« Transculturalisme et francophonie » de Hédi Bouraoui : la quintessence d'une vie

Par Arselène Ben Farhat - Tout au long de sa vie, Hédi Bouraoui a publié une œuvre colossale comprenant une cinquantaine d’ouvrages variés : seize romans, vingt-huit recueils de poésie, douze essais, six recueils de nouvelles et trois narratoèmes. Il passe d’un genre à un autre aisément, brouille les codes et les catégories génériques et n’hésite pas à inventer de nouveaux genres littéraires comme le prosème qui implique la suppression des frontières entre la prose et la poésie ou le narratoème qui désigne un poème narratif ou un récit poétique.
Agé de 92 ans, Hédi Bouraoui publie en 2025, chez Leaders, une nouvelle étude, « Transculturalisme et francophonie », qui surprend par sa richesse, son ampleur et son caractère innovant. C’est que les lecteurs découvrent le merveilleux spectacle de la naissance de Hédi Bouraoui l’écrivain doublé du Professeur, les diverses étapes de sa maturation, les multiples difficultés qu’il a affrontées et sa brillante réussite. Est-ce un récit de vie ? Une autobiographie ? Des mémoires ? Un journal intime ? Une biographie ? Il serait peut-être imprudent de tenter de définir le genre auquel appartient ce livre et de le lire à travers les modes d’écriture et de réception de ce genre, car d’une part, l’écrivain refuse de se conformer à tout schéma générique préétabli. D’autre part, il semble bien difficile de restituer en un seul volume une vie si dense et si foisonnante. Ensuite, l’auteur cherche, en variant les procédés de style et en usant d’une écriture hybride à apporter au grand public l’émotion et le plaisir.
C’est un livre où l’auteur ne se contente pas de raconter les événements qui l’ont marqué, ni les expériences qu’il a vécues, mais il en saisit l'esprit, la signification profonde, l’essence même. C’est pourquoi « Transculturalisme et francophonie » n’obéit pas à un ordre chronologique linéaire débutant par l’évocation de l’enfance de l’auteur et s’achevant par le moment de l'élaboration de son livre. Une telle structure ne permet pas aux lecteurs d’explorer les profondeurs de l’être de l’écrivain ni de pénétrer dans les arcanes de sa création littéraire. Or, le projet de Hédi Bouraoui est de réaliser une traversée de son moi, un moi transculturel situé à la frontière de plusieurs langues et de plusieurs cultures. Dès la dédicace, il se définit comme un auteur à la fois tricontinental (africain, européen, américain) et trilingue (le français, l’arabe et l’anglais) :
« A Sfax, ma ville natale,
A la Tunisie, mon pays d’origine
A l’Afrique entière, mon continent premier
A la France, mon pays de langue et de culture
A l’Europe, mes pays de cultures diversement bariolées
A Toronto, la « Ville Reine » de ma vivance et de mes écrits
Au Canada, mon pays d’adoption reconnaissant de mes efforts
Au « Village Global » avec l’espoir d’un trans-humanisme de paix »
Très jeune, Hédi Bouraoui quitte la Tunisie, il se dirige vers la France, ensuite vers le Canada, puis vers les Etats Unis. Ce parcours lui permet de découvrir de multiples cultures et d’explorer des principes, des valeurs et des modes de vie variés. Une telle multiculturalité se fonde donc sur la multiplicité, la diversité et la cohabitation culturelle. Elle permet certes la reconnaissance de l’Autre dans sa différence ethnique, culturelle et religieuse, mais elle maintient la différence et n’abolit pas la distance avec l’Autre. Hédi Bouraoui va encore plus loin quand il affirme que le pluriculturel, le multiculturel et l’interculturel ne font pas disparaitre la distance entre les communautés, mais la renforcent en créant des ghettos : « Mon constat était que le Multiculturalisme crée des ghettos et oublie la question essentielle de faire dialoguer et échanger les diverses cultures. » (Frédéric-Gaël Theuriau, « Cinq échanges à la une : Entretien avec Hédi Bouraoui sur le transculturalisme », Libreto #35 | 1/2024, p. 54). C’est pourquoi Bouraoui préconise, dans toutes ses études, la transculturalité définie comme un croisement et un échange constant entre les différentes cultures. Mais, le paradoxe de ce projet transculturel est d’abolir la distance avec l’Autre tout en évitant l’effacement de soi. L’extrait suivant qui est tiré de « Transculturalisme et francophonie » le montre clairement : « En gros, ma première définition du Transculturalisme est de bien connaître soi-même (processus assez difficile) et bien entendu sa propre culture (superficielle et profonde) pour la transcender, la transmettre, la transvaser à d’autres personnes différentes, tout en s’attendant à ce que les autres vous transmettent la leur. Ce qui génère l’égalité dans les échanges. » (« Trans- culturalisme et francophonie », Leaders, 2025, p. 10-11).
