Pétra, au-delà de la Trésorerie

Par Nour Ben Romdhane - Pétra. Un mot magique, un mot dont la seule prononciation suffit à faire battre les cœurs d’excitation, à vous faire voyager dans le temps. Que dire alors de ce que Pétra fera de vous si vous vous donnez la chance de vous y trouver vraiment ?
Cependant, j’ai constaté de ma propre expérience et par l’observation et l’écoute des touristes, surtout arabes, visitant Pétra, que nous ne savons pas du tout à quoi nous attendre, que nous croyons à tort que la grande renommée de l’ancienne capitale nabatéenne n’est due qu’à la seule Trésorerie, l’une des sept merveilles du monde. En vérité, il y a tant de choses à voir, réparties sur quelque 10 km2 réservés aux circuits touristiques traditionnels, qu’il est pratiquement impossible de réaliser la visite de Pétra en seulement un jour. C’est justement dans le but de vous aider à mieux organiser votre prochaine visite de la cité historique et faire en sorte que vous ne ratiez pas l’occasion de découvrir une série d’extraordinaires vestiges et vues insolites que j’ai pensé à écrire cet article. Commençons tout d’abord par les préparatifs, conseils et indications utiles.
Il faut vous équiper d’un sac à dos contenant au moins une bouteille d’un litre et demi d’eau minérale, des fruits secs et autres collations énergétiques et consistantes. Noter qu’à l’extérieur, comme à l’intérieur du centre des visiteurs de Pétra, vous trouverez quantité d’échoppes, de cafés, de restaurants de plats locaux ou fast-foods dont vous pourrez vous approvisionner. Il vous faut également un chapeau, ou un shmagh, ainsi que des vêtements et des chaussures pratiques pour de longues marches sous le soleil dans un environnement sablonneux et rocheux.Trois routes permettent d’atteindre Pétra depuis la capitale hachémite, Amman. Je vous conseille d’opter pour les deux plus rapides : la route du désert (route 15) fait à peu près 231 km, elle passe par des immensités désertiques à perte de vue parsemées de gigantesques montagnes rocheuses multiformes. Cette route n’est pas totalement désertique, elle traverse de temps à autre des villages animés, où de part et d’autre, vous pouvez trouver des cafés, des restaurants ou encore des services de lavage d’automobiles. La deuxième route est celle de la mer Morte (route 65). Comme son nom l’indique, elle chemine tout d’abord tout au long de la mer Morte pendant qu’à votre gauche défilent une infinité de vallées multicolores, puis traverse le ghor al-janoubi avant de bifurquer au niveau de Tafila. Cette route fait à peu près 270 km. En partant d’Aqaba, où se trouve le deuxième aéroport international du royaume, la distance qui vous sépare alors de Pétra est de 130 km. La route traverse des paysages grandioses, dignes de scènes cinématographiques.
Question transport, vous pouvez opter pour des voitures de location, disponibles pour tous les goûts et budgets, ou les taxis touristiques et les bus touristiques (Jett) qui offrent une classe normale et une VIP. Les bus nécessitent de préférence une réservation à l’avance car ils sont très prisés par les Jordaniens.
Au cas où vous compteriez passer la nuit à Pétra, il existe dans la région de Wadi Moussa – région où se trouve Pétra- des hôtels pour tous les budgets à différentes distances du centre des visiteurs. Le Movimpick Resort Pétra se trouve, lui, à 50 mètres du centre, son restaurant propose de délicieux mets jordaniens telles la Maklouba ou la Sayyadiyé.Il est important de savoir que le site de Pétra était et reste le lieu d’habitation de quelques tribus bédouines. Tout au long de votre visite, vous rencontrerez ces bédouins, hommes, femmes, jeunes et enfants dont le seul moyen de subsistance provient des différentes marchandises qu’ils vendent (produits locaux, artefacts, nourriture, boissons) et des services qu’ils proposent (tournées à dos de cheval, à dos de dromadaire, déplacement à dos d’âne pour les longues distances, guide touristique). Même si vous n’êtes pas du tout intéressé par leurs offres, au lieu de les narguer ou de les négliger avec froideur et arrogance comme le font certains touristes, essayez plutôt de leur répondre par un simple ‘merci’ accompagné d’un sourire qui ne coûtent absolument rien. Les bédouins sont très chaleureux, ils souhaitent toujours la bienvenue aux visiteurs dans leur territoire dont ils sont très fiers d’appartenir et ont de plus un grand sens de l’humour. Aussi, les bédouins sont toujours les premiers à venir à la rescousse des visiteurs piégés par les inondations torrentielles.
