtenir, toujours en 1973, le Nobel de la paix. En guise de protestation, deux membres du Comité Nobel ont présenté leur démission. Encouragé par ce précédent, Donald Trump, avec l’appui du génocidaire que l’on sait, brigue ce Nobel controversé. À l’appui de sa candidature, le président américain avance plusieurs arguments: il soutient à fond l’extermination totale et définitive de ces méchants Gazaouis si accrochés à leur terre. Puis, pour donner plus d’épaisseur à son dossier, il rebaptise le département américain de la Défense en ministère de la Guerre.

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À la décharge de Kissinger, il nous a lancé, dans une formulation aphoristique, un avertissement solennel: «Être un ennemi des États-Unis est dangereux, mais être leur ami est fatal.» Tous les régimes arabes le savent, mais chacun continue à se rassurer : cela n’arrive qu’aux autres.

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C’est à coup de milliards de dollars et au prix d’une honteuse soumission aux Accords d’Abraham que les pays du Golfe ont cru acheter l’amitié des Américains. Le 11 mai dernier, lors de son dernier voyage dans la région, le parrain Trump, outre les trillions de dollars qu’il a empochés, le Qatar lui a offert un Boeing 747-8 d’une valeur de 400 millions USD, en remplacement des deux «Air Force One», devenus obsolètes. Doha avait, dès 2002, offert au Pentagone al-Udaid, qui constitue la base militaire américaine la plus importante au Moyen-Orient. Toutes ces preuves d’obédience sonnante et trébuchante, pensaient les Qataris, les protègeraient contre toute menace.  

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Oui, les USA se sont engagés à préserver leurs trônes, en premier lieu, contre leur propre peuple et contre la vindicte des pays voisins. Pas contre Israël. Avec le feu vert du candidat au Nobel de la paix, l’abominable recherché par la Justice internationale, pour crime contre l’humanité, lança sur la capitale qatarie une quinzaine d’avions de combat pour tuer les négociateurs de la résistance palestinienne venus discuter le plan de paix de Trump, prêts à faire des concessions. Leur convocation s’est avérée un piège qu’Al Capone aurait jugé indigne. Netanyahu, l’inqualifiable, ne le regrette pas. Il menace de les poursuivre où qu’ils se trouvent: Ankara, Le Caire ou encore Doha. Dans son esprit étriqué, il pense qu’en assassinant les chefs, l’édifice s’écroulera de lui-même. Mais, n’ayant rien d’un Rodrigue, jamais il ne saura dire: «Et le combat cessa faute de combattants».

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Doha, abasourdie, frise l’apoplexie. Elle fomente à la hâte un sommet islamique et c’est d’un ton terne et penaud que rois, roitelets et autres chefs et sous-chefs d’État, dénoncent l’agression. Pathétique, le président libanais s’est posé la question : «le gouvernement israélien veut-il une paix juste et durable dans notre région? Si la réponse est positive, alors nous sommes prêts.» Non M. Joseph Aoun ! Même en forçant le Hezbollah à déposer les armes, le monstre n’est nullement disposé à restituer les cinq places qu’il occupe au Sud-Liban. Au contraire, il y fortifie ses positions.

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Jusqu’à quand les gouvernants arabes continueront-ils à pratiquer la politique de l’autruche? Ceux qui reconnaissent l’État hébreu savent-ils qu’il est un pays sans frontières officielles ? Il a, dès sa création, repoussé celles tracées par la résolution onusienne de 1947. Dans une interview accordée, le 12 août dernier, à la chaîne I24, Netanyahu annonce que les temps sont venus de réaliser une prophétie biblique : «le Grand Israël». Il engloberait toute la Palestine historique ainsi que la Jordanie, le Sinaï, le Liban, les deux tiers de la Syrie, une portion de l’Irak, une autre à soustraire à l’Arabie Saoudite, voire Médine ou l’ancien Khaybar, pour le moins. Trump approuve déjà l’annexion du Golan et au-delà.

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Ah, le bon vieux Bourguiba. En pleine guerre froide, par conviction, il avait choisi le camp occidental. Les États-Unis lui en surent gré. Ils aidèrent la Tunisie à s’émanciper du joug colonial et garantirent sa souveraineté. En 1961, lors du voyage officiel du «Combattant suprême» à Washington, le président JFK et le bon peuple américain lui réservèrent un accueil triomphal. Dans le cadre de cette vieille amitié, Bourguiba effectue, du 18 au 21 juin 1985, une dernière visite de travail à la capitale américaine. Le président Reagan lui fait un accueil des plus chaleureux. Mais chasser le naturel, il revient au galop, hélas.

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Le 1er octobre 1985, soit 3 mois et 9 jours après ladite visite, l’aviation israélienne, avec l’aval de la Maison-Blanche, effectue un raid meurtrier contre un camp palestinien, sis à Hammam Chott, dans la banlieue sud de la capitale, où tous les dirigeants de l’OLP, Arafat en tête, devaient tenir une importante réunion. L’agression s’est soldée par 68 victimes (50 Palestiniens et 18 Tunisiens). Par chance, grâce à un retard imprévu, les dignitaires palestiniens n’étaient pas au rendez-vous à l’heure dite. Excédé, Bourguiba convoque l’ambassadeur US et rugit : cela fait 50 ans que je m’efforce de convaincre mon peuple que les États-Unis sont nos amis. Dites à votre président que la Tunisie porte plainte contre l’agresseur auprès du Conseil de sécurité et que si Washington oppose son veto pour empêcher qu’Israël soit condamné, nous romprons nos relations diplomatiques avec vous. L’Amérique s’abstint, la Tunisie obtint gain de cause. Mais n’est pas Bourguiba qui veut.

Abdelaziz Kacem

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