Dès le début de sa carrière, Hédi Bouraoui tente de retrouver sa voie transculturelle à travers la littérature et l’enseignement. La transculturalité qu’il pratique dans ses œuvres lui permet d’assurer un échange et un métissage discursif et stylistique. Le roman « Bangkok blues », par exemple, le montre clairement. En effet, le titre établit un lien entre l’Asie (Bangkok est la capitale de la Thaïlande) et l’Amérique (le blues est la musique des noirs du sud des États-Unis). De même, le héros ne ressemble pas aux personnages du récit traditionnel. Il est transculturel et même, d’après Hédi Bouraoui, « transindividuel» (« Bangkok blues », p. 54) puisqu’il ne porte pas le même nom : il est Virgulius, Vir, Virgule, Rama-Virgule, Ram-Vir et Virzombi. De plus, il est en même temps bouddhiste, hindou, chrétien, musulman : « Pourtant je suis, ici en Thaïlande, chez moi. Je vogue à l’aise. J’enlève mes chaussures à l’entrée des temples, comme à la mosquée, ou comme j’ôte mon chapeau à l’église. Je me suis agenouillé devant les bouddhas colossaux et dorés. » (« Bangkok blues », p. 15).
En somme, l’auteur a introduit d’une part une vision du monde fondée sur la transculturalité qui implique le dialogue et la tolérance. Il a tenté d’autre part de renouveler l’esthétique du roman.
Cependant, le transculturalisme est lié, selon Hédi Bouraoui, à la créaculture qui « prend en charge la création constante de valeurs culturelles par l’interaction de l’homme / femme en un lieu donné pendant un temps donné. » («Transculturalisme et francophonie », p. 7-8). Or, c’est dans le domaine de l’enseignement que Hédi Bouraoui a pu mettre en œuvre la créaculture si bien il est appelé « Monsieur créaculture » suscitant l’admiration et la fierté de sa famille : « On m’appelait Monsieur créaculture. Ma famille était fière à tel point que mon frère ayant hérité de notre maison a établi un Centre d’informatique et d’entrainements / ventes d’ordinateurs et autres et il l’a nommé «Créaculture". » («Transculturalisme et francophonie », p. 21).
C’est son parcours d’enseignant qui a amené Hédi Bouraoui à concevoir et à développer sa vision de la créaculture et à élaborer de nouvelles méthodes pédagogiques qui vont être exploitées dans la plupart des institutions. En fait, il a commencé sa carrière dans l’enseignement très jeune. Pour préparer sa thèse, il doit payer les frais de ses études, son loyer et sa nourriture. Il est donc conduit à enseigner la langue française comme « teaching assistant » à « Cornell Univerity » située dans la ville d'Ithaca dans l’État de New York. Il assure 18 heures d’enseignement par semaine et donne également des cours aux particuliers « pour survivre » («Transculturalisme et francophonie », p. 17).
Quoique difficile et épuisant, l’exercice de ce métier permet au chercheur de s’auto-former en pédagogie et en didactique. A partir des nouvelles méthodes audio-visuelles de l’époque fondées sur l'intégration de l'image et du son dans l'apprentissage des langues étrangères, Hédi Bouraoui élabore deux approches adaptées aux besoins des apprenants. La première approche met en œuvre des exercices structuraux dont le but de fonder l'apprentissage de la langue sur des automatismes et des réflexes conditionnés : « […] je me suis mis à fabriquer ma propre méthodologie. D’où le travail de revoir toute la grammaire française en créant des dialogues avec des exercices structuraux à répéter en « pattern drills » afin de les inscrire dans l’esprit des étudiants et à partir de là, la règle de grammaire sujet / verbe / complément devenait habituelle et émergeait de la bouche de l’étudiant(e) de la manière la plus naturelle. » («Transculturalisme et francophonie », p. 18).