Vérifier la météo est toujours recommandé avant de s’aventurer à Pétra. Il faut éviter la saison des pluies qui a tendance à se décaler avec le changement climatique, éviter aussi de s’y rendre en plein été car il fait extrêmement chaud. La meilleure période est vers la fin du printemps ou encore vers la fin de l’été/début de l’automne.
Le centre des visiteurs comporte des toilettes bien entretenues. A la billetterie, vous êtes en mesure de choisir l’option payante de se faire transporter pour tout ou une partie du circuit par navettes électriques. Munissez-vous de vos pièces d’identité pour prouver votre origine - les Arabes bénéficient d’un prix spécial. Vous devrez aussi les montrer au poste de sécurité avant l’entrée au site, sécurité collective oblige.
Commence alors un chemin caillouteux d’à peu près 500 mètres le long duquel on retrouve ce que les archéologues pensent être parmi les premiers tombeaux construits par les nabatéens. Le tombeau djinn qui a une forme cubique -il en existe au total 20 sur tout le site- fait à la fois fonction de tombeau et de stèle funéraire, le tombeau aux quatre obélisques -chacune des obélisques correspond à une stèle funéraire- et le Triclinium appelé ainsi parce qu’il imite l’apparence d’une salle à manger romaine.Les nabatéens avaient pour principale et extrêmement profitable profession le transport de toutes sortes de marchandises à dos de dromadaire à travers l’immensité désertique qu’ils connaissaient comme leur poche, reliant l’Orient à l’Occident. C’est tout naturellement qu’ils s’inspirèrent dans leur style architectural des différentes cultures qu’ils avaient coutume de côtoyer.
Vient ensuite l’entrée du Siq ‘Bab as-Siq’ qui mène naturellement au Siq, un canyon naturel qui fait 1,5 km de long. Ses roches, de différents tons de rouge et de jaune, peuvent atteindre les 100 mètres d’altitude. Cependant, le Siq n’excède pas les 3 mètres de large. En le traversant, il faut rester l’œil très alerte pour pouvoir distinguer, dans ses parois, des niches votives dédiées à différents dieux, des bas-reliefs, des inscriptions commémoratives ainsi qu’une représentation d’un dromadaire et d’un chamelier.
Le Siq fut utilisé à la fois comme un moyen de passage et un chemin religieux et commémoratif. Les nabatéens, experts en ingénierie hydraulique, réussirent, par la construction de plusieurs barrages, tunnels et tuyaux en céramique, à dévier et contrôler les eaux torrentielles de la saison pluviale qui avaient tendance à couler à grande vitesse à travers l’étroit Siq et à causer de grands désastres. Des citernes publiques et privées, alimentées par ses eaux, permettaient ensuite de subvenir aux besoins de la population -toujours croissante- durant les longs mois de sécheresse.
