Tozeur, chroniques d’une ville des sables: Alya Hamza et Feryel Lakhdhar font découvrir d’autres merveilles

Même les fins connaisseurs de Tozeur en seront agréablement surpris. Loin des lieux communs, des personnages, des ambiances, des coutumes, des mets et tant de secrets jalousement gardés émergent en toute douceur. Dans «Tozeur, chroniques d’une ville des sables», Alya Hamza révèle en une cinquantaine de récits en murmures et pleins d’arômes l’inédit, le poignant et «l’irréel si attachant ». A « la beauté, la drôlerie et la concision de son verbe», comme l’écrira en préface Olivier Poivre d’Arvor, elle déroulera son escapade au gré de magnifiques dessins de Feryel Lakhdhar. «Feryel, écrit-elle en la remerciant, a tout de suite accepté de me suivre sous les palmiers ou au bord du chott, de partager avec moi cette histoire oasienne, et que je soupçonne d’avoir, elle aussi, été victime de la magie de cette ville des sables.»
Le verbe, le trait, le design graphique et l’édition se conjuguent si harmonieusement dans ce livre «tombé du ciel» qu’on ne peut lire sans avoir une pensée pour Abderrazek Cheraït, «qui voulait faire de Tozeur le centre du monde», et à qui il est dédié.
Tout s’inscrit, tout se restitue
Après «Mahdia, chronique d’une ville heureuse», c’est à Tozeur qu’Alya Hamza pose ses valises… Avant d’aller à Kairouan et de nous promettre, entre les deux, les chroniques d’une journaliste nostalgique : le jour où… avec des dessins de Lotfi Ben Sassi. Une légère teinte de bleu avait été choisie en code couleur pour les chroniques de Mahdia. Pour Tozeur, c’est un brique-orange discret qui servira de fond pour toutes les pages…
L’attachement d’Alya Hamza au sud tunisien remonte à un grand-père originaire de Kébili qui se gardait de n’y emmener que les garçons de la famille. Et c’est Abderrazek Cheraït qui lui fera découvrir le Djérid et l’encouragera à publier un livre consacré à Dar Cheraït. La passion fut totale, magique, sans cesse relancée. Dans sa mémoire, tout s’inscrit, rien ne se perd, de ce quelle voit, entend, ressent, sent, apprend…
Comment donner forme, en évitant l’anodin, à tant d’aspects si divers, si précieux, si particuliers ? Comment capter l’attention du lecteur, le tenir en haleine et l’encourager à aller vivre sa propre expérience ? Alya Hamza saura en mode chronique restituer, par petites touches furtives, une part de «son Tozeur» à elle. Plus qu’un «dictionnaire amoureux», c’est une immersion fort agréable dans un vivant mouvant.
Tous touzris
Evidemment, les dunes de sable, les oasis avec des cultures en étages, les palmiers et les dattes sont incontournables : il suffit de leur consacrer une plume raffinée dans une rêverie doucereuse. Mais, il y a beaucoup plus à découvrir : tout le reste. Les «héros» choisis sont multiples : les chèvres, l’outarde, les calèches… tout un univers. Il y a les poètes, ils le sont tous : les maçons qui s’ingénient à incruster les briques d’argile emblématiques, les artisans, les hommes et les femmes qui chantent et dansent. Le caractère si particulier des Touzris fait le bonheur de ces chroniques.
Alya s’attardera sur Taleb Ammar, «le devin des sables», le «guaïal», qui garde la palmeraie pendant que le propriétaire fait la sieste, Badra, à la voix suave, qui sera invitée à se produire à Paris, Marseille et Genève, «Zina, Salha et les autres» qui perpétuent une longue tradition de tirer des bienfaits de ce que la nature peut prodiguer…
Il y a aussi les amoureux de Tozeur. Jean-Louis et Antoine, qui ont acquis de vieilles maisons de la médina pour en faire un lieu exceptionnel d’hospitalité et de ressourcement. Sergio qui, lui aussi, a acquis une maison et entraîné avec lui de nombreux amis. Peggy Galizine, longtemps en charge de la communication du palais de Monaco, qui viendra construire sa propre maison. Serge qui installera un atelier pour «reconstruire» de belles voitures acheminées d’Europe par conteneurs, et les sortir pimpantes, flamboyantes. Frère Marco qui s’est inséré au sein de la communauté. Des visiteurs réguliers s’y ajoutent : Jacques Chirac, Gisèle Halimi, et autres grandes personnalités du monde.
Les chroniques sont savoureuses, imagées, bien marinées dans le terroir, agrémentées de portraits incisifs…
Les dessins de Feryel Lakhdhar prolongent les textes, les épousent, leur confèrent de suggestives représentations. Ils s’offrent en balade curieuse et goulue dans l’oasis, dans le festif et dans l’intime. Le trait sait se faire très fin, gracieux, se préciser, s’évader, gamberger…Des chroniques dans les chroniques. De quoi en faire une belle exposition à laquelle Alya Hamza songe déjà. En proposant à Feryel de dédier les ventes au profit d’associations de bienfaisance.
Tozeur, chroniques d’une ville des sables
de Alya Hamza
Dessins de Feryel Lakhdhar
Simpact, 2025, 110 pages
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