On fait acquérir une structure linguistique par sa manipulation systématique dans une série de phrases conçues selon un même modèle proposé au début de l’apprentissage. La répétition est, dans ce contexte, essentielle dans le processus d’acquisition d’une forme syntaxique donnée. Ce sont en fait des exercices de transformation, de réduction, de substitution, d’expansion, etc. Ils assurent certes l’appropriation des langues vivantes – dont le français. Cependant, ils sont artificiels. En ce sens, les phrases produites dans le cadre de ces exercices structuraux sont hors contexte naturel, trop éloignées de la vraie vie. Or, l’efficacité de l’apprentissage d’une langue est déterminée par la capacité des élèves et des étudiants à utiliser aisément cette langue dans différentes situations de la vie quotidienne. Hédi Bouraoui affirme : « Je me suis vite rendu compte qu’on ne pouvait pas enseigner une langue sans la mettre dans son contexte culturel. Et pour les étudiant(e)s étranger(e)s, il vaut mieux leur fournir des références de leur propre culture en comparaison avec celle qu’ils sont en train d’apprendre. » («Transculturalisme et francophonie », p. 18).
Il s’agit de mettre les étudiants dans un contexte culturel lié à la thématique « de la famille, la femme, la province, les arts, etc. » («Transculturalisme et francophonie », p. 18). L’apprenant est amené à employer les notions linguistiques, thématiques et discursives adaptées au contexte d’énonciation, à l’intention du locuteur et aux effets du discours. On ne met pas l’accent sur l’apprentissage isolé des règles grammaticales, mais l’emploi de la langue dans des situations de communication réelle, car, Selon Hédi Bouraoui, la grammaire ne doit pas être enseignée en elle-même, pour elle-même, mais elle doit être pratiquée selon les besoins des locuteurs dans des contextes réels.
Pour développer les nouvelles approches d’enseignement qu’il a inventées, Hédi Bouraoui a créé un Centre de Langue DLL (« The Division of Linguistics and Langage Training ») qu’il a dirigé et a pu établir un programme de formation ambitieux : « Parole et Action et Créaculture ». Il a recruté et formé une quarantaine de Professeurs et a eu un grand succès. Sa méthodologie a été adoptée dans plus de cinquante d’universités aux Etats Unis et au Canada. Il l’a publiée dans un ouvrage « Parole et Action », CCD, Philadelphie et Didier Canada, Montréal, 1971, 280 pages. Cependant, Alain Favrod, l’un des assistants qu’il a recrutés était rusé. Il a pu « glisser dans le poste » de Hédi Bouraoui et a pris sa place : « Je suppose que ma créaculture a fait son temps et donc il fallait faire quelque chose d’autre » avoue-t-il («Transculturalisme et francophonie », p. 23).
La même amertume domine le discours de Hédi Bouraoui quand il évoque ses rapports avec certains éditeurs qui n’ont pas respecté leurs promesses et qui l’ont même trahi. C’est le cas de Stefan Psenak, directeur de la maison d’édition «l’Interligne » à Ottawa. Il a publié un récit « La Composée » sans corriger les erreurs et s’est fâché quand Bouraoui lui a fait la remarque. La rupture entre les deux amis devient inévitable.
C’est aussi le cas de Rodney Saint-Eloi, directeur de la maison d’édition « Mémoire d’encrier » à Montréal. Au début, Bouraoui avait eu de bonnes relations avec ce poète-éditeur haïtien. Il lui a publié rapidement « Struga, suivi de Magelle d’un Festival » et « Transpoétique : éloge du nomadisme » et a manifesté un grand enthousiasme quand Hédi Bouraoui lui a soumis son roman « Paris berbère » : « Il voulait même faire de "Paris Berbère" un bestseller. »
«Transculturalisme et francophonie », p. 170). L’évaluation positive et élogieuse du directeur littéraire de « Mémoire d’encrier » aurait dû accélérer la publication de cette œuvre. Ce qui se passe, c’est une vraie débâcle inexplicable. Après vingt mois de modifications et de corrections, l’éditeur demande à « deux Algériennes incultes » (p. 171) d’évaluer l’œuvre et elles ont émis un avis défavorable : « Je suppose qu’elles ont confirmé ce qu’il voulait entendre. » (P. 171) Leur rapport a suscité l’indignation et la colère du romancier. Non seulement les deux évaluatrices confondent les instances narratives (héros, narrateur et auteur) mais l’accusent d’être d’une part misogyne puisqu’il utilise dans son roman le terme « mamelles », d’autre part chauvin puisqu’il emploie le mot « tribu » en évoquant les Algériens : « Je ne pardonnerai jamais à ces ignares inconnues, ni à Rodney Saint-Eloi qui se disait "mon ami, mon frère". » (P. 172).