A chaque tournant du Siq, on s’attend à voir apparaître la Trésorerie qui, elle, se cache toujours, voulant faire languir davantage notre impatience de la voir. C’est finalement à son niveau le plus étroit que le Siq nous livre enfin à elle, annonçant de même l’entrée dans la ville. La Trésoreire ou khaznet pharaon, joyau rose excavé dans la roche et protégé par elle, représente le stade le plus avancé auquel est parvenue l’architecture nabatéenne. Ce tombeau sublime, inspiré des cultures hellénique et romaine, ne peut avoir été édifié que pour un grand roi. De nombreux archéologues et chercheurs pensent qu’il s’agit du roi Harith III Philodemus (84-56 av. J.-C.) sous le règne duquel le royaume nabatéen connut sa plus grande gloire.La visite se poursuit en face, à droite de la Trésorerie, par l’emprunt du Siq extérieur qui fait à peu près trois cents mètres et qui mène au centre de la ville, là où se trouve le théâtre romain à 33 étages pouvant contenir jusqu’à 5 000 personnes. Une centaine de mètres de l’amphithéâtre, à droite, se trouve le massif d’Al-Khubtha abritant quantité de tombaux excavés aux magnifiques structures dont le tombeau à l’urne contenant une terrasse avec portiques doriques ayant possiblement appartenu au roi nabatéen Malik II (40-71 ap. J.-C.) et qui fut plus tard transformé en église sous le règne des byzantins, le suit la tombe de la soie appelée ainsi à cause des couleurs et ondulations des strates de grès sur sa façade, puis le tombeau corinthien qui est une imitation non réussie de la khasné -à part son apparente disproportionnalité il fut également endommagé par l’érosion. Vient ensuite le tombeau à étages ou palace au style baroque construit sur trois étages avec pilastres et arches et finalement, un peu en retrait, on découvre le tombeau du souverain de la province d’Arabie, Sextius Florentinus, qui demanda à être enterré à Pétra et qui mourut en l’an 129 ap. J.-C. On accède facilement à ces tombaux en empruntant des pentes et des escaliers creusés dans le massif.
Sur un plateau face au massif d’Al-Khubtha, on retrouve l’église byzantine de Pétra qui date du 5e siècle et dans laquelle on peut admirer le pavement en mosaïque des nefs latérales représentant des animaux domestiques et sauvages, une variété de poissons, d’arbres et de fruits, témoin de la vie d’aisance, d’abondance et de prospérité dont jouissaient les habitants de Pétra.
Non loin de l’église, on retrouve les décombres du temple du lion ailé. Comme la quasi-totalité des édifices que les nabatéens ont construits et non pas excavés dans la roche, ce temple n’a pu résister aux tremblements de terre que la région a maintes fois endurés. La seule structure construite qui fait exception, qui demeura debout, est le temple appelé Qasr al-Bint dédié à Dushara, dieu des dieux des nabatéens. L’édifice a la forme d’un cube faisant 28 mètres de haut et 23 de large et est décoré d’une belle frise et corniche. Une inscription certifie que le temple a été construit au 1er siècle av. J.-C., coïncidant avec le règne du roi Obodas III.
A présent, je m’adresse aux plus courageux et sportifs et à qui je recommande de ne pas manquer l’ascension à l’autel du sacrifice Al-Madhbah où, après avoir gravi à peu près huit cents marches, l’ascension commence près du café Why not ? non loin de l’amphithéâtre- on accède à une vue sensationnelle sur les vallées entourant Pétra. Une autre montagne qui vaut la peine d’être gravie est celle qui mène au Deir -ou le Monastère- et qui est composée d’à peu près mille marches. Le Deir est la deuxième construction excavée qui ressemble à la Trésorerie mais contrairement à elle, il est de couleur jaune miel, il est beaucoup plus grand, énorme, il est intact et sans représentations mythologiques malgré l’existence de niches prévues à cet effet.
L’ascension vers ces sommets est en elle-même une thérapie spirituelle. Le chemin est très peu fréquenté par les touristes, ce qui fait qu’on est quasiment seul. On marche à son propre rythme, entouré par une nature imposante. De temps à autre, on rencontre des bédouines installées sur des nattes, entourées de leurs marchandises. On échange quelques paroles avec elles, un sourire, et parfois, les quelques paroles s’allongent en d’intéressantes conversations. Le chemin compte toujours plus que l’arrivée au sommet.
Nour Ben Romdhane
A lire pour de plus amples informations sur Pétra:
• Pétra and the lost kingdom of the nabateans by Jane Taylor ed. I.B.Tauris.
Art and History, Petra ed. Bouechi
• Pétra retrouvée, voyage de l’Arabie Pétrée 1828 Léon de Laborde et Linant de Bellefonds ed. Pygmalion Gérard Watelet