Cependant, Hédi Bouraoui a toujours établi un rapport fondé sur l’entente, la bienveillance et la franchise avec les éditeurs de ses œuvres : « J’avoue aussi qu’avec patiente et doigté, j’ai réussi à instaurer, en fin de compte, un climat de confiance et parfois une entente cordiale, bénéfique pour moi et pour les éditeurs.» (P. 47) L’avantage de cette façon de procéder c’est que les éditeurs des recueils de poésie, des romans et des essais apportent une précieuse aide à Hédi Bouraoui, le conseillent et le guident. Mieux encore, ils dépensent beaucoup d’argent pour la mise en pages du texte, la correction des épreuves, l’impression, l’établissement du paratexte éditorial essentiellement la couverture, la diffusion du livre et sa promotion. Hédi Bouraoui accepte d’apporter à son texte les corrections de langue et la modification des titres. Nous citerons comme exemple son roman consacré à Sfax, sa ville natale. Il avait comme titre initial « Taparura» mais Abderrahmen Ayoub, l’éditeur, lui a demandé de le changer et lui a proposé « Retour à Thyna »: « Je modifierai mes écrits si les nouvelles suggestions les font étinceler de toutes leurs créativités originales. Et je refuserai toute tentative de censure d’où qu’elles viennent pour des raisons commerciales, engagements socio-politiques et autres. » («Transculturalisme et francophonie », p. 47).
Cependant, Hédi Bouraoui ne s’est pas seulement intéressé, dans «Transculturalisme et francophonie », à ses œuvres quand elles étaient entre les mains des éditeurs et des lecteurs, mais aussi au processus de leur naissance, de leur élaboration et aux étapes de leurs métamorphoses en de magnifiques œuvres littéraires. «Transculturalisme et francophonie » nous dévoile ainsi les avant-textes des œuvres de Bouraoui et explore les zones d’ombre où germe le projet d’un récit ou d’un poème : quel est l’élément déclencheur de la création d’une œuvre littéraire ? Que se passe-t-il chez Hédi Bouraoui avant l’élaboration de cette œuvre ? Est-ce qu’il choisit d’écrire et de planifier cet acte ou c’est l’œuvre qui le hante, le domine et surgit malgré lui ? «Transculturalisme et francophonie » comporte le récit de la genèse de certains romans et recueils de poésie de Hédi Bouraoui et chaque fois c’est un récit passionnant qui nous plonge dans les affres de la création littéraire. Citons à titre d’exemple son roman « Ainsi parle la tour CN ». C’est que l’auteur a rêvé d’écrire un roman sur la ville de Toronto et surtout sur l’arrivée massive des immigrés qui ont contribué à son grand essor. Mais il n’arrivait pas à écrire cette œuvre ; il avoue : « En réalité, je ne savais comment aborder la représentation de cette communauté multiculturelle, multi-ethnique, multiraciale, multireligieuse, multi-infini. » («Transculturalisme et francophonie », p. 126).
L’élaboration de ce roman lui semblait un projet impossible à réaliser. Mais, au cours d’une promenade à Toronto avec des amis, sur le fond sombre de la nuit apparaît brutalement à Hédi Bouraoui, un spectacle fulgurant : c’est celui de la Tour CN. Il l’aperçoit en train de clignoter. Comme par magie, la Tour CN est devenue la matrice génératrice du roman que veut écrire Bouraoui, « le germe vital de l’œuvre ». Orecchioni décrit ce processus en disant : « le texte préexisterait dans le mot-thème, sorte de pré-texte, d’antécédent du discours, de germe vital de l’œuvre » (« La Connotation », P.U.L., 1977, p. 50). La Tour CN se définit comme le mot-thème et comme le germe vital qui détermine les thèmes du roman, ses héros, son espace, son cadre temporel, sa structure et son contenu axiologique. Hédi Bouraoui dit: « Un jour je faisais visiter le centre-ville à quelques amies françaises et nous étions au campus St-George de l’université de Toronto quand j’ai vu clignoter la Tour CN (Canadian National), la plus haute du monde à l’époque. Et cela m’a donné l’idée de la faire raconter l’histoire de Toronto et ses communautés multiculturelles et surtout en décrivant la vie d’une vingtaine de personnes qui y travaillent en son sein. » («Transculturalisme et francophonie », p. 126).
Toutefois, le plus intéressant dans «Transculturalisme et francophonie », ce ne sont pas uniquement « les avant-textes », mais ce sont aussi « les textes ». Hédi Bouraoui fournit, aux lecteurs, dans son livre, une esquisse de présentation de chacun de ses recueils de poésie comme « Haïtuvois » (p. 51 et p. 56), « Tales of heritage I » (p. 56), « Tales of heritage II » (p. 60), « Vers et l’envers » (p. 64), « Ignescent » (p. 65), « Echosmos » (p. 67), « Reflet pluriel » (p. 70), « Arc-en-terre » (p. 75), « Emigressence » (p. 78), « Nomadaime » (p. 80) « Illuminations Autistes », (p. 82), « Struga, suivi de Margelle d'un Festival », (p.85), « Sfaxitude », (p. 87), «Adamesques » (p. 90), etc.
Il livre également un aperçu de chacun de ses romans comme « L'Icônaison » (p. 107), « Retour à Thyna » (p. 111), « La Pharaone » (p. 114), « Ainsi parle la Tour CN » (p. 117 et p. 125), « Etrange amour » (p. 119), « La Composée » (p.129), « Bangkok Blues » (p. 138), « Rose des sables » (p. 141) « Sept portes pour une brûlance » (p. 145), « Cap Nord » (p. 149), « Les Aléas d'une odyssée » (p. 149), « Méditerranée à voile toute » (p. 149) « Paris berbère » (p. 163), « Le Conteur » (p. 190).
Hédi Bouraoui présente chaque roman et chaque recueil de poésie que nous venons de citer dans une sorte d’esquisse de fiche de lecture qui comporte des éléments paratextuels et textuels choisis soigneusement : des fragments de la préface, la quatrième de couverture, la dédicace, la table des matières, des extraits de l’œuvre, des analyses critiques, des interviews de l’auteur, des échanges épistolaires entre l’écrivain et l’éditeur, etc. Ce sont là des fragments sécables, de « brefs éclats » présentés sous forme de morceaux informatifs, poétiques ou narratifs qui se caractérisent par leur concision, leur densité et leur opacité. Ils maintiennent en éveil la curiosité des lecteurs et provoquent chez eux le désir et le plaisir de lire les œuvres de Hédi Bouraoui.
En conclusion, « Transculturalisme et francophonie » rend compte des riches expériences de Hédi Bouraoui et des multiples romans, recueils de poésie et essais qu’il a publiés. Il constitue, grâce aux vingt-six belles photos de l’auteur, aux extraits tirés des œuvres, aux fragments pris des journaux de l’époque et des études critiques, un précieux document qui permet de connaître des détails sur la vie de l’auteur, sur ses écrits ainsi que sur ses projets littéraires et ses prises de position envers des sujets esthétiques et littéraires. En effet, c’est dans ce livre que Hédi Bouraoui expose les approches de l’enseignement des langues vivantes qu’il a inventées et qui ont été utilisées dans cinquante universités aux Etats Unis et au Canada. C’est là également qu’il présente les recueils de poésie et les romans écrits tout au long de sa vie en levant le voile sur le contexte de leur élaboration et sur leur genèse parfois si pénible et si lente. C’est là aussi qu’il met en relief sa conception esthétique et ses inventions en littérature. C’est là enfin que la voix de Hédi Bouraoui, le créateur, se déploie grâce à la voix de Hédi Bouraoui l’essayiste.
« Transculturalisme et francophonie » s’impose donc non seulement comme un journal de bord du romancier, mais aussi comme l’œuvre de l’œuvre : « C’est le livre que j’ai tant rêvé de publier. J’ai dû patienter près cinquante ans pour m’en acquitter » affirme fièrement Taoufik Habaib qui a publié ce livre (« Notes de l’éditeur », « Transculturalisme et francophonie », p. 4).
Arselène Ben Farhat
Transculturalisme et francophonie
de Hédi Bouraoui
Editions Leaders, 2025, 494 pages, 45 DT
En librairie et sur www.leadersbooks.com.tn